Comment Bruxelles et le Tour de France forment un précieux tandem

Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France, lors de la présentation de l'édition 2019. © Belgaimage

Cette année, la capitale belge aura le privilège d’assurer le Grand Départ du Tour de France. Au-delà de la compétition sportive, les enjeux économiques liés à un tel événement sont considérables. Gros plan sur les coûts et, surtout, le retour sur investissement pour Bruxelles et sa région.

Bruxelles s’habille de jaune, lentement mais sûrement. A trois mois du départ du Tour de France, notre capitale multiplie les festivités pour rappeler qu’elle donnera, cette année, le coup d’envoi de la plus prestigieuse des compétitions cyclistes. Le 6 juillet, près de 200 coureurs s’élanceront de Molenbeek pour une première étape de 192 km à travers de Belgique, avant d’enchaîner un contre-la-montre le lendemain au coeur de Bruxelles.

En coulisses, les équipes du Brussels Major Events – l’ASBL qui gère les grands événements de la capitale comme Plaisirs d’Hiver ou Bruxelles les Bains – s’activent déjà fiévreusement pour que tout soit parfait aux yeux du monde. ” On ne peut rêver d’une plus belle image de carte postale que le Grand Départ du Tour de France au coeur même de notre ville, s’exclame Philippe Close, bourgmestre de Bruxelles, d’autant plus que l’on fête, cette année, les 100 ans du maillot jaune et les 50 ans de la première victoire de notre champion Eddy Merckx dans cette épreuve. ”

Pour avoir le privilège d’accueillir le Grand Départ du Tour de France sur son sol, la Ville de Bruxelles a dû verser 5 millions d’euros à l’organisateur.

Diffusé dans 190 pays, le Tour de France est en effet le troisième événement mondial en termes d’attention médiatique, juste après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football. Selon la société ASO (Amaury Sport Organisation) qui pilote la compétition, la ” Grande Boucle ” serait suivie par 3,5 milliards de téléspectateurs en audience cumulée tout autour de la planète. Rien qu’en France, plus de 3,3 millions de personnes en moyenne regardent chaque après-midi l’étape du jour sur France 2. L’événement, il est vrai, combine parfaitement l’exploit sportif et la découverte de paysages dont profitent également par ailleurs les quelque 12 millions de spectateurs présents physiquement le long des 3.000 km de routes qui composent l’intégralité du parcours.

Une machine de guerre commerciale

Rendez-vous incontournable pour les amateurs de cyclisme, l’événement planétaire qu’est le Tour de France est aussi une machine de guerre commerciale qui rapporte beaucoup d’argent à la société ASO. Il suscite aussi l’intérêt des villes et des grandes marques ( lire l’encadré ” Un business qui roule ” plus bas). Certes, le droit d’entrée n’est pas négligeable, mais les communes ou les métropoles qui associent leur image à la manifestation sportive savent que les retombées économiques sont considérables. Véritable village itinérant, le Tour de France compte environ 4.500 personnes dans ses rangs – organisateurs, équipes cyclistes, caravane publicitaire, etc. – dont 2.000 journalistes qui représentent plus de 600 médias venus du monde entier. ” Pour tous ces participants, entre 15.000 et 20.000 nuitées ont déjà été réservées à Bruxelles, explique le bourgmestre Philippe Close, mais il faudra encore ajouter de nombreuses autres nuits d’hôtel puisqu’on estime à un million le nombre de spectateurs qui se placeront le long des routes belges les 6 et 7 juillet prochains avec, parmi eux, une majorité de touristes qui auront fait spécialement le déplacement à Bruxelles pour assister à l’événement. ”

Pour avoir le privilège d’accueillir le Grand Départ du Tour de France sur son sol, la Ville de Bruxelles a dû verser 5 millions d’euros à l’organisateur ASO. Outre ce droit d’entrée, les autorités doivent aussi assurer d’autres frais liés à la mise en place d’un tel événement. Ainsi, Brussels Major Events (BME), qui compte habituellement une trentaine d’employés dans ses rangs, a dû engager, pour une durée d’un an, 10 personnes spécialement dédiées au Tour de France. Des actions promotionnelles sont également prévues dans le budget et même si la Ville recherche aujourd’hui 3.000 bénévoles pour l’information des visiteurs et la sécurisation du parcours, ces personnes devront être malgré tout défrayées. ” La structure additionnelle au BME et ces autres frais représentent une enveloppe supplémentaire de 3 millions, détaille Olivier Mees, directeur de Brussels Major Events. On arrive donc à un budget total de 8 millions d’euros, mais l’investissement en vaut la peine car il y a un retour direct sur l’horeca. Différentes études démontrent que l’effet multiplicateur est au minimum de 8 pour les villes qui accueillent un Grand Départ du Tour de France. Pour la Région bruxelloise, on peut donc raisonnablement s’attendre à des retombées économiques de l’ordre de 65 à 90 millions avec un tel événement. ”

La capitale belge se pare de jaune. Grâce au Grand Départ du Tour de France 2019, elle bénéficie d'une campagne d'image difficilement quantifiable d'un point de vue financier.
La capitale belge se pare de jaune. Grâce au Grand Départ du Tour de France 2019, elle bénéficie d’une campagne d’image difficilement quantifiable d’un point de vue financier.© belgaimage

Retour sur investissement

Menée par le cabinet Deloitte, une étude d’impact révèle, par exemple, que Düsseldorf, ville du Grand Départ de l’édition 2017, a ainsi bénéficié de 64 millions d’euros de retombées dans son tissu économique avec l’accueil du Tour de France. Le comté britannique du Yorkshire, qui a donné le coup d’envoi des festivités cyclistes en 2014, aurait quant à lui bénéficié de plus de 130 millions de retombées économiques dans toute la région. Le retour sur investissement s’annonce donc prometteur pour Bruxelles, d’autant plus que le Grand Départ ne se limite pas aux seules journées des 6 et 7 juillet. Le centre de presse situé au Heysel sera en effet inauguré trois jours avant la première étape du Tour du France et les différentes équipes en compétition, déjà en Belgique ce jour-là, seront officiellement présentées le 4 juillet à Bruxelles. C’est donc pendant toute une semaine que le coeur de l’horeca bruxellois vibrera au rythme du vélo l’été prochain.

Pour Bruxelles, le retour sur investissement est d’autant plus intéressant que la Ville bénéficie en outre d’une campagne d’image difficilement quantifiable d’un point de vue financier, mais bel et bien réelle sur le plan médiatique. ” Il n’y a pas de meilleur moyen de faire du city marketing que d’utiliser l’espace public pour une compétition sportive “, résume Tom Van Damme, président de la Fédération belge de cyclisme, avant que le bourgmestre Philippe Close n’ajoute : ” En termes d’image, cela n’a rien de comparable à un Euro de football, par exemple, où tout se passe dans un stade. Ici, c’est la ville qui sert elle-même de décor à l’épreuve et c’est donc une formidable vitrine qui s’offre à nous pour mieux faire connaître Bruxelles et donner l’envie d’y venir aux téléspectateurs du monde entier “.

Un enjeu pour la mobilité

Outre l’impact économique et médiatique que génère le Tour de France dans une ville, la venue d’un tel événement peut également servir de déclencheur à la mise en place d’une politique sociale. Il y a quelques jours à peine, la Région de Bruxelles-Capitale a ainsi profité de la symbolique du ” Jour J-100 avant le Grand Départ ” pour lancer une grande campagne de communication baptisée Tour Ensemble. Concrètement, l’idée est de profiter de toute la dynamique de cette manifestation sportive pour augmenter à terme le nombre de cyclistes à Bruxelles. ” Pour nous, le Tour de France est aussi un moyen pour promouvoir le vélo en ville, explique Pascal Smet, le ministre bruxellois de la Mobilité. Le week-end des 6 et 7 juillet sera très chargé à Bruxelles et nous allons donc inviter le public à délaisser la voiture ces jours-là pour utiliser au maximum le vélo et les transports publics, mais au-delà de ça, la campagne Tour Ensemble vise surtout à soutenir à long terme cette solution durable pour la mobilité. ”

Pour lancer cette campagne, la Région de Bruxelles-Capitale a donc mis sur pied ” la 23e équipe du Tour de France ” – il y en a 22 dans l’épreuve sportive – destinée à grossir jusqu’au Grand Départ. L’objectif ? Inviter un maximum de Bruxellois – qu’ils soient navetteurs, cyclistes occasionnels ou sportifs chevronnés – à s’inscrire sur le site www. tourensemble.brussels pour composer la plus grande équipe de deux-roues de la capitale. Un peu comme l’initiative Tournée Minérale qui vise à fédérer les citoyens autour du projet de ne pas boire d’alcool pendant tout le mois de février, la campagne Tour Ensemble veut ainsi créer une vraie communauté de gens motivés – chaque inscrit reçoit un numéro de dossard à imprimer chez lui – pour soutenir, avec le vélo, le projet d’une vraie mobilité douce à Bruxelles.

Le quartier général de l'organisation du Grand Départ du Tour de France 2019 est installé place De Brouckère, dans le centre de Bruxelles. Une dizaine de personnes y préparent l'événement.
Le quartier général de l’organisation du Grand Départ du Tour de France 2019 est installé place De Brouckère, dans le centre de Bruxelles. Une dizaine de personnes y préparent l’événement.© belgaimage

Formules VIP

Bien sûr, le Tour de France générera inévitablement des problèmes de trafic et de nuisances sonores qui déplairont sans doute à quelques riverains excédés, mais au-delà du défi organisationnel que représente un tel événement, c’est un fameux coup de projecteur qui sera pointé sur la Ville de Bruxelles et le secteur horeca les 6 et 7 juillet.

Le grand public pourra assister gratuitement au spectacle cycliste, bien évidemment, mais pour suivre au mieux les départs et arrivées des deux premières étapes prévues dans la capitale, des infrastructures spécifiques seront toutefois déployées à Bruxelles. Spécialisée dans l’organisation d’événements d’entreprise, la société Verhulst propose ainsi une série de ” VIP Packages ” qui vont de 195 à 450 euros par personne selon la formule choisie : drink dans un ” VIP-box ” le long du parcours, accès à la zone de départ ou d’arrivée, lunch, réception, terrasse privée, etc. Cette PME belge collabore avec l’agence française Panama qui a décroché, auprès de l’association Brussels Major Events, la concession portant sur les services d’hospitalité dans le cadre du Grand Départ du Tour de France 2019. Une autre façon de faire du business.

Un business qui roule

Contrairement à d’autres événements sportifs comme la Coupe du monde de football ou les Jeux olympiques, le Tour de France ne réclame pas de droit d’entrée aux spectateurs qui assistent à la compétition. La nature même de l’épreuve permet difficilement de concevoir un système de billetterie et l’organisateur ASO doit donc miser sur d’autres sources de financement pour rentrer dans ses frais et, surtout, dégager des bénéfices. Selon le directeur du Tour de France Christian Prudhomme, trois pôles d’activités alimentent le budget de la manifestation : 60% des revenus proviennent des droits de retransmission en télévision, 30% sont issus des partenaires privés qui sponsorisent l’événement et animent la fameuse caravane publicitaire – les cinq sponsors principaux débourseraient chacun entre 3 et 5 millions d’euros – tandis que 10% représentent la contribution financière des villes qui accueillent les différentes étapes de la ” Grande Boucle “. Au total, le chiffre d’affaires généré par le Tour de France tournerait autour des 150 millions d’euros.

Avec 3,5 milliards de téléspectateurs dans le monde en audience cumulée, l’événement est une carte de visite précieuse, tant pour les marques qui s’affichent sur le Tour que pour les communes et régions qui servent de décor à la compétition sportive. Chaque année, l’organisateur ASO reçoit ainsi une dizaine de candidatures émanant des villes qui souhaitent lancer le très médiatique Grand Départ – le droit d’entrée est fixé à 5 millions d’euros – et généralement 300 autres candidatures de la part de communes qui veulent héberger une étape classique du parcours. Pour les 30 à 35 places disponibles sur l’épreuve, la société ASO reçoit en moyenne 250 candidatures de villes françaises et 50 autres de l’étranger qui sont prêtes à payer parfois plus de 100.000 euros pour associer leur nom au Tour de France l’espace d’un départ et/ou d’une arrivée d’étape.

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