Les vraies raisons du départ du patron d’Ethias

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Pourquoi Bernard Thiry, le patron d’Ethias, a-t-il été forcé à la démission ? En voici les véritables raisons.

Pourquoi Bernard Thiry, le patron d’Ethias, a-t-il été forcé à la démission ? La véritable raison, dit-on du côté du conseil d’administration du groupe, ce sont les tensions au sein du comité de direction qui commençaient à fragiliser l’entreprise.

L’affaire Pergola

Ce mardi, le conseil d’administration d’Ethias a tenu deux réunions. La première s’est penchée sur le cas de Bernard Thiry afin d’examiner sa position suite à l’affaire “Pergola”. En 2010, un arbre situé sur le terrain de Stéphane Moreau (le patron de Nethys) tombe chez un voisin et cause pour plus de 50.000 euros de dégâts. Mais Stéphane Moreau n’est pas assuré contre ce risque. Il apparaît alors qu’un contrat d’assurance antidaté est signé avec Ethias. Le parquet de Liège est saisi de l’affaire. Stéphane Moreau et huit membres du personnel d’Ethias, dont Bernard Thiry, sont renvoyés en correctionnelle. Mais mardi, les administrateurs d’Ethias ont cependant estimé que l’honorabilité de Bernard Thiry n’était pas entachée, à ce stade, par cette affaire et qu’il restait “fit and proper” pour diriger le groupe.

Tensions au sommet

Mais un second conseil d’administration, s’est tenu dans la foulée, en présence des membres du comité de direction du groupe, à l’exception de Bernard Thiry. Car les tensions au sein de l’exécutif de l’assureur liégeois devenaient intenables. Ce n’est pas tant sur la stratégie d’indépendance d’Ethias défendue par le CEO que portaient les frictions – cette stratégie est partagée par plusieurs autres membres du comité de direction. Mais les autres membres du comité de direction reprochaient à Bernard Thiry un manque répété de communication, sur des sujets opérationnels importants, qui rendaient la direction collégiale de plus en plus difficile. Visiblement, le conseil d’administration s’est rangé du côté de ces directeurs et a demandé à Bernard Thiry de se retirer. Il est remplacé ad interim par Benoit Verwilghen et la vice-présidente d’IBM, Brigitte Buyle, entre au conseil.

Mauvais stress tests

Le conseil a aussi débattu de la situation financière : comme le révélait notre confrère L’Echo, l’assureur n’a pas passé avec succès les stress tests organisés au cours de l’été par le gendarme européen des assureurs, malgré un premier semestre clôturé sur résultat net positif de 282 millions d’euros, et qualifié dernièrement d'”excellent” par Bernard Thiry. Ceci n’a pas empêché le ministre des Finances Johan Van Overtveldt de charger la Banque nationale, gendarme des banques et des compagnies d’assurance, de dresser les divers scénarios possibles (au cas où…), dont celui d’un adossement à Belfius. Mais du côté de l’assureur, on estime que les mesures en préparation devraient permettre à Ethias de poursuivre sa route tout seul. Parmi ces mesures, il y a un accord avec un réassureur qui reprendrait tout le risque encore liée aux anciens comptes First qui garantissent encore un rendement à vie de 3,44 %, alors que les taux sont aujourd’hui proches de zéro. Et il y a aussi des cessions d’actifs non stratégiques, comme sa filiale informatique NRB.

Belfius en embuscade

Un adossement à la banque Belfius fait du reste sens. Entré chez Ethias en 2006, Bernard Thiry a été nommé CEO à la mi-octobre 2008, en pleine crise financière, avant ensuite de remettre la compagnie sur les rails dans des circonstances économiques difficiles. Poids lourds du marché aux côtés de concurrents comme AG Insurance (groupe Ageas) ou Axa, Ethias est aujourd’hui le quatrième assureur en Belgique. Comme expliqué plus haut, Bernard Thiry s’est toujours montré favorable à un avenir d’Ethias en solo, estimant que le groupe était capable de fonctionner en “stand alone”. Un point de vue qu’on ne partage visiblement pas au sein du gouvernement fédéral, toujours actionnaire d’Ethias depuis son sauvetage par les pouvoirs publics à l’automne 2008. Raison pour laquelle la Banque nationale a été chargée d’évaluer tous les scénarios pour assurer le futur d’Ethias, dont un éventuel rapprochement avec Belfius, évoqué ce matin par nos confrères de L’Echo.

Pour Bruno Colmant, directeur de la recherche chez Degroof Petercam, un rachat d’Ethias par Belfius serait en effet cohérent. “Leurs cultures d’entreprises sont comparables. De surcroit, cela permettrait de restructurer toute l’offre d’assurances de Belfius, qui est actuellement fragmentée sous différents noms et différents canaux. Ce serait une gigantesque opportunité pour Belfius car Ethias est remarquablement organisée, avec un système de distribution digital efficace et sans courtiers. Cela permettrait aussi à Ethias d’avoir une offre bancaire qui lui manque actuellement. Ce serait donc un mariage parfait de bancassurance, modèle qui a fait ses preuves et qui est très adapté à un pays comme la Belgique caractérisé par un haut taux d’épargne. Au reste, il y avait déjà eu des tentatives de rapprochements entre le Crédit Communal et la Smap.” L’avenir dira si ce scénario se confirmera ou pas.

Sébastien Buron et Pierre-Henri Thomas

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