Pourquoi la Banque nationale veut une augmentation des tarifs bancaires

Luc Coene © Belga

Notre confrère de Standaard a jeté un petit pavé dans la mare financière ce lundi en annonçant que la Banque nationale de Belgique, qui est le gendarme financier du pays, voulait un relèvement de certains tarifs bancaires.

Dans son rapport annuel, présenté voici une dizaine de jours, la Banque nationale de Belgique (BNB) tire le signal d’alarme : “la profitabilité des institutions financières (donc des banques, mais aussi des assureurs, NDLR) est vulnérable” dit-elle. Sur les 9 premiers mois de 2014, les banques n’ont dégagé que 3,6 milliard d’euros de profits et les assureurs 1 milliard. C’est à peu près le même niveau qu’en 2013 et beaucoup moins qu’avant la crise de 2008. La faute essentiellement à la faible croissance de l’économie, au recentrage obligé sur des métiers moins risqués (et donc moins rémunérateurs) et aux taux d’intérêts extrêmement bas.

Quel problème ?

Certes, pour les banques, 3,6 milliards en trois trimestres, ce n’est quand même pas mal. Cela représente un rendement sur fonds propres de 8,2%, alors qu’il n’était que de 3% voici deux ou trois ans. Nos banques réussissent en effet à se financer meilleur marché (via les opérations très intéressantes de la Banque centrale européenne mais aussi en abaissant la rémunération du livret d’épargne), tout en conservant des marges importantes sur les nouveaux crédits qu’elles octroient. Mais cette situation risque de se détériorer, craint notre gendarme financier. En effet, les banques devront continuer à rémunérer, ne fût-ce qu’un peu, les livrets d’épargne, alors que, de l’autre côté, elles risquent de générer de moins en moins de profits sur les prêts ou les crédits qu’elles accordent : on le voit déjà avec la volonté de très nombreux clients de refinancer leurs anciens crédits hypothécaires.

“La poursuite des taux bas pendant une période prolongée comprimerait graduellement le revenu d’intérêts des banques belges”, souligne donc la BNB. Les bénéfices bancaires pourraient donc être mis sous pression dans les années à venir.

Quelle solution ?

La Banque nationale, qui a en charge la stabilité financière du pays, déteste l’idée que les banques deviennent moins rentables, et donc moins solides. D’où sa recommandation, inscrite aussi noir sur blanc dans son rapport, d’ “adapter les structures de coûts”. En clair, les banques doivent faire davantage d’économies et comprimer encore davantage leurs dépenses opérationnelles. Des frais qui ont continué d’augmenter de 2% pendant les neuf premiers mois de 2014. D’où les “plans cafétéria”, et les offres de départ anticipé qui se sont multipliés ces derniers temps afin d’abaisser la masse salariale. Mais ce n’est pas suffisant. Voici quelques mois le gouverneur de la BNB Luc Coene a donc déclaré qu’il y avait encore dans notre pays une grande banque de trop. Fusionner l’un ou l’autre établissement pourrait en effet créer des économies d’échelles et réduire la pression concurrentielle. L’idée avait toutefois été fraîchement reçue car si l’une des quatre grandes banques devait disparaître, cela devrait être Belfius, la seule banque d’Etat. Le dossier devenait donc politique.

Comme une fusion n’est donc pas pour tout de suite, et comme il devient difficile de faire de nouveaux efforts du côté des dépenses, il faut donc aller regarder du côté des recettes.

C’est ce message que la BNB veut faire passer en affirmant que les banques pourraient doper leur rentabilité de manière durable en rehaussant leurs tarifs.

Quels tarifs ?

Mais quels tarifs mériteraient un “lifting” ? Les frais visés sont essentiellement les coûts de transaction (l’abonnement annuel à un compte à vue, les frais de virement et de retraits, etc…). Notre pays serait un des plus avancés en banque internet tout en étant un des meilleurs marchés.

La BNB plaide donc une adaptation des tarifs vers le haut afin de faire payer à chacun, pour chaque produit, le “juste coût” et d’abandonner toute “financement croisé”, c’est-à-dire toute subsidiation d’un produit par un autre. Par le passé, par exemple, les banques ont fait des conditions exceptionnelles sur les crédits immobiliers (des clients ont parfois pu acheter leur logement en se finançant moins cher que l’Etat !) en tablant sur le fait que ces clients allaient être “captifs” et acheter d’autres produits, sur lesquels la banque allait se “rattraper”.

Sourire chez Febelfin, colère au PS

Cette recommandation de la Banque nationale, on s’en doute, suscite des réactions très diverses. Du côté de l’opposition socialiste, c’est le courroux. “Les députés socialistes déposeront une proposition de résolution afin d’interdire toute augmentation tarifaire pour le consommateur et d’obtenir une analyse de l’observatoire des prix sur l’évolution des tarifs bancaires depuis l’éclatement de la crise financière de 2008,” déclare le PS dans un communiqué.

Du côté bancaire, en revanche, on souscrit : “Nous partageons le message de la Banque nationale, dit Rodolphe de Pierpont, porte-parole de Febelfin, l’association qui regroupe les professionnels de la finance. La faible rentabilité du secteur constitue clairement un défi, dit-il, surtout dans le contexte actuel où les banques sont déjà soumises à quatre prélèvements spécifiques (en plus des impôts et taxes normales) et bientôt un cinquième puisque le gouvernement a planifié dans son budget un nouveau prélèvement de 100 millions d’euros (dont la forme n’est pas encore définie)”.

Pour la seule année 2014, ces taxes bancaires ont représentés 950 millions d’euros, “soit en moyenne 29% du bénéfices des banques, souligne le porte-parole de Febelfin. Nous sommes à la limite du tenable”, ajoute-t-il.

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