Du roi des vins au roi de la table, le champagne à la conquête de la gastronomie

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Souvent servi au dessert ou débouché à l’apéritif, le champagne s’invite de plus en plus au repas, accordant ses bulles aux poissons, viandes et fromages, une tendance encore confidentielle qui séduit déjà quelques grands chefs.

“J’aime travailler au champagne car il offre une belle acidité et des notes d’iode très intéressantes, ce qui permet de +booster+ le plat et de lui donner de la légèreté”, confie le chef (trois étoiles au Michelin) Arnaud Lallement, tablier blanc impeccable au milieu du ballet incessant des cuisines de l’Assiette champenoise, à Tinqueux près de Reims (nord).

Celui dont l’établissement est entré, en décembre selon le site internet La Liste, dans le top 15 des meilleurs restaurants mondiaux, le dit sans détour : “Tous mes plats peuvent s’accorder au champagne”. Depuis une quinzaine d’années, il fait découvrir cette “expérience” à ses clients et prêche l’effervescence à table aux quatre coins du monde.

“Les gens sont souvent surpris quand ils s’aperçoivent qu’il est possible de tenter un repas avec plusieurs champagnes, une seule marque voire un seul champagne”, sourit-il.

De son côté, Geoffrey Orban, diplômé en oenologie et directeur de la société Educavin, estime que le champagne “sature moins le palais que les autres vins” et dispose de nombreux atouts pour s’imposer comme “une alternative”.

“L’appellation est tellement diverse et variée qu’on peut toujours trouver un champagne qui va sur un plat, ce que n’ont pas toutes les régions viticoles”, assure-t-il.

‘Fraîcheur’ et ‘effervescence’

Ce défi était irréalisable au siècle dernier, quand les viticulteurs avaient tendance à avoir la main lourde sur le sucre, qu’ils ajoutaient allègrement avant d’expédier les bouteilles, pour cacher la piètre qualité du vin ou son vieillissement insuffisant.

L’ensemble de l’appellation a peu à peu élargi sa gamme jusqu’à axer la majeure partie de sa production sur des champagnes faiblement dosés – les bruts et ultra bruts – qui expriment avec précision la typicité des vins et la subtilité de leur assemblage.

“Avant, on avait des grandes marques mondialement reconnues et des vignerons un peu en retrait. Maintenant, ils fournissent le même travail exemplaire et cette dynamique m’aide à travailler”, confirme Arnaud Lallement, dont la carte des champagnes compte environ un millier de références.

Délesté de son excès de sucre, le champagne décline ainsi ses cépages au gré des mets qu’il accompagne : aux crustacés les notes minérales du chardonnay, au foie gras la gourmandise du pinot meunier, aux fromages les arômes charpentées du pinot noir.

“Il faut incorporer sa fraîcheur et son effervescence dans un plat en jouant sur le côté aérien et fondant des aliments”, recommande M. Orban, qui déconseille aux néophytes de “massacrer le champagne en le buvant au dessert”.

‘Ne pas s’arrêter à la bulle’

Hormis les fins connaisseurs de l’effervescent champenois, “le champagne reste associé à la fête ou à un événement exceptionnel”, observe toutefois Lucile Mourot, caviste aux 3 P’tits Bouchons à Reims.

Dans ce repaire qui sert à la fois de bar et de cave à vins, elle fait déguster des champagnes de terroir avec un conseil : “Ne pas s’arrêter à la bulle”.

Si les accords mets-vins ne suscitent que “peu de demandes”, c’est parce que “la grande majorité des consommateurs parlent de ce qu’il y a sur l’étiquette de la bouteille sans savoir qu’il existe différents champagnes”, explique-t-elle, constatant que sa clientèle connaît assez mal ce vin prestigieux.

Au-delà de leur intérêt gastronomique, les accords mets-vins représentent une opportunité de développement pour les vignerons et les maisons, conscients qu’ainsi le champagne pourrait gagner des parts de marché en même temps que sa place à table.

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