Acier : pourquoi la Wallonie dit adieu à Laplace Conseil

© Image Globe/Michel Krakowski

La Sogepa, bras armé financier de la Région wallonne, casse le contrat qui la lie avec Laplace Conseil et ne compte pas payer la totalité des honoraires. En cause : le récent rapport sur l’acier liégeois, bien sûr. Mais pas seulement.

La Sogepa, bras financier de la Région wallonne (dont celle-ci détient 100 % du capital), a décidé mercredi, lors de la réunion de son comité de direction, de casser le contrat avec Laplace Conseil, rapporte jeudi L’Echo. Si le consultant aurait déjà touché une partie de ses honoraires (60.000 euros) sur les 195.000 euros (total de la facture), la Sogepa n’entendrait pas honorer le solde, révèle le quotidien.

Marcel Genet, président de Laplace Conseil, s’est refusé à tout commentaire. Il a néanmoins précisé qu’il assumait ce qu’il avait écrit dans son rapport sur l’avenir de la sidérurgie liégeoise. Il y estimait que la fermeture définitive de la phase à chaud de Liège, décidée par ArcelorMittal, était “irréversible”.

Rapport Laplace sur l’acier liégeois : un document “orienté” ?

Des voix s’étaient élevées, suite au “fuitage” de ce rapport, pour s’opposer à ses conclusions. Parmi celles-là, Damien Robert, spécialiste de la sidérurgie pour le PTB, relevait des éléments troublants pouvant laisser conclure à un “manque de neutralité” dans le chef des auteurs du rapport. Bref, celui-ci était “orienté”.

Ce rapport est présenté par ses commanditaires (la Région wallonne, via la Sogepa) et ses auteurs comme un rapport rédigé par un spécialiste, liégeois de surcroit. Pour Damien Robert, “ces spécialistes ne sont pas neutres. Les consultants de Laplace Conseil, M. Genet et M. Orban, ont conseillé entre autres, dans les années 1990, la Sogepa et la Région wallonne lors de la faillite scandaleuse de Clabecq et la privatisation de Cockerill Sambre.”

Problème : c’est cette privatisation qui, selon le spécialiste de l’acier, est la source des problèmes de Liège. “Ils ont le culot de montrer du doigt les syndicats comme responsables de tous les maux, continue Damien Robert. Or, eux seuls ont critiqué la privatisation. Sans le syndicat qui a exigé une mise sous cocon des hauts fourneaux, il n’y aurait même pas eu à l’époque de relance et du travail pour des milliers de famille !”

Des Liégeois “biesses” : la petite phrase qui met de l’huile sur le feu

Les troubles médiatiques qui ont entouré le dernier rapport de Laplace Conseil auront donc signé la mort d’un partenariat de longue date entre la Wallonie et ce cabinet de conseil très actif dans l’analyse stratégique du secteur “métaux et minéraux”.

Certaines déclarations malheureuses du patron de Laplace n’auront pas, il est vrai, arrangé les choses ni apaisé les esprits. Sur les ondes de La Première (RTBF), Marcel Genet avait ainsi asséné : “Je trouve qu’ils (les Liégeois) sont un peu biesses. J’ai été très objectif et ferme avec l’ensemble des Liégeois qui ont fait partie du système de décision.”

Une insulte qui est, évidemment, très mal passée du côté des syndicats. “L’auteur de ce rapport devrait présenter des excuses publiques pour avoir insulté non seulement les organisations syndicales, mais aussi l’ensemble des Liégeois”, selon Jordan Atanasov, président des Métallos de la CSC à Liège.

José Verdin, expert à la FGTB, n’a pas davantage goûté les propos de Marcel Genet : “Laplace Conseil se permet de faire des allusions de type social, sociologique, sociopolitique qui n’ont rien à voir avec la mission dont ils étaient chargés. Ça n’a pas à être facturé à la Région en tant que tel.” Dont acte, puisque la Sogepa ne compterait donc pas régler la facture totale.

Rapports sur l’acier wallon : quand Laplace contredit… Laplace ?

Le rapport Laplace de 2011 contredirait en outre le rapport Laplace de 2009, selon le PTB : “En 2009, les mêmes spécialistes rendaient un rapport sur la sidérurgie liégeoise. Il était globalement positif. Et, en un peu plus de deux ans, alors que les différences de coûts de production à la tonne n’ont fondamentalement pas évolué, les conclusions sont opposées.” Preuve supplémentaire, pour le parti de gauche, que les experts du cabinet de conseil n’ont pas oeuvré en toute objectivité.

Une impression renforcée par d’autres propos du patron de Laplace. Toujours sur La Première, Marcel Genet proposait ainsi une commission de réconciliation : “La recommandation la plus importante que j’ai faite dans ce rapport est de créer une commission de réconciliation entre Liégeois, c’est-à-dire entre syndicats, dirigeants, cadres, ingénieurs, responsables communaux, responsables de la Région pour trouver ensemble une meilleure façon de répondre aux intentions d’ArcelorMittal.”

Traduction par le PTB : se réconcilier pour répondre aux intentions de la multinationale. On comprend pourquoi tout ce dossier a été difficile à avaler pour les syndicats… et les Liégeois en général. Jusqu’à la rupture d’un contrat ancien ente la Région wallonne et un cabinet de conseil pourtant spécialisé.

V.D.

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