Des cures au bien-être: comment Spa a dû se réinventer
Il y a 150 ans, Spa était the place to be en Europe pour les cures et autres traitements bienfaisants. Mais aujourd’hui, les activités récréatives proposées par les centres de bien-être remportent plus de succès.
Spa est le tout premier centre thermal au monde. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on continue à désigner en anglais une cure par le terme spa. Au 16e siècle déjà, les soixante sources naturelles de ce village des Hautes Fagnes étaient reconnues pour leurs propriétés bienfaisantes. Spa doit sa réputation de centre médical notamment au tsar Pierre le Grand et à sa guérison attestée par son médecin en 1717 après plusieurs semaines de cure.
Cette histoire est à l’origine de l’excellente renommée de la cité spadoise auprès de la noblesse et de la riche bourgeoisie européenne. Le premier bâtiment des Thermes de Spa est sorti de terre en 1868, ce qui donne au centre thermal l’âge vénérable de 150 ans. L’eau des bains provient toujours d’une source et est riche en bicarbonate. Les soins sont effectués avec l’eau d’une source chargée en gaz carbonique et en fer naturel.
Aujourd’hui, les Thermes de Spa appartiennent au groupe français Eurothermes, qui réalisait en 2016 un chiffre d’affaires consolidé de 54,6 millions d’euros. En 2017, ils enregistraient une marge brute de 2,9 millions d’euros, avec un cash-flow de 397.910 euros. Jusque dans les années 90, une cure à Spa était reconnue pour son caractère médical et remboursée par la sécurité sociale.
“Alors que le remboursement est toujours d’actualité dans des centres français comme Vichy et Contrex, les chances sont minces d’en bénéficier à nouveau chez nous. Et cela n’a rien à voir avec le fait que nous sommes le seul centre en Belgique à ne pas utiliser de l’eau du robinet”, commente Séverine Philippin, directrice des Thermes de Spa. “Nous n’avons dès lors pas eu d’autre choix que de nous réinventer, du moins en partie. Dans le nouveau bâtiment inauguré en 2004, nous avons prévu davantage d’activités récréatives, comme une piscine, un sauna et un hammam”, explique Séverine Philippin. “Nous attirons chaque année environ 200.000 visiteurs, dont 25.000 pour les soins. Le tarif pour une journée incluant quatre traitements tourne aux alentours de 150 euros, ce qui n’est évidemment pas à la portée de toutes les bourses.”
“Nous souhaitons développer l’espace récréatif, tout en continuant à investir dans les soins car nous observons un rebond de la demande”, poursuit Séverine Philippin. Sept clients sur dix sont belges, mais nous accueillons aussi des Néerlandais et des Allemands. Le nombre de visiteurs français reste limité puisqu’ils bénéficient encore d’un remboursement dans leur pays.”
En misant davantage sur une offre récréative, Spa, une marque à l’image un peu désuète, s’attaque à un marché concurrentiel. Tout comme chez nos voisins, le secteur du bien-être s’est fortement développé depuis l’an 2000. Alors que les centres de cure traditionnels comme Spa se concentraient sur des bains riches en minéraux aux effets thérapeutiques et des traitements à base de tourbe, les nouveaux centres de soin empruntaient une nouvelle direction. Ils n’avaient pas d’autre choix en réalité car tous les centres ne peuvent revendiquer des vertus thérapeutiques. La loi est très claire à ce sujet.
Voyage au pays des senteurs
“Nous essayons d’offrir de nouvelles sensations à nos visiteurs, notamment avec des séances de versement et des explorations olfactives, tout en leur apprenant à prendre soin de leur peau”, détaille Nancy Goossens, la responsable des Thermen Katara à Belsele. Fort de 90.000 visiteurs par an, ce centre de bien-être est l’un des plus importants de notre pays. “Chez nous, on ne trouve pas de centres XXL comme en Allemagne et aux Pays-Bas. Dans ces pays, tout le monde fréquente ce genre d’endroits perçus comme de simples soins pour le corps, tandis que chez nous, ils sont toujours considérés comme un produit de luxe.”
Wu Wei, l’un des nouveaux-venus les plus en vue dans le secteur, a été créé il y a six ans à Courtrai par Jo Heirman et sa femme. “J’ai longtemps travaillé dans le secteur de la publicité et du marketing pour des grosses boîtes comme Proximity. Après son rachat par l’agence américaine BBDO, la pression n’a cessé d’augmenter. C’est pourquoi j’ai décidé de donner un autre tournant à ma carrière”, confie Jo Heirman. Ainsi est née l’idée de Wu Wei, qui a pris ses quartiers dans une ancienne imprimerie et usine de poupées au coeur de Courtrai.
“Nous avons intégré de nouveaux éléments comme le restaurant dans l’architecture existante.” En plus des activités de bien-être, Wu Wei offre à ses clients la possibilité de se restaurer et de séjourner pour la nuit. Les Thermen Katara ont eux aussi investi dans une meilleure offre gastronomique, comme le souligne Nancy Goossens. “La dimension gastronomique a gagné en importance ces dernières années, notamment parce que les clients font de leur journée aux thermes une sortie en famille. Ils commencent avec un petit-déjeuner et terminent par un dîner en soirée. Ils ne se contentent plus d’une soupe et d’un croque-monsieur.”
Entreprises
Wu Wei mise entre autres sur des actions sur Facebook pour maintenir son taux d’occupation à un niveau élevé et attirer de nouveaux visiteurs. Fidèles à leur centre il y a dix ans, les clients n’hésitent pas aujourd’hui à en tester plusieurs. Jo Heirman : “Nous avons bâti notre propre clientèle diversifiée, qui apprécie l’ambiance non conformiste qui règne chez nous. Nous faisons en quelque sorte figure de business model canvas dans le secteur des centres de bien-être, un concept qui séduit surtout les personnes en quête de valeur ajoutée.”
“Wu Wei draine des clients de la région pour une soirée détente et des Anversois ou des Bruxellois pour une journée complète. Les clients qui optent pour un séjour de plus longue durée viennent d’Allemagne, de France, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et même d’Asie (en raison de notre nom). Enfin, certaines parties du centre sont proposées à la location pour des réunions d’entreprises. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons opté pour l’obligation de porter un maillot de bain. Ce choix nous permet également de ne pas attirer les premiers clients venus. Nous dispensons à chacun dès son arrivée des explications détaillées sur les séances de versement et les rituels de gommage”, commente Jo Heirman. “Ces six dernières années, j’ai surtout beaucoup appris en termes d’hygiène. Les exigences des clients en la matière sont très élevées et il est plus difficile d’y répondre qu’il n’y paraît.”
Traduction : virginie·dupont·sprl
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