Chez Donki, le personnel est soigné aux petits oignons (Zone + Trends)

XIOMARA ET PIERRE BALTODANO: "Si elles veulent faire bouger Bruxelles, les communes doivent oser participer aux réflexions des entrepreneurs créatifs." © Photos: Debby Termonia

Les restaurants Donki sont présents à Louvain depuis quelques années. Ils sont désormais également implantés à Bruxelles et d’autres succursales vont bientôt ouvrir leurs portes. On y sert des spécialités mexicaines à déguster sur le pouce.

Pierre Baltodano n’a cessé de parcourir le monde pendant et après ses études de sciences économiques appliquées à Louvain. C’est ainsi qu’a germé l’idée de proposer une cuisine originale en Belgique. Sa soeur Xiomara a d’abord éclaté de rire : aucun des deux n’avait d’expérience dans l’horeca ou de diplôme de cuisinier. Mais ils avaient hérité de l’amour de la cuisine de leur grand-mère. Et leurs parents sont propriétaires d’une société d’importation de fruits exotiques. C’étaient des indépendants nés.

” Mon frère a dû me convaincre, explique Xiomara Baltodano, qui a fait des études de communication et a travaillé un temps dans le secteur culturel. Nous avons commencé par voyager ensemble, puis nous avons établi un plan par étapes et nous en sommes arrivés à une espèce de répartition des rôles. Pierre s’occuperait davantage des chiffres et je me concentrerais sur les processus de cuisson et le people management. ” Elle a ainsi suivi une formation chez Syntra, un fournisseur de formations afin d’approfondir ses connaissances des recettes, des techniques de cuisine et de la cuisine en grandes quantités.

Des concepts horeca fast casual – qui consistent à proposer des encas rapides dans une atmosphère décontractée – existaient déjà en Belgique. ” Mais en combinaison avec de la cuisine mexicaine, c’était moins fréquent. Le haricot est rarement au menu ici “, précise Xiomara Baltodano.

Le client compose son repas lui-même, via un menu par étapes : taco ou burrito, avec ou sans viande, avec ou sans guacamole, piquant ou non. Donki se veut rapide et pratique, mais surtout frais. Tout est préparé maison. S’il n’est pas nécessaire d’avoir un diplôme de cuisinier pour travailler chez Donki, il faut avoir envie de préparer quelque chose de bon.

Chez Donki, le personnel est soigné aux petits oignons (Zone + Trends)
© Photos: Debby Termonia

Erreurs de débutants

Non sans mal, les Baltodano – nés à Bruges de parents d’origine nicaraguayenne – ont mis au point une politique du personnel attentive. ” Nous avons commis des erreurs de débutants, reconnaissent-ils. Nous voulions tout garder sous contrôle, mais nous n’étions pas efficaces et nous travaillions sept jours sur sept. Au début, nous tenions le coup, mais avec le temps, votre corps vous dit que c’est trop. ”

Le frère et la soeur ont donc changé d’approche. Pierre est parti étudier à la Vlerick Business School. Ils travaillent désormais avec un manager par site, lequel assure la gestion quotidienne. Xiomara est quant à elle responsable de la politique du personnel, avec l’aide des managers locaux. Déléguer, lâcher du lest, cesser de tout vouloir contrôler : tout cela demande une bonne dose de confiance dans le personnel. Et cette confiance existe parce que la fratrie s’est plongée dans le recrutement, le coaching et la motivation.

” Nous ne travaillons pas avec des agences de travail intérimaire, sauf cas d’extrême urgence. Nous pouvons ainsi nouer des liens très personnels avec nos salariés. Le travail doit être faisable, avec des horaires convenables, des pauses obligatoires, un rythme supportable. Nous lançons également des initiatives dont nous avons pu constater personnellement les bienfaits : yoga, mindfulness, séminaires, formations. On a tout simplement l’esprit plus clair après une séance de yoga. ”

Les résultats sont prometteurs. Entre 2017 et 2019, la croissance a triplé et la chaîne emploie désormais 45 personnes.

Tandem

Le principal atout de l’entreprise reste l’alchimie qui unit Pierre et Xiomara Baltodano. ” Nous entretenons des liens très forts, commente-t-elle. Nous avons à peu près le même âge, nous partagions la même chambre à la maison, nous allions souvent en camp ensemble et nous avons fait de longs voyages tous les deux. Nous sommes donc sur la même longueur d’onde. Naturellement, il nous arrive d’avoir des discussions, parfois plus vives, mais nous essayons immédiatement d’aplanir nos différends. Egalité et respect mutuel sont essentiels. Tout est partagé 50/50. ”

Ils considèrent leurs différences de caractère comme un avantage. ” Afficher ses désaccords puis se soutenir mutuellement, cela fait partie du processus. C’est sans doute à cette interaction, au regard différent que nous portons sur certaines choses que nous devons notre croissance. Parfois, l’un est déjà prêt à franchir l’étape suivante et l’autre pas encore. Il s’agit alors de le convaincre. ”

” J’apporte un côté féminin, peut-être plus émotionnel à la société, souligne Xiomara. Alors que Pierre est parfois sur le point de se noyer dans les chiffres, je suis, par exemple, plus attentive à l’aménagement. ”

Mais un point fait l’unanimité chez eux : bien qu’il soit nécessaire de surveiller les coûts, ils ne font aucune concession sur l’essence de leur activité : ” Pas question de servir des légumes en boîte “…

Développement personnel

Indépendamment des marges bénéficiaires, des investissements et de la croissance de l’entreprise, les deux entrepreneurs soulignent également l’importance du personnel dans leur réussite.

” Lorsque nous avons commencé, nous étions naïfs et impulsifs, nous manquions d’assurance “, se rappellent-ils. Xiomara se dit plus réfléchie qu’au début, Pierre estime qu’il est désormais plus attentif au contexte. Ils se sentent également davantage pris au sérieux, par exemple quand ils négocient les baux. ” Nous pouvons présenter de chiffres solides, cela aide. ” Ils n’investissent pas uniquement dans leur développement personnel en assistant à des séances de yoga et à des séminaires, mais aussi en engageant des consultants et en rejoignant des fédérations sectorielles. A Louvain, Donki accueille surtout des étudiants. A Saint-Gilles et Etterbeek, la clientèle se compose principalement de navetteurs et d’habitants du quartier. Pour leur quatrième restaurant, Pierre et Xiomara rêvent tout haut d’un emplacement à proximité de la Grand-Place, dans le coeur touristique de Bruxelles. Outre les touristes, ils espèrent également pouvoir convaincre les Bruxellois du coin de venir régulièrement déguster un burrito ou un taco maison.

Ils ne tarissent pas d’éloges concer-nant la Région de Bruxelles-Capitale : ” Hub.brussels ( l’agence publique pour les entreprises de la Région de Bruxelles- Capitale, Ndlr) dispose d’une équipe de qualité qui fournit un excellent travail et apporte une aide appréciable. Seules les communes restent encore un peu trop accrochées aux traditions. Si elles veulent faire bouger Bruxelles, elles doivent oser participer aux réflexions des entrepreneurs créatifs. ” Tous deux habitent d’ailleurs la capitale, Pierre à Etterbeek et Xiomara à Ixelles.

Entre-temps, l’idée d’un siège à Bruxelles mûrit et les deux entrepreneurs ont mis sur pied un projet caritatif. ” Au Nicaragua, notre grand-mère allait souvent cuisiner dans des villages isolés, racontent le frère et la soeur. Elle apportait toujours une piñata, une poupée remplie de bonbons. Nous voulons reprendre cette tradition en organisant des petites fêtes avec piñata pour les enfants défavorisés. En tant qu’entrepreneurs, nous trouvons qu’il est important de rendre quelque chose à la société. ”

Par Annelies De Waele.

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