Pourquoi BNP Paribas a été épargné par S&P

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Preuve que la dégradation des banques françaises n’est pas automatiquement liée à celle de la France, BNP Paribas a été épargné par S&P. L’agence considère que, malgré sa taille éminemment systémique, la banque peut s’en sortir sans l’aide de l’Etat.

Pourquoi la plupart des grandes banques françaises ont-elles été dégradées ?

Cette série de décisions est la conséquence directe de la dégradation de la note souveraine de la France. Pour noter les entreprises privées, S&P prend en effet en compte son éventuel soutien par l’Etat: en cas de difficultés, l’agence de notation considère que l’Etat se portera au secours de la banque ou de l’entreprise. Dans le cas où la note de l’Etat baisse, l’agence estime que l’entreprise peut moins compter sur son soutien, ce qui vient donc pénaliser sa propre note.

Pour les banques contrôlées par l’Etat telles que la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), le déclassement est automatique. S&P considère en effet qu’il est “pratiquement certain” que les autorités françaises viendraient à la rescousse de la CDC en cas de difficultés, et qu’il est donc logique que les deux notes soient alignées. “Tout changement de la note souveraine de la France ou de sa perspective aurait pour conséquence immédiate un changement similaire pour la CDC”, explique l’agence.

Concernant la Société Générale, Crédit Agricole ou encore BPCE, l’agence estime que ces banques ont des positions “hautement systémiques” et que le gouvernement français viendrait à leur rescousse en cas de problème, ce qui là encore justifie une dégradation.

Pourquoi BNP Paribas a-t-elle été épargnée ?

Contrairement à ce qu’affirme la Société Générale, la dégradation n’est pas automatique puisque BNP a été épargnée par l’agence de notation. En réalité, la banque dirigée par Baudouin Prot se porte beaucoup mieux que les autres, et S&P a donc considéré que malgré sa taille systémique et son exposition aux dettes souveraines, le risque qu’elle soit secourue par l’Etat était moindre. “Aujourd’hui, le business model de la BNP est beaucoup plus à même d’absorber les chocs économiques que les autres banques françaises grâce à la mise en réserve de ses bénéfices”, explique ainsi un analyste. La preuve en quelques chiffres : lorsque la BNP engrangeait 7,8 milliards d’euros de bénéfices en 2010, Société Générale n’en réalisait que 3,9 milliards et Crédit Agricole SA 1,3 milliard.

Par ailleurs, la banque a peut-être aussi profité, plus que les autres, de son statut d’établissement “too big to fail” (trop grosse pour faire faillite) lui garantissant un soutien indéfectible de l’Etat. S&P précise en effet que toutes les notes françaises seraient inférieures si les banques n’étaient pas assurées d’être soutenues par la puissance publique, et ce même si ce soutien apparaît plus fragile après la perte du triple A.

Après avoir “songé” à abaisser la note de la banque, S&P a donc considéré que BNP pouvait rester parmi les établissements les mieux notées d’Europe (double A). Elle reste toutefois prudente en maintenant une perspective “négative”, ce qui implique qu’un abaissement reste possible à moyen terme. Il est même certain, prévient l’agence, en cas de nouvelle dégradation de la note française.

Quelles vont être les conséquences de cette dégradation ?

“Comme souvent avec les agences de notation, la décision de S&P arrive un peu tard”, estime Pierre Flabbée, analyste chez Kepler Capital Market. De fait, le renchérissement du coût du refinancement des banques françaises a eu lieu bien avant la dégradation de la note de la France, et de facto de celle des banques françaises. Pour les analystes, les conséquences de cette décision seront donc très limitées. D’autant plus que depuis quelques temps la BCE a pris le relais des marchés obligataires en fournissant massivement de la liquidité à long terme aux établissements de crédit.

Fin février, une nouvelle opération de la BCE est d’ailleurs attendue sur les marchés, qui sera bien plus décisive que la décision de S&P. “Si les banques françaises continuent de bénéficier de la liquidité procurée par la BCE (elles représentent près de 20% des encours de refinancement à long terme à la mi-janvier), alors on pourra dire que leur souci de refinancement est temporairement écarté”, estime Christophe Nijdam, analyste chez Alpha Value. Dans le pire des cas, le déclassement des banques françaises rendra donc plus longue la réouverture du marché obligataire, aujourd’hui toujours bloqué par des conditions de refinancement inacceptables.

En Bourse toutefois, la réaction des investisseurs ne s’est pas fait attendre. Les banques françaises ont en effet essuyé de lourdes pertes ce mardi (-8,79% en milieu d’après-midi pour Société Générale, -5,49% pour Crédit Agricole, -2,51% pour BNP). Mais pour les analystes, la justification de ces baisses serait à chercher du côté des prises de bénéfices après plusieurs séances de hausse, des incertitudes sur la Grèce, et de la publication prochaine des résultats du secteur accompagnée des prévisions pour 2012…

Julie de la Brosse, L’Expansion.com

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