Régularisation fiscale: les directeurs régionaux de l’ISI prennent leur distance avec Anthonissen

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Les directeurs de l’Inspection Spéciale des Impôts (ISI), à l’exception de celui de la section gantoise, ont écrit au ministre des Finances pour prendre leurs distances avec les affirmations du directeur gantois, Karel Anthonissen, à propos de la régularisation fiscale.

M. Anthonissen a déposé le mois passé une plainte auprès de tous les parquets du pays concernant un possible blanchiment d’argent portant sur 61.546 dossiers de régularisation fiscale. Selon lui, l’opération a permis de blanchir des capitaux d’un montant total de 36 milliards d’euros, soit la plus grosse affaire de ce registre jamais suspectée en Belgique.

Les directeurs de l’ISI de Namur, Bruxelles, Anvers ainsi que de la 5e direction, en charge de la gestion quotidienne, soutenus par le directeur général de l’ISI, Frank Philipsen, rappellent leur attachement à la lutte contre la fraude fiscale. Ils estiment que leur administration apparaît sous un mauvais jour et contestent la façon dont leur collègue présente les faits, et qui repose à leur yeux “sur une présentation non correcte des chiffres et de la réalité juridique et fiscale”.

“Animé de ce souci, nous voulons prendre complètement nos distances” avec la plainte déposée par M. Anthonissen, déclarent-ils.

Ces directeurs se disent prêts à être entendus par la Commission des Finances de la Chambre ou la Commission spéciale Fraude fiscale internationale/Panama Papers.

Entendu vendredi par la Commission des Finances, M. Philipsen a insisté sur la nécessité pour chaque contrôleur fiscal de comprendre qu’il évolue dans un cadre légal, avec des délais de prescription, auquel il doit se tenir. Il n’a pas pour autant désavoué son collègue, loin s’en faut. “Je comprends la frustration de M. Anthonissen”, a-t-il répété. “Je ne peux nier que M. Anthonissen aime s’exprimer dans la presse mais il adresse le même signal depuis longtemps: il y a un problème avec le capital fiscalement prescrit. Cela fait des années qu’il en parle”.

Quatre opérations de régularisation fiscale ont eu lieu depuis 2004. “On constate encore aujourd’hui que tout le monde n’a pas déclaré ce que lui ou ses parents, ou ses grands parents, auraient dû déclarer à l’époque”, a ajouté le directeur général.

Le patron de l’ISI a nié toute guerre des clans au sein de l’ISI. Comment comprendre dès lors le geste du directeur gantois? “En dénonçant 61.000 dossiers, il sait qu’il va inonder le parquet. C’est un signal étonnant donné au monde politique, sans doute à sa hiérarchie et peut-être bien au monde judiciaire”, a soutenu Ahmed Laaouej (PS).

Il reste à voir ce que la justice pourra faire des 61.000 dossiers (dont seulement 3.230 concernent en fait l’ISI). D’après M. Philipsen, il faudra établir des priorités et voir quels dossiers méritent une suite pénale. “Qu’en Belgique, on puisse donner une fois de temps en temps le signal qu’une fraude grave est sanctionnée à la hauteur de sa gravité”, a souligné Georges Gilkinet (Ecolo).

La façon de faire du directeur gantois ne passe toutefois pas très bien dans la majorité. “On a un sentiment de malaise”, a confié le président de la Commission, Eric Van Rompuy (CD&V). Le MR a jugé quant à lui que certains fonctionnaires avaient tendance à se défausser un peu vite sur le législateur. “Ils doivent faire aussi leur travail”, a lancé Benoît Piedboeuf.

La régionalisation de la fiscalité n’aide pas à assurer le suivi des dossiers. Une bonne partie des impôts visés par les opérations de régularisation fiscale sont des droits de succession, qui relèvent des Régions. L’ISI adresse des procès-verbaux aux administrations régionales quand elle relève des problèmes mais elle n’est pas tenue au courant de la suite qui y est réservée, a regretté M. Philipsen.

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