Pourquoi le jugement Citibank angoisse le secteur bancaire

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Pour la première fois, le tribunal correctionnel de Bruxelles condamne une banque pour publicité mensongère sur base de la loi sur les pratiques du commerce. Une victoire pour le parquet, qui pourrait utiliser cette jurisprudence dans d’autres dossiers.

Condamnée la semaine dernière par le tribunal correctionnel de Bruxelles pour “publicité trompeuse” lors de la vente de produits structurés Lehman Brothers, Citibank devra rembourser les rares clients qui se sont constitués partie civile (la plupart d’entre eux ont transigé avec la banque) à hauteur de 65 % de leur investissement.

Citibank écope également de 165.000 euros d’amende. S’y ajoutent 425,50 euros respectivement pour le CEO, José de Peñaranda, le directeur juridique, François Staroukine, et son prédécesseur, Bernard Beyens.

Pas de quoi fouetter un chat, d’autant qu’au final, la banque échappe à toute une série de préventions infamantes : “Le tribunal n’a retenu ni l’abus de confiance, ni le blanchiment d’argent, ni la fraude, ni l’infraction à la loi Willems sur les services d’intermédiation bancaire”, rappelle Joost Everaert, conseil de Citibank et partner chez Allen & Overy.

Une législation moins favorable aux banques

Pourquoi, dès lors, la banque songe-t-elle à aller en appel ? Sûrement pas à cause des infractions “techniques” reconnues par le tribunal suite au non-envoi de certains documents promotionnels à la CBFA (rebaptisée entre-temps FSMA). “Le point central, c’est la décision du tribunal de faire application de la loi sur les pratiques du commerce, analyse l’avocat. C’est la toute première fois qu’un tribunal estime que cette loi s’applique à la vente de produits financiers.”

Cette position, défendue initialement par le parquet de Bruxelles, n’arrange pas les affaires de Citibank. Ni du secteur bancaire en général. La raison ? Cette législation est tout simplement moins favorable aux institutions bancaires que la loi sur les prospectus. Explication.

Pour qu’une pratique commerciale soit reconnue trompeuse ou mensongère, la loi sur les pratiques du commerce n’exige pas la démonstration d’une intention dans le chef du commerçant. En l’occurrence, lorsque Citibank a vendu des produits structurés contenant des actifs Lehman Brothers, le fait qu’elle ait eu l’intention ou non de les induire en erreur n’a aucune importance. Seul compte en effet le défaut d’information.

“En revanche, dans la loi sur les prospectus, l’infraction n’est établie que si les informations trompeuses ont été publiées sciemment par la banque”, poursuit Joost Everaert. Autant dire que la loi sur les pratiques du commerce facilite la tâche du parquet, qui n’a plus à apporter la preuve d’une démarche intentionnelle mais peut se contenter simplement de démontrer le caractère trompeur de la publicité.

Autre conséquence non négligeable du jugement, qui pourrait aussi hérisser les banques : la Direction générale contrôle et médiation (DGCM) entre dans la danse. Si la CBFA est compétente pour le contrôle des prospectus, les pratiques commerciales sont quant à elles dans le giron de cette émanation du SPF Economie, qui pourrait mettre son nez dans les pratiques bancaires. “On risque un conflit de législations”, pointe l’avocat de Citibank.

Mauvaise nouvelle pour les affaires similaires

Le parquet de Bruxelles, qui avait plaidé pour la première fois l’application de la loi sur les pratiques du commerce, est plutôt satisfait de l’issue (provisoire) du procès Citibank. Les affaires similaires pourraient bénéficier de cette jurisprudence toute fraîche.

On pense surtout au dossier Deutsche Bank, pour lequel la phase d’enquête est terminée. “Nous analysons attentivement le dossier Deutsche Bank à la lumière de cette récente décision du tribunal”, confirme Jean-Marc Meilleur, porte-parole du parquet bruxellois. Traduction : le parquet attendait le jugement Citibank pour prendre attitude dans ce dossier. La citation de la banque allemande devant le tribunal correctionnel pourrait rapidement tomber.

Gilles Quoistiaux

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