Comment prévenir le conflit au sein d’une équipe ?

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Au sein d’une équipe, le conflit peut constituer une force ou une faiblesse. Comment réagir et prévenir un conflit destructeur ?

Lorsqu’il est positif, le conflit génère un débat respectueux qui donne naissance à des solutions consensuelles, bien au-delà des attentes originelles. Le conflit négatif, en revanche, apparaît lorsque les membres de l’équipe ne parviennent tout simplement pas à faire abstraction de leurs différences, au détriment de la productivité et de l’innovation. D’ordinaire, pour venir à bout de ce type de conflit, les intervenants tentent de résoudre le problème lorsqu’il apparaît, ou attendent une preuve manifeste de son existence avant de s’y attaquer. Mais ces méthodes se soldent souvent par un échec, car elles laissent les frustrations s’accumuler et empêchent de surmonter les sentiments négatifs et de rétablir la confiance.

Epingler les différends dès le début des discussions, même si le groupe semble sur la même longueur d’onde, vous permet de prévenir un conflit destructeur.

Nous avons mis au point et testé une méthode qui s’axe sur cinq points : l’apparence, l’action, les mots, la pensée et les sentiments. Chaque chef d’équipe modère des échanges durant 20 à 30 minutes, durant lesquels ils invitent les participants à exprimer leurs préférences et leurs attentes dans chaque domaine. Ils identifient ensuite les sujets sensibles et les pommes de discorde, et proposent des solutions afin que les personnes ayant des attentes différentes puissent travailler ensemble.

CINQ CONVERSATIONS

Puisque les cinq conversations que nous proposons vont bien au-delà des échanges standard visant à briser la glace, il est essentiel de bien les lancer. Tout d’abord, et même si cela vous semble évident, veillez à intégrer chaque membre de l’équipe et à bien expliquer l’objectif du débat.

En tant que modérateur, faites en sorte que chacun puisse confortablement exprimer ses opinions, à son rythme. Expliquez-leur comment poser des questions de clarification, sans porter de jugement. Encouragez-les à commencer leurs énoncés par ” dans mon domaine… ” et leurs questions par ” dans votre domaine… ? “. Cette formulation, inspirée de l’expert en comportement organisationnel Edgar Schein, renforce l’idée selon laquelle les causes sous-jacentes de différences importent peu. Ce sont les attitudes et les comportements qui résultent de l’expérience de chacun qui priment.

Au départ, les membres de l’équipe peuvent se montrer hésitants. Facilitez-leur donc la tâche en proposant de prendre la parole en premier. Une fois le dialogue engagé, laissez-leur les rênes. Au bout du compte, les participants délaisseront les conversations futiles pour des débats plus profonds.

Les cinq points peuvent être passés en revue dans n’importe quel ordre. Toutefois, la séquence présentée ici nous est apparue la plus logique, notamment au sein des équipes nouvellement formées. En effet, l’apparence est la première chose que nous percevons. On voit ensuite la manière dont les gens parlent et agissent. Enfin, ce n’est qu’après les avoir observés pendant un long moment que l’on peut se plonger dans leurs pensées ou leurs sentiments.

Comment prévenir le conflit au sein d'une équipe ?
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Penchons-nous à présent sur ces cinq points.

1. Apparence

On émet généralement des jugements hâtifs quant au caractère, aux compétences ou au statut de nos collègues, car le premier contact est souvent très bref. Ces réactions résultent souvent de nos différences dans notre apparence. Nous réagissons inconsciemment à divers éléments physiques ou qui marquent notre façon de nous mouvoir ou de nous habiller.

Le but de cette discussion vise à aider les membres de l’équipe à réfléchir à l’image qu’ils souhaitent véhiculer, et à la manière dont les autres les voient. Vous pourriez par exemple commencer par aborder les éléments qui justifient le statut des participants au sein de leurs univers respectifs. Certains pourraient ainsi rebuter leurs collègues en citant les mauvaises références, en jouant un rôle inadéquat, voire en optant pour une tenue culturellement inadaptée.

2. Action

Au sein d’une équipe, l’existence de normes comportementales en contradiction constitue une source de discorde courante. Ainsi, certains comportements anodins peuvent avoir un impact disproportionné, exacerber les stéréotypes, éloigner les gens et perturber la communication.

Epingler les différends dès le début des discussions, même si le groupe semble sur la même longueur d’onde, vous permet de prévenir un conflit destructeur.

La vision du temps peut également être source de conflit. Chacun a une vue très différente de l’importance de la ponctualité et du respect du programme d’autrui. D’une manière générale, le respect du calendrier dans le cadre d’un projet peut s’avérer crucial pour certains, alors que d’autres privilégieront la souplesse et la capacité d’adaptation aux imprévus.

Les différents niveaux d’assurance au sein des membres d’une équipe peuvent eux aussi se révéler problématiques. Les dirigeants masculins par exemple, ou les représentants de sociétés ou de cultures où l’individualisme est roi, préféreront en général se porter volontaires pour des missions spéciales ou pour assumer des responsabilités supplémentaires, car ils considèrent cela comme un signe de motivation, de compétence et de confiance en soi. D’autres verront en revanche ces actions comme une manoeuvre d’autopromotion flagrante, indigne et futile.

3. Parole

Les styles de communication revêtent de nombreuses dimensions et les risques de méprise sont légion.

Lorsque les membres de l’équipe n’ont pas la même langue maternelle, la situation peut s’avérer particulièrement difficile à gérer. Même si chacun maîtrise une langue spécifique, il peut subsister des différences considérables dans la manière dont les individus s’expriment. Ainsi, selon le contexte, la culture et d’autres facteurs, un ” oui ” peut signifier ” peut-être ” ou ” essayons “, voire ” hors de question “.

Si l’équipe parle d’emblée du niveau de franchise à adopter, elle pourra ainsi fixer les règles pour exprimer son aval ou son désaccord.

4. Réflexion

Certains comportements anodins peuvent avoir un impact disproportionné, exacerber les stéréotypes, éloigner les gens et perturber la communication.

La manière dont les gens envisagent les tâches qu’ils accomplissent est sans doute la principale source de conflit. Les personnalités et expériences diverses les sensibilisent à des signaux tout aussi variés et les amènent à adopter différentes approches de résolution de problèmes et de la prise de décision. Et on finit vite par avancer dans des directions opposées. Selon les termes du dirigeant d’une usine américaine de vêtements : ” La situation est souvent tendue entre ceux qui foncent tête baissée et les partisans de la réflexion. ”

5. Emotions

La sensibilité des membres de l’équipe peut elle aussi varier, à l’instar de leur capacité à transmettre leur passion au sein d’un groupe et de leur manière de gérer leurs émotions en situation de mésentente ou de conflit.

Parfois, un enthousiasme débordant peut effrayer vos interlocuteurs, voire susciter le doute. Dans le cadre de nos travaux, nous avons rencontré la directrice marketing d’une entreprise logistique. De nature extravertie, elle prétendait que plus elle se montrait passionnée par ses idées, plus le groupe y réagissait favorablement. Mais son approche était trop ” agressive ” pour sa CEO plus introvertie et pragmatique, qui avait plutôt tendance à décortiquer chaque proposition dès lors que la directrice marketing faisait montre d’un enthousiasme un peu trop poussé. A l’autre extrême, les émotions négatives peuvent s’avérer déconcertantes, voire intimidantes.

Les sentiments négatifs peuvent être difficiles à aborder. Mieux vaut dès lors commencer par les éléments auxquels l’équipe est habituée. Les discussions pourront ainsi devenir plus personnelles par la suite.

Les premiers échanges doivent porter non seulement sur les risques qui peuvent apparaître lorsqu’on laisse libre cours à ses émotions, mais aussi sur le danger de les refouler. La tendance à manifester indirectement l’irritation ou le mécontentement peut s’avérer tout aussi destructrice que les emportements et l’intimidation. Les sources de désengagement devront être prises à bras le corps, en ouvrant le dialogue, afin que le désaccord reste productif.

Anticiper et désamorcer le conflit avant qu’il ne devienne destructeur revêt d’immenses avantages. Notons une plus grande participation, une créativité renforcée et, à terme, des décisions plus raisonnées. Selon les termes d’un manager : ” Il y a toujours des désaccords entre nous, mais il y a moins d’animosité et chaque intervention est considérée avec respect. ”

L’idée en bref

Le problème

Au sein d’une équipe, la plupart du temps, les conflits résultent non pas de divergences d’opinions, mais d’un sentiment d’incompatibilité dans la manière dont ses membres pensent et agissent. Lorsque les intervenants ne parviennent pas à dépasser ces différences, les tensions qui en découlent annihilent la productivité et musellent l’innovation.

Une autre vision des choses

Les différences de point de vue et d’expérience peuvent constituer un atout. C’est évident. Une nouvelle méthode aide les leaders à guider leurs équipes au gré de cinq conversations avant le début des travaux, en vue de définir les attentes et de jeter les bases d’une collaboration efficace.

Dans la pratique

Le principe repose sur le processus plutôt que sur le contenu. Les leaders favorisent les échanges ciblés, qui explorent les différentes manières dont les membres de l’équipe observent, agissent, parlent, pensent et ce qu’ils ressentent afin de prévenir tout conflit stérile lorsque leur équipe est sous pression.

Harvard Business Review.

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