Belgium’s Got Talent: RTL et son rentable talent

L’émission phare de la rentrée de RTL, Belgium’s Got Talent, affiche d’excellents scores d’audience. Et les annonceurs se bousculent. Zoom sur une machine commerciale bien rodée.

Après trois épisodes, la chaîne privée se frotte déjà les mains. L’émission de divertissement Belgium’s Got Talent a réuni ce lundi 614.300 téléspectateurs, ce qui représente 36,3 % de parts de marché sur les 4 ans et plus. Un excellent score, en progression par rapport à la première émission, qui avait déjà dépassé le cap des 500.000 téléspectateurs. Sur l’importantissime cible des 18-54 ans, les fameux PRA (principaux responsables des achats), la chaîne atteint 39,2 % de parts de marché. Selon RTL, qui a fait un premier bilan commercial de l’émission, les annonceurs se bousculent : + 25% en septembre, +38 % en octobre sur la case occupée par Belgium’s Got Talent. Toujours d’après la chaîne, les pages de pub ont généré un chiffre d’affaires deux à trois fois plus élevé que pour les autres programmes diffusés dans la même case-horaire.

Il faut dire que RTL a sorti l’artillerie lourde, dès sa première émission. Un fakir, une strip-teaseuse, un ventriloque, une chorale du Brabant wallon, une troupe de danseurs indiens… Le casting de Belgium’s Got Talent n’a pas fait dans la dentelle. Et ça a marché. Le premier épisode a permis à la chaîne privée d’occuper 30,1 % de parts de marché (34,2 % sur les PRA). Mission accomplie pour le directeur des programmes Stéphane Rosenblatt, qui nous confiait avant l’émission avoir fixé un objectif supérieur à 25 % de parts de marché. Il faut dire que la chaîne privée avait mis le paquet pour assurer une visibilité maximale à l’émission, à grand renfort de battage médiatique et d’auto-promotion sur les différents supports du groupe.

Faire oublier The Voice

L’idée : faire oublier The Voice, qui a fait un carton sur la RTBF en début d’année. Le télé-crochet musical a surpris RTL dans son pré carré, le divertissement grand public. La chaîne privée se devait de réagir. Elle s’est donc tournée elle aussi vers un grand format déjà très populaire à l’étranger. America’s Got Talent, la première émission du genre, a débuté outre-Atlantique en 2006. C’est toujours le show le plus populaire de la chaîne américaine NBC, avec des pics d’audience supérieurs à 16 millions de téléspectateurs. Mais c’est en Grande-Bretagne que Britain’s Got Talent a battu tous les records, devenant le divertissement le plus regardé de la dernière décennie, atteignant 18,3 millions de téléspectateurs. On se souviendra par exemple de la chanteuse Susan Boyle, qui a cartonné en 2009 non seulement à la télévision britannique, mais aussi dans le monde via une vidéo Youtube qui totalise aujourd’hui plus de 100 millions de visiteurs !

Adapté dans 40 pays Depuis lors, le format “Got Talent” a été adapté dans plus de quarante pays. Le concept a été imaginé par le producteur britannique Simon Cowell, qui fait également partie de nombreux jurys d’émissions de télé-réalité, comme X Factor, American Idol (équivalent US de la Nouvelle Star) et, évidemment, Britain’s Got Talent. Syco Entertainment, la maison de production de Simon Cowell, a conclu un accord de partenariat avec FremantleMedia, qui détient et commercialise désormais la franchise “Got Talent”.

Il s’avère aussi que la maison de production FremantleMedia est une filiale de RTL Group. RTL-TVI a-t-elle bénéficié de conditions avantageuses de la part d’une filiale de son propre groupe ? Non, répond Stéphane Rosenblatt, directeur des programmes de RTL. “C’est plus facile de travailler avec Freemantle parce qu’on connaît les producteurs, dit-il. Mais le prix de l’émission répond aux lois de l’offre et de la demande sur un marché ouvert.”

RTL ne souhaite pas communiquer sur le coût de l’émission. Mais il s’agit clairement d’un des programmes les plus onéreux de la chaîne. “C’est une émission plus chère à produire que la moyenne, poursuit Stéphane Rosenblatt. Mais cela prouve que l’on n’hésite plus aujourd’hui à mettre de gros moyens au service d’émissions produites en Belgique. A ce titre, The Voice a été un facteur positif d’émulation du marché.” The Voice, format produit par Endemol, aurait pu tomber dans l’escarcelle de RTL. Mais à l’analyse du dossier, la chaîne privée a préféré renoncer. Pour des raisons stratégiques d’abord : The Voice est une énième émission basée sur le chant, alors que RTL sort à peine de la Nouvelle Star. Le spectre de la Star Academy belge, qui avait fait un flop en 2001, a peut-être aussi joué un rôle. Mais l’argument évoqué par la chaîne privée est surtout budgétaire. “Les coûts de production étaient beaucoup trop élevés, estime Stéphane Rosenblatt. En comparaison, Belgium’s Got Talent est un format moins cher, qui s’étale sur une durée plus courte.”

Economies d’échelle
The Voice a enchaîné 17 émissions, dont cinq directs. Belgium’s Got Talent se limitera à 11 émissions, dont cinq directs. The Voice nécessitait aussi un grand studio pour l’ensemble de ses émissions. RTL n’en possède pas, contrairement à la RTBF, qui dispose de Média Rives, son nouvel espace de 1.200 m² ouvert à Liège en mai 2011. Pour les présélections de Belgium’s Got Talent, RTL a pu réduire ses coûts en filmant dans une salle de spectacle (Wolubilis à Bruxelles). Pour les directs, la chaîne réalisera des économies d’échelle grâce à une joint venture avec VTM, qui diffuse parallèlement la version flamande de “Got Talent”. Les deux chaînes loueront un studio à l’Eurocam Media Center, situé en Flandre.

Dès les premiers soirs, l’audimat a donc été à la hauteur des espérances de RTL. Reste à concrétiser cette bonne performance sur la durée. Les audiences de The Voice ont en effet joué au yo-yo. Il ne faudrait pas que cela arrive à Belgium’s Got Talent. Cela dit, ces audiences en dents de scie sont visiblement consubstantielles au format de The Voice. Après les auditions à l’aveugle (blind), l’intérêt du public s’essouffle. Ce phénomène s’est marqué dans la plupart des pays où est diffusée l’émission produite par Endemol. D’après les courbes d’audience constatées à l’étranger, qui augmentent d’ailleurs de saison en saison, “Got Talent” ne semble pas pâtir de ce genre de difficultés.

Les annonceurs se bousculent
De ces courbes d’audience dépend un enjeu capital : la publicité. Et visiblement, les annonceurs sont au rendez-vous. Quelques jours avant la soirée de lancement, les trois plages de pub intercalées durant l’émission étaient occupées à 90 %. “C’est l’émission la mieux vendue de cette rentrée, se réjouit Denis Masquelier, patron de IP, la régie publicitaire de RTL. Nous sommes servis par le succès international de “Got Talent”. Les espaces sont plus faciles à vendre que pour une première émission.” Ces espaces coûtent aux annonceurs entre 10.000 et 15.000 euros pour 30 secondes d’antenne, ce qui les situe dans la moyenne haute pour une émission en prime time. Mais Denis Masquelier assure qu’il en a déjà vendu à des prix plus élevés, jusqu’à 18.000 ou 19.000 euros. Peut-être à l’époque où le marché de la pub tirait moins la langue… Le patron de la régie n’exclut pas cependant que de bons chiffres d’audience tirent les prix vers le haut. “Ce sera un succès commercial”, tranche Denis Masquelier.

En attendant, la première émission avait été interrompue à trois reprises pour une durée totale de 10 minutes environ. La soirée de lancement de Belgium’s Got Talent a donc déjà rapporté à la chaîne entre 200.000 et 300.000 euros en spots publicitaires. Des spots vendus à tous types d’annonceurs : marques automobiles, produits de beauté, opérateurs télécoms… “Ce spectacle vise le public familial de manière large, c’est pour cela que tous les secteurs sont présents”, détaille Denis Masquelier (IP).

Pas de placement de produits
Au-delà des spots, certains annonceurs se sont positionnés comme sponsors de l’émission. La liste est éclectique : les vitamines Supradyn, les pastilles Mentos, l’opérateur télécom Allo RTL (sponsor interne), le magasin de hi-fi et électroménager Eurocenter, la margarine Planta et l’édulcorant Stevia. Pas de gros noms ronflants, donc. Ce qui tranche nettement avec The Voice, sur la RTBF, qui était soutenue par le géant de l’électronique Samsung et le champion du soda, Coca-Cola. Le placement de produits, largement utilisé par l’émission de la RTBF, ne sera pas au rendez-vous à l’antenne de RTL. “Certains produits s’y prêtent mieux que d’autres. On ne va tout de même pas demander à Jean-Michel Zecca de se rafraîchir ostensiblement l’haleine avec un Mentos”, sourit Denis Masquelier, patron de la régie publicitaire de RTL.

La chaîne privée n’a pas non plus oublié la formidable caisse de résonnance que peuvent constituer les réseaux sociaux. La page Facebook de l’émission compte 3.500 fans, plus de 200.000 vidéos ont déjà été visionnées sur Youtube via le site de l’émission, et le compte Twitter est suivi par 1.100 personnes. Pas mal pour un début, mais il sera difficile de rattraper les chiffres atteints par The Voice à la fin de la saison. Pour RTL, il ne s’agit pas d’un objectif en soi. “Sur The Voice, on avait parfois l’impression que les réseaux sociaux devenaient plus importants que l’émission, lâche Jean-Jacques Deleeuw, directeur new media chez RTL. Notre stratégie, c’est surtout d’attirer beaucoup de téléspectateurs. Et tant mieux si les réseaux sociaux alimentent les conversations sur l’émission.”

Gilles Quoistiaux

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