Deux mois après, le point sur les conséquences de la marée noire à l’île Maurice

Le 25 juillet, le vraquier japonais MV Wakashio heurtait un récif de l’île Maurice, déversant 1.000 tonnes de fioul dans ses eaux turquoises prisées des touristes. Deux mois plus tard, le point sur les conséquences de la pire pollution maritime de l’histoire de ce pays.

Quels dommages environnementaux ?

Le MV Wakashio, qui faisait route de Singapour vers le Brésil, s’est échoué sur un récif corallien près de la pointe d’Esny, sur la côte Sud-Est de l’île Maurice. Il contenait 3.800 tonnes de fioul et 200 tonnes de diesel, qui ont rapidement commencé à fuir.

“Somme toute, cela n’a pas été une grosse marée noire. Il s’agissait d’un vraquier et non d’un pétrolier, auquel cas la situation aurait été très différente”, relève Sue Ware, experte du milieu marin à l’institut de recherche britannique Cefas.

Une majorité du carburant a pu être pompé avant que le navire se brise et environ 1.000 tonnes de fioul se sont écoulées dans les eaux cristallines de l’océan Indien. En comparaison, le pétrolier libérien Amoco Cadiz avait déversé 227.000 tonnes de brut sur les côtes françaises en 1978 – l’une des pires marées noires des 50 dernières années.

“Le volume est relativement limité mais la zone est cruciale pour la biodiversité”, souligne néanmoins Sue Ware. Le Sud-Est de la côte mauricienne compte deux sites classés: Blue Bay, connu pour ses coraux, et la pointe d’Esny, riche de mangroves, des écosystèmes cruciaux face au réchauffement climatique.

A quelques encablures, l’île aux Aigrettes, une réserve naturelle qui abrite des espèces endémiques – oiseaux et reptiles – a été souillée. “C’est à 2 km du Wakashio, cela a été un des premiers sites impactés”, déplore Vikash Tatayah, de l’ONG Mauritian Wildlife Foundation qui gère cet ilot.

Une cinquantaine de dauphins d’Electre se sont échoués fin août sur cette côte, mais le lien avec le naufrage n’a pas été établi pour le moment.

Quid des effets à long terme?

Comme d’autres, Vikash Tatayah s’inquiète des effets à long terme, notamment pour les poissons et les habitants.

“Il y a la pollution visible et la pollution invisible. Une partie des hydrocarbures ne flotte pas mais se dissout dans la mer: les poissons le mangent, le corail l’absorbe, ça part dans les écosystèmes”, abonde Sunil Dowarkasing, un expert de l’environnement.

L’hydrocarbure libéré par le Wakashio, du VLSFO (“very low sulfur fioul oil”, moins “visqueux” que le fioul lourd) est un carburant de nouvelle génération dont on connaît mal les effets sur l’environnement, note Sue Ware.

“C’est assez nouveau pour nous (…) Nous devons étudier cela et ce sera certainement utile pour des marées noires futures”, dit-elle.

Où en sont les opérations de nettoyage ?

Le gouvernement a répertorié vingt-six sites affectés et confié leur nettoyage à deux entreprises.

“Les travaux avancent d’une façon satisfaisante mais c’est une opération très délicate”, explique le ministre de l’Environnement, Kavydass Ramano. Le nettoyage sera réalisé en quatre étapes et “à ce jour plusieurs sites sont passés en phase 2 ou 3”.

Dès les premiers jours, les habitants s’étaient mobilisés, oeuvrant sans relâche avec des moyens de fortune, pour endiguer la pollution.

Fin août, la proue et la coque de l’épave ont été remorquées puis coulées au large. Le résultat d’un appel d’offres lancé pour le démantèlement de la poupe devrait être connu dans les “jours” à venir, indique M. Ramano.

Quel impact sur le tourisme ?

L’impact sur le tourisme est difficile à établir, d’autant que les frontières sont fermées depuis le 18 mars en raison de l’épidémie de Covid-19.

“Il faut absolument que cette région soit remise en état pour que les opérateurs (touristiques) et les villageois ne soient pas les victimes”, plaide le ministre.

L’île a prévu de rouvrir ses frontières par phases à partir du 1er octobre.

Quel lien entre le Wakashio et les manifestations qui secouent Maurice ?

Le 29 août, une manifestation a réuni entre 50.000 et 75.000 personnes à Port-Louis, la capitale, pour dénoncer la gestion de la marée noire par le gouvernement du Premier ministre Pravind Jugnauth. Un tel rassemblement n’avait pas été vu depuis 1982.

La dernière manifestation en date, le 12 septembre, a rassemblé plus de 20.000 personnes à Mahébourg, principale ville de la zone affectée.

“Il y a un ras-le-bol général et le Wakashio a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase”, explique Sunil Dowarkasing.

Selon cet ancien député, ce sont surtout les scandales de corruption et de népotisme qui émaillent la politique mauricienne, notamment dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, qui ont cimenté ce courroux populaire.

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