Alice Délice parviendra-t-elle à s’imposer en Belgique ?

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Avec ses couleurs chaleureuses et son esprit bon enfant, l’enseigne française Alice Délice, dédiée au monde culinaire, passe à la vitesse supérieure. Elle vient d’ouvrir un troisième magasin en Belgique et de signer pour deux nouveaux emplacements. Zoom sur un acteur qui surfe sur la mode actuelle des arts de la table.

Discrète, l’enseigne Alice Délice en Belgique ? Il est vrai que jusqu’ici implantée à deux endroits chez nous seulement (Anderlecht et Wijnegem), la chaîne spécialisée dans “les plaisirs de la cuisine” n’avait pas encore fait beaucoup de bruit. La cuillère en bois qui lui sert de logo ne s’est pas encore imposée chez nous. Mais Sylvie et Jean-Michel Baert, les deux franchisés belges, comptent bien changer la donne, vu le succès de la formule dans l’Hexagone (déjà 10 boutiques ouvertes depuis 2002), et ambitionnent d’installer Alice Délice dans pas moins de 12 à 15 villes belges. Pour l’heure, ce duo d’entrepreneurs, couple dans la vie, peut se targuer d’une troisième ouverture, depuis fin mars, à Waterloo. Ils viennent d’ailleurs de signer des baux pour des emplacements à Nivelles et Charleroi pour le printemps de 2012.

Surtout des boutiques dans des shoppings

En 2007, alors qu’elle était tombée amoureuse du concept français lancé par un lointain cousin, Sylvie Baert-Mulliez, l’une des descendantes de la dynastie Mulliez, fondatrice d’Auchan (entre autres), a obtenu la franchise de l’enseigne pour l’ensemble de la Belgique. Le concept est simple : regrouper sur une surface de vente de 200 à 350 m2 pas moins de 2.500 à 3.000 références liées à l’univers de la cuisine. Dans l’assortiment de la boutique, on trouve aussi bien des sucres ou sirops originaux, que des moules de cuisson en silicone et des robots ménagers sophistiqués.

Afin d’encadrer le développement, le tandem a créé la société Art Of Cooking (AOC), qui chapeautera l’ensemble de l’enseigne Alice Délice en Belgique. Pas de masterfranchise donc : le couple, passionné, entend bien ouvrir les futures boutiques lui-même.

Le premier magasin a été ouvert en plein centre commercial d’Anderlecht, au Westland Shopping Center, en 2008. “Nous privilégions, quand c’est possible, les emplacements bien situés dans des centres commerciaux établis, où le trafic est déjà important”, admet Sylvie Baert. C’est d’ailleurs ce qui a poussé le couple à refuser certains emplacements, plus isolés, dans des centres commerciaux bruxellois pourtant renommés. La raison est évidente : l’enseigne elle-même, au début certainement et aujourd’hui encore, ne dispose pas d’une notoriété suffisante en Belgique pour drainer un public nombreux. Or, pour être rentable, les magasins doivent rapidement attirer du monde. “Le développement des boutiques représente un gros investissement”, insiste Jean-Michel Baert. “Nous choisissons du mobilier de qualité, du bois massif, et faisons réaliser beaucoup de linéaires sur mesure. Rien que pour l’aménagement, on compte entre 1.200 et 1.600 euros du mètre carré.” Et, dans son concept, Alice Délice nécessite des surfaces de vente allant de 200 à 350 m2. A Anderlecht, le magasin accueille quotidiennement quelque 1.000 personnes (les jours d’affluence, ce chiffre peut monter jusqu’à 3.500). A Waterloo, la situation est un peu différente : le couple admet avoir craqué pour un emplacement situé dans leur ville natale (à haut pouvoir d’achat, certes). Les deux prochaines ouvertures (Nivelles et Charleroi) sont, elles, prévues dans des shoppings.

Faire évoluer l’achat cadeau

Mais le trafic ne suffit pas : Alice Délice doit, comme toute boutique marchande, également convertir les visiteurs en acheteurs, et surtout augmenter le ticket moyen. Un défi : avec ses couleurs vives, ses gadgets culinaires et ses produits plaisir et originaux, l’enseigne réalise beaucoup de ventes pour des cadeaux. “Durant l’année, on estime qu’un article sur trois est acheté pour un cadeau”, détaille Sylvie Baert. “En fin d’année, le rapport est même d’un sur deux.” Les achats sont dès lors plus occasionnels et peut-être un rien moins chers. Les responsables de la chaîne en Belgique aimeraient donc progressivement transformer “l’achat cadeau” en achat de produits plus techniques et plus importants, donc plus onéreux. “L’objectif est de devenir la référence en matériel de cuisine”, espère Sylvie Baert. “Quand un passionné a besoin d’un fouet ou d’une batterie de casseroles, il faut qu’il pense à Alice Délice.”

Bonjour la concurrence

Pas facile : Alice Délice n’est pas seule sur ce créneau. Selon AOC, “les concurrents ne seraient pas des chaînes spécialisées”. Pourtant, d’autres acteurs surfent sur cette vague hyper tendance. Citons, par exemple, l’Inno, qui propose certaines marques également vendues chez Alice Délice. Plus proche encore, les Secrets du Chef ( cf. Trends-Tendances du 30/9/2010), qui dispose de deux boutiques (Bruxelles et Louvain-la-Neuve) et propose du “matériel assez technique et haut de gamme, pour les passionnés de cuisine et ce que l’on pourrait appeler les chefs amateurs”, selon Alexandre Lerouge, l’un des fondateurs des Secrets du Chef, une enseigne qui suit de près le développement d’Alice Délice. “Nous n’avons pas le même positionnement”, commente-t-il. “Mais Alice Délice est un acteur non négligeable, qui ne manque pas de moyens, jouit d’une expérience en France et du soutien d’un groupe.” Sur le créneau, Mmmmh !, qui propose des cours de cuisine, a également ouvert dans ses espaces bruxellois de petites boutiques qui vend des produits culinaires branchés. Si chaque concept a son positionnement, tous exploitent malgré tout le même créneau.

Dans le giron familial des Mulliez

Alice Délice a l’avantage de pouvoir compter sur les bases solides d’un groupe de 10 boutiques en France : mêmes références, logistique liée, etc. C’est d’ailleurs ce qui permet à l’enseigne de proposer, depuis quelque temps, sa marque propre d’objets culinaires. L’objectif du franchiseur est d’arriver à quelque 10 % de son assortiment à son nom, soit autour de 250 produits. Avec des ustensiles et des produits culinaires à son effigie, Alice Délice se réserve des marges plus grandes et sa marque investit progressivement la cuisine du chef coq amateur. Une stratégie hors de portée des acteurs plus petits comme les Secrets du Chef. Tout au plus ces derniers estampillent-ils quelques produits à leur nom, à la manière d’un label. Certains observateurs voient d’ailleurs dans l’ouverture rapide de magasins Alice Délice un moyen de gonfler les volumes de vente, et donc d’augmenter la force de la marque propre, ce qui permettrait de réduire la dépendance avec les fournisseurs, qui contrôlent fortement les prix.

Par ailleurs, derrière l’enseigne Alice Délice en France, on retrouve également l’empire Mulliez. En effet, Wilfrid André, fondateur du concept et membre par alliance de la famille Mulliez, a fait appel, pour lancer son concept, à Creadev, une entreprise d’investissement fondée en 2002 par la famille Mulliez. Sylvie Baert-Mulliez insiste de son côté : “Art Of Cooking est une société fondée avec mon mari sur fonds propres. J’ai à c£ur de ne pas tout mélanger et je n’ai pas fait appel à Creadev, privilégiant l’apport de capitaux propres et le financement classique par les banques.”

Côté rentabilité, Art Of Cooking est loin du vert en raison, notamment, des importants développements et investissements consentis pour lancer ses boutiques en Belgique. En 2009, ses deux magasins réalisaient ensemble 1,9 million d’euros de chiffre d’affaires. Un montant qui a atteint les 2,8 millions d’euros en 2010. Concrètement, le magasin d’Anderlecht a généré l’an passé un chiffre d’affaires de 1,2 million, tandis que celui de Wijnegem monte à 1,6 million. En ouvrant de nouvelles boutiques, les franchisés belges comptent répartir les coûts et fortement augmenter les rentrées d’Alice Délice.

Christophe Charlot

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