Comment financer son ASBL ? Tour d’horizon des possibilités

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Les ASBL sont près de 40.000 en Belgique francophone, mais seulement la moitié sont actuellement actives. La faute parfois à un manque de motivation, mais également à un manque d’information. Pourtant, les moyens de financer les associations existent… et sont nombreux !

“Aidez-nous à offrir à manger tout l’hiver aux chevaux de notre ASBL en achetant une ou plusieurs délicieuse(s) lasagne(s) maison. Vous avez le choix cette année, lasagne traditionnelle bolognaise et/ou végétarienne.”

Même si elle se démarque par sa référence aussi candide qu’amusante, cette annonce représente tout ce qu’il y a de plus classique dans le monde des ASBL. En arpentant les rues d’un village, en hélant les clients sur le parking d’une grande surface voire même en se risquant à se faire raccrocher au nez, les membres des petites associations sans but lucratif doivent souvent “prendre des risques” pour trouver le moyen de financer leurs différents projets. Et les événements tels que les soupers boulettes ou les marches parrainées ne sont pas en reste non plus. Pourtant, si l’imaginaire populaire pense que le financement des ASBL se limite à ces activités, de nombreux acteurs du domaine s’affairent pour prouver qu’il est possible de les adapter ou tout simplement de les substituer.

Un salon de l’ASBL

Ces 26 et 27 mai, le Crowne Plaza de Bruxelles accueille ASBLissimo, le premier Salon et congrès des responsables d’ASBL. “Avec d’autres acteurs du secteur, nous avons senti le besoin des gens d’avoir des réponses à leurs questions au niveau de la gestion, de la création et du financement d’une ASBL, lance Emilie Vinçotte, responsable communication d’ASBLissimo. Et puis nous avons rebondi sur le fait qu’il y a moins de subsides actuellement et que le secteur se professionnalise de plus en plus : désormais les ASBL doivent s’en sortir en ressources humaines, financement, gestion, communication, etc. L’idée était donc de créer un rassemblement pour parler de tout cela.”

Au centre des débats, la grande question des financements des associations. Mais quelle est la situation actuelle des différentes ASBL à la recherche de fonds pour faire tourner la baraque ? “Notre ASBL connaît des problèmes financiers depuis sa création, déplore Fabienne Laterza, responsable de la maison de quartier liégeoise Eclat de Rire. L’argent que l’on doit aller chercher sur des appels à projets ponctuels est de plus en plus important : les frais de fonctionnement sont conséquents, mais ce qui pompe le plus, ce sont les charges salariales, qui augmentent avec l’ancienneté. S’il y a quelques années il fallait 5 à 10.000 euros pour combler le structurel, il en faut désormais entre 15 et 20.000.”

La taille d’une ASBL influence évidemment la recherche de dons, mais les méthodes sont quant à elles plutôt semblables. Benjamin Delforge est à la tête de l’ASBL Koudougou depuis 11 ans. L’objectif de cette petite association gembloutoise est de venir en aide aux orphelins, veuves et à la population locale du village du même nom, situé au Burkina-Faso. “Quand on a lancé notre ASBL, on pensait que le meilleur moyen de la financer était de faire des événements : soupers, marches, pièces de théâtre… A ce moment-là, c’était notre seule source de revenus. Vu qu’on n’était pas connus, les gens ne nous faisaient pas ‘confiance’ donc les dons individuels étaient relativement faibles par rapport à l’argent récolté lors des soupers.” Pour Fabienne Laterza et Eclat de Rire, la solution des soupers a régulièrement été évoquée, mais elle ne fait désormais plus vraiment partie des solutions n°1. “Cela rapporte à la grosse louche entre 1.000 et 1.500 euros. C’est déjà ça, mais il faut envisager plus pour s’en sortir à long terme. Et puis surtout, il faut s’allier à des personnes de bonne volonté pour ne pas que l’équipe s’asphyxie d’un tas de tâches supplémentaires.”

Subventions et financement privé

L’essoufflement, c’est exactement ce qui est arrivé à l’ASBL Koudougou il y a quelques années. “Petit à petit, les gens ont commencé à nous connaître et les financements individuels se sont multipliés, reprend Benjamin Delforge. On a donc décidé de réduire les événements, fort énergivores, en même temps que les dons augmentaient.” En plus de cela, l’ASBL Koudougou s’est attaquée au sponsoring à plus grande échelle en montant des dossiers de plus en plus complets afin de contacter le Rotary, la Province ou encore la Commune pour obtenir des subventions. “Ce “CV” n’est pas si difficile à réaliser et les revenus qui en découlent arrivent plus ou moins à la hauteur des dons individuels, glisse Benjamin Delforge. Avant, on se tracassait chaque année pour trouver nos 8.000 euros annuels. Maintenant, plus du tout : on envoie 10 dossiers par an, il y en a cinq qui passent et paf on a notre budget. Mais il faut cependant préciser qu’on forme une petite ASBL et qu’on connaît nos limites, ce qui facilite la gestion de l’argent.”

Pionnière dans l’enseignement de la nature en Belgique vu sa création en 1957, l’ASBL Cercle des Naturalistes de Belgique comprend quant à elle environ 10.000 membres, ce qui en fait bien entendu une grosse ASBL. Le président Léon Woué, présent depuis le début, doit réfléchir à deux fois avant de citer toutes les sources de revenus de son association tellement elles sont nombreuses. “La cotisation des membres, les activités et stages, les leçons de nature, les donateurs, quelques subventions… Voilà d’où vient le financement principal. Et puis nous avons également reçu de l’aide de l’Union européenne et de la Loterie nationale.” Le financement privé, voilà une nouvelle pratique qui fonctionne au sein des ASBL.

“Il y a quelques années, la ‘mode’ pour les grandes boîtes était de devenir durables. Désormais, nombre d’entre elles souhaitent s’engager dans des projets sociaux et développer la philanthropie au sein de leur société”, illustre Emilie Vinçotte. Mais la question divise : un premier courant énonce qu’il est primordial de mesurer l’impact social de l’investissement de ces entreprises qui désirent avoir des retours. Une ASBL pourrait ainsi dire à son mécène que grâce à lui, elle a pu construire un hôpital ou organiser une activité. “L’autre courant est plus dans l’idée que quantifier un impact social est difficile : peut-on quantifier le bien-être ? La santé ? Des valeurs humaines ? Ceux-là estiment que le financement privé participe d’une marchandisation du social.”

“Crowdfunding” (actif)

Cependant, il existe une différence entre des ASBL qui ne veulent pas passer leur temps à organiser des soupers-boulettes, des ventes de gaufres, etc. parce qu’elles estiment que ce n’est pas le rôle d’une association. Celles-là se tournent alors vers le crowdfunding pour trouver d’autres financements que les subsides. C’est le cas d’Eclat de Rire, qui a lancé une campagne de financement participatif après qu’une stagiaire en ingénierie sociale ait fait le tour des différents organismes qui pouvaient aider l’ASBL. “Nous avons récolté 6.660 euros sur les 4.400 que nous espérions atteindre au départ, confie Fabienne Laterza. Nous avons du coup pu donner vie à notre projet d’accueil de petits dont les parents viennent en formation dans notre maison de quartier.” Le crowdfunding constitue donc une autre activité à la mode pour obtenir un soutien financier, même s’il existe des variantes qui mixent cette récolte de fonds à l’implication “à l’ancienne” des membres de l’association.

Maxime Bouckaert est un des initiateurs de Koalect, une plateforme de “crowdfunding actif” mise en place il y a deux ans. “Avant de nous lancer, nous avons remarqué que les associations locales collectaient principalement de l’argent en vendant des produits ou en proposant des événements. Nous avons estimé qu’à cette échelle, cela fonctionnait plus que le crowdfunding, donc nous avons développé des applications pour gérer plus facilement ce genre de projets.” Une de ces applications, toute simple, est un module qui permet de créer une page de projet en ligne où chaque membre de l’association peut lui-même gérer ses ventes au lieu de les griffonner sur un petit bout de papier. Les ventes de gaufres de l’unité scout du coin reçoivent du même coup une jolie pub sur Internet. Mais ils ne sont pas les seuls et certaines organisations proposent même des produits qu’elles ont créés elles-mêmes : écharpes, chaussettes, maisons pour oiseaux…

“Pour les locaux, le ratio de succès est beaucoup plus important que sur des plateformes de crowdfunding, affirme Maxime Bouckaert. On a ainsi décidé que les donateurs n’étaient pas remboursés si l’objectif de base n’était pas atteint. C’est de la philanthropie locale donc les gens font le don d’un argent qui sera de toute façon utilisé. Mais quoi qu’il en soit, c’est difficile de rater une vente de produits : un groupe de jeunes qui vend des truffes, ça marche à tous les coups !”

Subventions, ventes de produits, organisations d’événements, crowdfunding, bouche-à-oreille… Les possibilités de financement des entreprises sont nombreuses, mais ne suffisent pas toujours à garder la tête hors de l’eau. Quelles solutions, dès lors ? ” Il existe de la documentation, que cela soit sur Internet ou dans des livres. Mais les ouvrages papier n’évoluent malheureusement pas avec le temps et ce qui existe sur Internet n’est pas toujours des plus interactif, c’est pour cela que nous avions créé monasbl.be il y a un an”, raconte Emilie Vinçotte.

D’où, aussi, la création de l’événement ASBLissimo, ce salon qui veut donner la part belle aux échanges ainsi qu’aux avis d’experts : “Comment financer le lancement de mon ASBL ?”, “Comment créer une collecte de fonds sur Internet ?”, etc.

De nombreux ateliers seront dédiés au côté financier d’une ASBL. “Nous avons décidé de nous axer entre autres sur le crowdfunding avec des angles précis comme le secteur social, la création de campagnes, etc., explique Emilie Vinçotte. “Nous avons décidé de nous axer entre autres sur le crowdfunding avec des angles précis comme le secteur social, la création de campagnes, etc. Nous avons rassemblé une soixantaine d’experts ; consultants, profs d’université, avocats, etc., souvent accompagnés d’ASBL-témoins pour rendre la chose plus concrète.” Une véritable aubaine pour les 17.500 ASBL actives de Belgique francophone.

ASBLissimo, les 26 et 27 mai au Crowne Plaza à Bruxelles. Infos et réservation obligatoire via www.asblissimo.be

EMILIEN HOFMAN

ASBLISSIMO, LE PROGRAMME

Jeudi 26 mai 2016

– L’association comme entreprise sociale : défis et enjeux

Orateur : Jacques Defourny (directeur du Centre d’économie sociale, Université de Liège)

– Marketing et communication 2.0. : osons le changement !

Orateur : François Meuleman

(Consultant et formateur, Realiz ASBL)

– Entreprises et associations : nouveaux défis, nouveaux partenariats

Orateur : Sabine Denis (co-executive officer The Shift)

– Le crowdfunding pour les ASBL

Orateur : Marianne Hendrickx (consultante)

Vendredi 27 mai 2016

– Le secteur socialprofit néerlandophone : évolutions et révolutions

Orateur : Kristel De Roy

(adviseur VERSO -Vereniging voor social profit ondernemingen)

– Pourquoi et comment une banque peut faire plus que prêter de l’argent ?

Orateur : Quentin de Crombrugghe (directeur business banking Triodos)

– Financement des ASBL : les recherches de fonds

Orateur : François Meuleman

(Consultant et formateur, Realiz ASBL)

– Les futurs défis de l’associatif

Orateur : Pierre Verbeeren

(directeur général, Médecins du Monde)

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