Le vin, mieux que le Cac 40

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Après avoir fléchi en 2009, la cote des crus français les plus prestigieux est repartie à la hausse, notamment celle des bordeaux, tirée par la demande croissante des consommateurs chinois.

Quel indice boursier a grimpé de presque 55 % depuis janvier 2007 ? Quelles sont les actions dont la valeur a bondi de 411 et 310 % depuis 2005 ? Inutile de chercher du côté du CAC 40, qui a perdu près de 40 % en cinq ans, ou du Dow Jones, qui a cédé environ 20 %. Ni même vers Shanghai, stable sur la période.

Cet indice en plein boom, c’est le WineDex Bordeaux, calculé par la société française iDealwine à partir de l’évolution des prix de 40 grands crus relevés dans l’Hexagone lors des ventes aux enchères. Pas la peine non plus d’aller fouiller du côté du high-tech ou de l’informatique pour découvrir les valeurs qui ont quadruplé, voire quintuplé depuis cinq ans : les lauréats sont les Carruades de Lafite 2000 et le château-lafite-rothschild 1982, respectivement second vin et premier grand cru de la même propriété de Pauillac. “Il y a bien eu un coup d’arrêt à la hausse des prix en 2009, compte tenu de la gravité de la récession, explique Angélique de Lencquesaing, la présidente d’iDealwine. Mais le marché est reparti de plus belle depuis le début de l’année. Les bordeaux stars comme les petrus, mouton-rothschild ou château-latour ont augmenté de 10 à 20 % depuis janvier. Mais, une fois de plus, c’est lafite-rothschild qui fait la course en tête.”

Pourquoi un tel engouement pour ce château ? “Même des millésimes difficiles à vendre il y a quelques mois encore, tel le 2002, s’arrachent maintenant aux enchères. Tout simplement parce que le château-lafite est le vin que le marché chinois veut aujourd’hui. Probablement à cause de son nom qui sonne bien et d’un marketing efficace”, ajoute la patronne du site de référence de cotation des vins. Les quantités étant forcément limitées sur un marché en plein boom (les Chinois ne consomment qu’un demi-litre de vin par an, contre 54 litres pour les Français), les prix sont sans doute encore loin de leur plafond.

Le prochain chouchou ?

Qui sera le prochain chouchou ? Le mouton-rothschild présente un profil intéressant, à commencer par la proximité de son nom avec celui du lafite-rothschild. Même situation pour le duhart-milon, un autre vin de la galaxie Rothschild, dont l’étiquette ressemble beaucoup à celle de Lafite. Le château-latour enregistre une belle inflation ces derniers mois, qui le place aussi en position de challenger. L’autre vin du domaine, Les Forts de Latour, bénéficie à plein de cet engouement. La demande pour château-beychevelle semble elle aussi dopée par son étiquette, qui représente une voile… ou un sampan, au choix ! Le haut-brion, enfin, connaît un net frémissement. Certaines valeurs sûres font mieux que résister : le légendaire petrus, par exemple, est dans le millésime 2005 le flacon dont le prix a le plus flambé depuis sa sortie en primeur : une bouteille coûte maintenant 2.176 euros, contre 538 à l’époque !

Quelques châteaux, pourtant très actifs en termes de marketing, n’ont pas encore trouvé dans les cours la reconnaissance qu’ils espèrent. Le château-margaux et le château-angélus ont beau avoir été les vedettes de la dernière édition de VinExpo Asia et des ventes aux enchères organisées à cette occasion à Hongkong, ils ne sont pas encore très activement recherchés… D’autres champions, enfin, déçoivent, comme Cheval blanc, Pichon-Longueville ou Ducru-Beaucaillou, dont la cote de 2005 a chuté de presque 20 %.

La rareté d’un cru ne suffit pas à déterminer son prix

Au-delà des grands bordeaux, la pression monte aussi sur les flacons les plus prestigieux de la Bourgogne et de la vallée du Rhône. Le chambertin 1990 d’Armand Rousseau (passé de 290 à 652 euros) a gagné 125 %, les bonnes-mares 1999 de Christophe Roumier (montés de 197 à 415 euros), 111 %. Mais le prix le plus stratosphérique est celui qu’a atteint, plus au sud, le mythique hermitage La Chapelle 1961 de Paul Jaboulet : après une envolée de 89 %, il vaut désormais 5.778 euros la bouteille !

Globalement, la progression des indices WineDex Bourgogne (composé de 40 valeurs) et WineDex Rhône (15 valeurs) reste très inférieure à celle des bordeaux, alors que les quantités mises sur le marché sont bien plus faibles (450 bouteilles environ pour les bonnes-mares de Roumier, presque 500.000 pour le château-lafite-rothschild, second vin inclus). “Il n’y a pas que la rareté qui fait flamber le prix d’un flacon, conclut Angélique de Lencquesaing. Il ne faut pas oublier un facteur déterminant : les notes attribuées par les critiques.” A ce petit jeu, c’est toujours Robert Parker qui continue de faire et de défaire les réputations. Et ce n’est pas le millésime 2009 qui fera retomber la fièvre : jamais le gourou américain n’a distribué autant de bons points !

Emmanuel Lechypre

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