Embargo russe: quel impact sur les entreprises belges ?

© istock

L’instauration par la Russie d’un embargo sur la plupart des produits alimentaires en provenance des pays d’Europe aura un impact sur les exportations belges, et donc wallonnes. En année pleine, celui-ci pourrait aller jusqu’à 25 millions d’euros, a-t-on appris jeudi auprès de l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEX).

Les exportations de la Belgique vers la Fédération de Russie atteignaient en 2012 5,408 milliards d’euros, ce qui représente 1,6% de l’ensemble des exportations belges, selon des statistiques d’Eurostat compilées par l’Agence pour le Commerce extérieur. La Russie occupait ainsi la 13e place parmi les principaux clients de la Belgique, après la Pologne mais devant la Suède.

A l’inverse, les importations belges en provenance de la Russie se montaient en 2012 à 8,510 milliards d’euros, soit 2,5% de l’ensemble de nos importations, ce qui faisait de la Russie notre 9e fournisseur, derrière l’Italie et devant la Suède. La balance commerciale de la Belgique à l’égard de la Russie est donc largement déficitaire, à hauteur de plus de 3,1 milliards d’euros en 2012.

Quatre secteurs représentaient plus de 70% des exportations belges vers la Russie, à savoir les produits chimiques (32,1%), les machines-outils (15,5%), le matériel de transport (13,3%) et les matières synthétiques (10%).

Un impact de maximum 25 millions d’euros sur les exportations wallonnes

“Dans un premier temps, l’embargo semblait concerner le boeuf, le porc, la volaille, le poisson, le fromage, le lait, les légumes et les fruits. En année complète, cela représente un manque à gagner de 10 à 12 millions d’euros pour les exportations de la Wallonie”, explique Christian Verdin, directeur général commerce extérieur à l’Awex. “Mais il semble que l’embargo russe concerne également les produits alimentaires manufacturés. Si on ajoute la liste complète des préparations alimentaires, on pourrait alors arriver à un impact de 24 à 25 millions d’euros sur les exportations wallonnes”.

“Ce sont des chiffres interpellants, l’impact n’est pas négligeable, mais la Russie n’est pas, et de loin, notre premier marché à l’exportation”, nuance toutefois Christian Verdin. Concrètement, la Russie représentait en 2013 0,84% de l’ensemble des exportations wallonnes, soit un montant de 337,35 millions d’euros. “Et les produits alimentaires ne représentent que 7% de ces 0,84%”.

Parmi les produits alimentaires, la rubrique la plus importante des exportations wallonnes vers la Russie est celle du lait et des produits dérivés (yaourt, fromage, etc.). Viennent ensuite la viande, les produits de la minoterie (farines), les préparations alimentaires et puis seulement les fruits et légumes.

S’agissant des exportations wallonnes en général vers la Russie, ce sont les produits des industries chimiques qui composent la plus grosse part (35%), suivis des machines et équipements mécaniques (18%), des métaux et ouvrages métalliques (17%), des matières plastiques et des caoutchoucs (8%).

Au total, en 2013, le montant des exportations wallonnes s’élevait à 40,3 milliards d’euros (excluant le gaz naturel), un résultat en hausse de 2% par rapport à 2012.

“Cela conduira inévitablement à des licenciements”

Les produits alimentaires, visés par l’embargo décrété jeudi par la Russie, atteignaient quant à eux 3,6% de l’ensemble des exportations belges.

L’embargo russe se fera particulièrement ressentir parmi les abattoirs belges. “C’est un coup très dur pour le secteur et cela conduira inévitablement à des licenciements”, a réagi l’administrateur délégué de la Febev, la Fédération belge de la viande, Thierry Smagghe. Il évalue à 500, sur 5.000, le nombre d’emplois excédentaires.

Un embargo russe était déjà en vigueur depuis le début de l’année sur la viande de porc, après la découverte de cas de fièvre porcine africaine en Lituanie. “Nous pensions arriver à une solution d’ici septembre mais désormais l’embargo est confirmé pour une longue période. Nos membres devront tirer leurs conclusions”, déplore Thierry Smagghe, évoquant une “guerre économique”.

Les chambres froides des abattoirs sont déjà remplies de viande qui ne peut être vendue. Au sein des entreprises fortement dépendantes de la Russie, une partie du personnel se trouve déjà en chômage technique, selon la Febev. “Plusieurs vont devoir fermer leurs portes. Jusqu’à présent, nous avons pu continuer à stocker mais si cela dure encore longtemps, cela n’aura plus de sens”.

L’embargo russe est désormais étendu à la viande bovine mais la Febev estime qu’il est possible de trouver d’autres marchés à l’exportation. Les exportations de viande bovine vers la Russie sont néanmoins beaucoup moins importante que celles de viandes de porc.

Au 31 juillet 2014, la Febev avait estimé que l’embargo russe sur la viande de porc avait déjà coûté 40 millions d’euros au secteur belge sur les six derniers mois.

Le secteur laitier craint une baisse des prix

De son côté, le secteur laitier redoute que l’embargo décrété par la Russie n’entraîne les prix à la baisse sur le marché européen. Les entreprises risquent dès lors d’enregistrer des revenus moindres, ce qui pénalisera les éleveurs, craint-on à la Confédération belge de l’industrie laitière (CBL).

Les entreprises belges du secteur laitier ont exporté en 2013 pour quelque 20 millions d’euros à destination de la Fédération de Russie. “Ce n’est pas notre principal marché. Les exportations se sont montées à 500 millions d’euros et la Russie n’était que notre quatrième marché à l’exportation”, souligne Renaat Debergh, de la CBL. Si des d’emplois ne sont pas directement menacés, le secteur craint les conséquences indirectes de la décision russe.

Un tiers du formage et plus d’un quart du beurre européen est écoulé en Russie, souligne encore la CBL. Si les portes du marché russe se referment, une forte pression sur les prix pourrait s’en suivre alors que les quotas laitiers européens seront abolis au 1er avril 2015. “La Russie était un marché en croissance sur lequel nous fondions nos espoirs. Nous espérons donc rapidement qu’une solution puisse être trouvée au conflit en Ukraine”, conclut Renaat Debergh.

Fruits et légumes

La Belgique est également connue pour exporter des poires vers la Russie mais aussi notamment des tomates ou des carottes. Après l’Italie, notre pays occupe d’ailleurs la deuxième place en Europe au classement des principaux producteurs de poires. Environ 90% de notre production de poires est exportée.

Selon une étude de l’Agence pour le Commerce extérieur datant de septembre 2013, 2.373 entreprises belges exportaient alors vers la Russie. En outre, 3.033 autres entreprises belges marquaient de l’intérêt pour le marché russe.

La Russie a décrété jeudi une “interdiction totale” de la plupart des produits agroalimentaires en provenance des pays d’Europe et des États-Unis en réponse aux sanctions occidentales à l’encontre de Moscou.

En 2013, les produits agricoles représentaient près de 10% des exportations de l’Union européenne vers la Russie pour un total de 11,865 milliards d’euros.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content