Pourquoi la “répression financière” ne fonctionne pas

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Les taux d’intérêt ont été fixés artificiellement très bas pour nous sauver d’une crise économique épouvantable. Le résultat est pourtant très mitigé. Au contraire, les taux bas pénalisent les jeunes et les empêchent d’acheter un logement.

Il y a de quoi être de mauvaise humeur, et pourtant, je n’ai pas mal au dos et je ne suis pas grognon de nature, que du contraire même. Mais là, je suis quand même très étonné, pour ne pas dire effrayé. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à me poser des questions, plusieurs commentateurs de la vie financière se demandent dans quel monde nous vivons.

Comme vous le savez, depuis que la crise financière a éclaté en 2008, les autorités monétaires ont voulu nous sauver d’une grosse dépression économique. L’une de leurs recettes a consisté à baisser les taux d’intérêt jusqu’au niveau de 0%, voire dans certain cas à un niveau négatif.

C’est réussi sur ce plan, d’après les calculs de Bank of America, les taux d’intérêt dans le monde sont au plus bas depuis… 5000 ans ! Ceux qui ont de l’argent qui dort sur un livret d’épargne savent de quoi je parle.

Ces taux bas étaient donc censés nous sauver de la crise. Leur but était de favoriser les emprunteurs et de pénaliser les prêteurs, c’est ce que les économistes appellent dans leur jargon la “répression financière”.

En clair, nos autorités monétaires veulent que vous consommiez et font tout pour vous décourager d’épargner. En clair, avec des taux bas, notre épargne est pénalisée. Je pense souvent aux retraités et à ceux et celles qui se démènent pour mettre un peu de côté.

En revanche, nous avons ceux et celles qui veulent emprunter – souvent des personnes plus jeunes – et qui, elles, peuvent, emprunter à très faible taux.

En clair, cette “répression financière” est une manière cachée de redistribuer l’argent des prêteurs vers les emprunteurs. D’accord, sauf qu’aujourd’hui, on sait que cette politique des taux d’intérêt bas ne marche pas.

La Banque centrale européenne a injecté depuis 2015 l’équivalent de 2600 milliards dans l’économie de la zone euro. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui, la croissance patine et les économistes ont même peur qu’on ne tombe en récession.

Bref, le résultat n’est pas terrible et malgré cela, nos autorités monétaires veulent encore baisser les taux jeudi prochain, d’où ma mauvaise humeur ce matin. Et puis, l’histoire qui consiste à aider les jeunes – qui par définition sont des emprunteurs – se révèle être une foutaise.

Pourquoi ? mais parce que comme les taux sont bas, que font les épargnants ? Ils ne vont pas en Bourse, c’est trop dangereux, ils vont acheter de l’immobilier: un petit appartement ici, un kot d’étudiant là-bas, …

Le résultat, c’est que les prix de l’immobilier sont en hausse, surtout à Bruxelles. Un jeune a aussi plus de difficultés à s’acheter un appartement aujourd’hui qu’hier, du moins, s’il n’a pas reçu l’aide de ses parents sous la forme d’un coup de pouce d’environ 20% du prix de son futur logement. La situation va encore s’aggraver, car la Banque Nationale de Belgique vient de demander aux banques commerciales de rendre plus difficile l’octroi des crédits hypothécaires.

Donc, oui, les taux sont bas, mais si les prix de l’immobilier augmentent, ils compensent cette baisse des taux. Voilà pourquoi plusieurs économistes estiment que nos autorités monétaires jouent aux apprentis sorciers et qu’en voulant faire le bien, elles provoquent des dégâts et augmentent – au contraire – les inégalités sociales – comme quoi l’enfer est pavé de bonnes intentions.

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