EADS-BAE: Pourquoi la fusion du siècle a échoué

© Reuters

Le mariage tant attendu entre EADS et BAE n’aura pas lieu. L’Allemagne, qui avait trop peur d’un projet qui aurait pu la marginaliser, a dit “Nein”.

L’Allemagne a dit Nein. Le mariage tant attendu entre BAE Systems et EADS n’aura pas lieu. Pour les deux entreprises, qui espéraient convaincre les Etats au delà de leurs intérêts nationaux, la déception est énorme. “Nous sommes évidemment déçus de ne pas avoir été capables de parvenir à un accord acceptable avec nos différents gouvernements”, a déclaré le patron de BAE Systems, Ian King, dans un communiqué commun des deux groupes. Quelles sont les raisons du blocage? Et pourquoi l’Allemagne est d’ores et déjà pointée du doigt? Le point.

Qu’est-ce qui bloquait?

Cela bloquait de partout. Depuis l’annonce des fiançailles, le 12 septembre dernier, tous les Etats avaient fait preuve de réticence et posé leurs conditions à la création du numéro 1 mondial de l’aéronautique et de la défense: la France voulait conserver ses emplois, l’Allemagne voulait préserver la parité franco-allemande, la Grande-Bretagne voulait une grande indépendance de gouvernance pour le nouveau groupe…

Mais, à la veille de la date butoir du 10 octobre, les choses semblaient avoir évolué positivement, du moins d’un côté et de l’autre de la Manche. Mardi soir, la France et la Grande-Bretagne ont réussi à se mettre d’accord pour plafonner à 18% la participation des Etats dans le groupe à naître. Selon nos informations, Londres aurait obtenu de Paris d’être concertée dans le cas où la France voudrait dépasser le seuil des 9%, que ce soit en rachetant les 7,5% de Lagardère dans EADS ou autrement.

Ne manquait alors plus que le feu vert de la chancelière allemande… qui n’est jamais venu. “Nous ne sommes pas parvenus à surmonter les réticences allemandes”, explique le communiqué des deux groupes.

Pourquoi l’Allemagne n’a pas voulu de cette fusion

Dès le départ, l’Allemagne a redouté que la fusion se fasse à ses dépens. Berlin a d’abord craint que ne soit remise en cause la sacro-sainte parité franco-allemande, qui risquait de voler en éclats avec la disparition du pacte d’actionnaire. Or le pays, qui oscille entre rester au capital d’EADS ou en sortir (au nom du non-interventionnisme), n’était pas tout à fait prêt à racheter les parts de Daimler dans EADS, seule façon pour lui d’entrer au capital du futur ensemble.

Déjà échaudée par la migration du siège à Toulouse, l’Allemagne a surtout craint d’être désavantagée d’un point de vue industriel et stratégique. Dans le projet développé par EADS et BAE, il était en effet prévu que les activités défenses d’EADS soient placées sous l’autorité du britannique BAE. Or l’essentiel de ces activités sont logées dans la filiale Cassidian, située en Allemagne. Pour cette dernière, c’était donc prendre le risque de perdre la mainmise sur une activité éminemment stratégique, au profit de la Grande-Bretagne. C’était également risquer des réductions d’effectifs et des fermetures de sites.

Lorsqu’ils ont eu connaissance du projet, les syndicats, ont d’ailleurs immédiatement fait part de leurs craintes concernant l’avenir de l’usine Manching. Volée de bois vert également du côté de la puissante CSU bavaroise. Une CSU que Merkel ne pouvait décemment pas se mettre à dos à la veille d’élections régionales en Bavière, et à un an des élections législatives…. Pour cette raison, l’Allemagne a tenté de récupérer in extremis le siège du futur EADS. Une concession que Tom Enders, très attaché à l’indépendance opérationnelle de son groupe, aurait été incapable de faire.

L’Allemagne est-elle la seule responsable?

C’est la version défendue aujourd’hui par EADS et BAE. Mais il faudra sans doute plus de temps pour départager les responsabilités des uns et des autres. Penchant pour une autre version des faits, François Hollande a déclaré cet après-midi que l’échec de la fusion était une “décision des entreprises”. Comprendre, qui n’est pas dûe à la position de l’Allemagne.

Jusqu’à ce mercredi, l’on s’attendait à ce qu’EADS et BAE Systems demandent au régulateur britannique d’accorder un délai supplémentaire pour poursuivre les négociations au delà de la date butoir. Est-ce que les résistances des Etats étaient trop fortes? Ou s’agit-il d’une décision impulsive du patron d’EADS, Tom Enders, qui n’a pas apprécié que les discussions traînent en longueur? Sa responsabilité en tout cas sera forcément examinée. Il risque notamment de se faire reprocher d’avoir voulu aller trop vite dans les négociations, et d’avoir sous-estimé les particularismes nationaux.

Que va-t-il se passer maintenant?

C’est encore trop tôt pour le dire. Mais avec certitude, la grande Europe de la défense ne sortira pas grandie de cet échec. D’aucuns misaient en effet sur ce projet pour créer un géant européen de l’armement et donner une impulsion à une Europe -de la défense- en panne sèche. Une fois encore, la défense des intérêts nationaux aura pris le dessus.

Le pire scénario qui pourrait se produire, désormais, serait le rachat de BAE par une entreprise américaine. Une hypothèse qui n’est pas sans fondement alors le fleuron britannique est actuellement mis en difficultés par la baisse des budgets militaires américains. Pour le britannique, la fusion avec EADS avait en effet pour but de se renforcer dans l’aéronautique civile dont la croissance est “énorme”, souligne Edward Hunt, consultant d’IHS Jane’s. L’incertitude va donc continuer de peser sur son avenir.

Trends.be, avec L’Expansion.com

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content