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Choisir légalement la voie la moins imposée

Certains adversaires de la fraude fiscale sont insatiables. Ils ont évidemment raison de combattre ceux qui commettent ce qui est un délit, qui enfreignent la loi, mais, à nouveau, des voix s’expriment pour, disent-ils, interdire également “l’évasion fiscale”.

Il y a là d’abord une sérieuse confusion sur les mots. Les termes “évasion fiscale” donnent, en raison de l’usage du mot “évasion” l’impression que l’on agit d’une manière illégale, et cela paraît confirmé par la notion anglaise de “tax evasion“, qui veut dire “fraude fiscale”. Toutefois, en français, il faut distinguer la “fraude fiscale”, qui consiste à enfreindre la loi, de “l’évasion fiscale”, méthode licite, plus ou moins intellectuellement complexe, pour payer moins d’impôts tout en respectant la loi. Pour éviter la connotation péjorative du mot “évasion”, on préfère actuellement parler d’ “optimisation fiscale” ou encore le terme plus juridique de “choix licite de la voie la moins imposée”.

Qu’on le veuille ou non, dans tout Etat de droit, le principe est que le recours à de telles pratiques est légal. C’est même un droit fondamental de tous les contribuables.

Qu’on le veuille ou non, dans tout Etat de droit, le principe est que le recours à de telles pratiques est légal. C’est même un droit fondamental de tous les contribuables, puisqu’il résulte d’une disposition constitutionnelle. En Belgique, l’article 170 de la Constitution prévoit qu'”aucun impôt au profit de l’Etat ne peut être établi que par une loi”. Par conséquent, si aucune loi ne taxe ce que vous avez fait, vous n’êtes pas obligé de payer un impôt. Et donc, toujours tant que la loi ne dit pas le contraire, vous pouvez volontairement vous placer dans une situation où vous ne payez pas un impôt, alors que si vous n’aviez pas fait ce choix, vous devriez sans doute le payer.

Dans chaque pays, des lois réglementent, plus ou moins sévèrement et plus ou moins clairement, la situation de ceux qui, volontairement, se placent dans une situation, artificielle ou non, qui leur permet de bénéficier d’avantages fiscaux. Mais partout, le principe est que ce choix est permis, même si des exceptions sont prévues. D’ailleurs, sans que l’on s’en rende compte, ce choix est pratiqué presque quotidiennement par beaucoup de contribuables qui sont loin d’être des multinationales. Si vous souscrivez à l’épargne-pension, très peu rentable comme telle, recourez aux titres-services ou encore au tax shelter, qui aide notamment le cinéma, il est fort probable que vous faites cela exclusivement en raison des avantages fiscaux que ces mécanismes procurent. C’est du choix licite de la voie la moins imposée, qui est même directement favorisé par l’Etat.

La même chose se passe au niveau international. On cite régulièrement l’exemple d’une personne qui, allant de Bruxelles vers Luxembourg par la Nationale 4, arrive à Martelange, et voit plusieurs rutilantes stations-services vendant beaucoup d’alcool et de tabac sur le côté gauche de la route, c’est-à-dire au Luxembourg, et aucun commerce de ce type sur le côté droit, en Belgique. Dans une telle circonstance, tout le monde traverse la route pour s’alimenter au Grand-Duché, où les taxes sont les plus faibles. C’est de l’ “évasion fiscale internationale” au même titre que la société multinationale qui installe une filiale au Luxembourg plutôt qu’en Belgique. C’est juste plus simple et visiblement très populaire : si beaucoup de gens étaient “civiques” au point de vouloir absolument acquérir de l’essence belge, il y aurait des stations-services sur le côté belge de la route.

Il faut donc cesser de diaboliser l’optimisation fiscale, attitude naturelle de tous ceux qui, sans enfreindre la loi, réduisent les coûts fiscaux qu’ils doivent supporter en Belgique.

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