Le pétrole plonge après l’échec des producteurs d’or noir à Doha

Image d'illustration. © Reuters

Les cours du pétrole ont dévissé lundi, au lendemain de l’échec des grands producteurs d’or noir réunis à Doha à se mettre d’accord sur un gel de la production pour soutenir les prix, sur fond de tensions entre Ryad et Téhéran.

“Les prix du pétrole ont débuté la nouvelle semaine d’échanges avec de lourdes pertes à la suite de la réunion des producteurs de pétrole la veille à Doha qui s’est terminée sans qu’un accord soit atteint”, ont commenté les analystes de Commerzbank.

A l’ouverture des échanges asiatiques, les cours du brut sont tombés à 40,10 dollar pour le Brent et 37,61 dollar pour le WTI, au plus bas en 10 jours et marquant une dépréciation de respectivement 6,7% et 6,8% par rapport à la clôture de vendredi, avant de réduire leurs pertes lors des échanges européens.

Les investisseurs avaient espéré voir la réunion de Doha rassemblant 18 pays producteurs de pétrole membres et non membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) aboutir à une décision sur un gel d’une production surabondante qui pèse sur les prix depuis près de deux ans.

Mais après six heures de tractations, le ministre qatari de l’Énergie Mohammed ben Saleh al-Sada a annoncé que les pays concernés avaient besoin de “plus de temps”, douchant l’optimisme des acteurs du secteur. D’autant qu’aucune date n’a été fixée pour une nouvelle réunion, selon le ministre.

Les divergences entre l’Iran, qui a annoncé au dernier moment son absence à la réunion, et l’Arabie saoudite ont empêché les tractations d’aboutir.

“Un sentiment de déception indéniable a submergé les marchés mondiaux lundi à la suite de l’échec de la réunion de dimanche à Doha qui a anéanti le peu de crédibilité qui restait à l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole)”, a commenté Lukman Otunuga, analyste chez FXTM.

“Malgré l’absence de l’Iran, les attentes d’un accord sur le gel de la production étaient élevées, mais le conflit manifeste entre l’Arabie saoudite et l’Iran a saboté tous les efforts, ce qui a entraîné une dégringolade” des cours du pétrole, a observé M. Otunuga.

L’Arabie saoudite a “torpillé l’accord”

Pour les experts de Commerzbank, en exigeant la participation de l’Iran à un accord malgré le refus préalable de Téhéran, “l’Arabie saoudite a volontairement torpillé l’accord”, ce qui “a considérablement esquinté la crédibilité des producteurs de pétrole en général et de l’Opep en particulier”.

Depuis juin 2014, quand le baril se négociait à 100 dollars, les cours ont dégringolé en raison d’une offre excédentaire que ne parviennent plus à absorber des économies en plein ralentissement, à l’instar de la Chine.

Après avoir touché leurs plus bas niveaux en 13 ans en février, les cours s’étaient repris, atteignant même en milieu de semaine dernière des plus hauts depuis fin novembre à New York et début décembre à Londres dans l’espoir de voir les cours encore monter suite à un accord éventuel.

“Les discussions du week-end prouvent que le gouvernement saoudien, comme le vice-prince héritier d’Arabie saoudite l’a clairement dit, ne veulent pas perdre de parts de marché” qui sont très difficiles à récupérer dans un contexte morose, a déclaré à l’agence Bloomberg News l’analyste de Citigroup Ed Morse.

Or Téhéran entend de son côté profiter de la levée partielle des sanctions internationales après l’entrée en vigueur de l’accord nucléaire à la mi-janvier pour augmenter sa production et ses exportations et reprendre ses parts du marché perdues ces dernières années.

Un accord, négocié en février par l’Arabie, la Russie, le Qatar et le Venezuela, visait à geler la production de brut aux niveaux de janvier afin d’enrayer la surabondance de l’offre, jusqu’à ce que la demande reprenne au troisième trimestre de 2016.

Ensemble, les membres de l’Opep ont pompé 32,25 millions de barils par jour (mbj) en mars, dont près d’un tiers par l’Arabie saoudite, contre une moyenne de 31,85 mbj en 2015.

La Bourse de Moscou et le rouble chutent

Les marchés financiers en Russie, dont l’économie est très dépendante du pétrole, accusaient le coup après l’échec des pourparlers des pays producteurs d’or noir, le principal indice boursier moscovite perdant près de 4% en matinée.

Vers 07H15 GMT, l’indice RTS (libellé en dollars) de la Bourse de Moscou cédait 3,74% après un plongeon de plus de 4% à l’ouverture. Le Micex (libellé en roubles) perdait 0,76%.

Le rouble perdait près de 3% de sa valeur, le dollar remontant à 68,31 roubles et l’euro à 77,14 roubles.

Les hydrocarbures représentent une part importante de l’activité économique russe et habituellement environ la moitié des rentrées du budget fédéral, même si cette part a eu tendance à mécaniquement diminuer ces derniers mois avec la baisse des prix.

L’effondrement des cours du pétrole, ajouté aux sanctions des Occidentaux liées à la crise ukrainienne, ont plongé la Russie dans la plus longue récession depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine il y a 16 ans.

Les marchés russes suivent donc de très près le marché pétrolier. La remontée des prix du baril en prévision d’un accord à Doha contribuant à mettre fin à la surabondance de l’offre avait permis au rouble de reprendre des couleurs ces dernières semaines après être tombé en janvier au plus bas niveau de son histoire face au dollar.

Mais après l’échec des négociations dimanche, “la déception pourrait prévaloir à court terme sur le marché”, ont constaté les analystes de la banque VTB Capital. “Nous pensons que le rouble pourrait subir des prises de bénéfices même si l’offre liée aux exportations pourrait contenir la volatilité”, ont-il ajouté, en référence aux ventes et achats de devises des groupes exportateurs.

A l’issue des négociations de Doha, le ministre russe de l’Energie Alexandre Novak, cité par l’agence Interfax, a assuré que leur échec n’aurait “aucune conséquence pour la Russie”: “Nos entreprises continuent de travailler de manière très compétitive sur le marché”.

Il a reconnu qu’il s’attendait aller à Doha conclure un accord et “non discuter de la nécessité de la participation dans ce processus d’autres pays”. “La cause de l’échec à atteindre un accord n’est pas l’Iran (qui a refusé de participer, ndlr), c’est la position de l’Arabie saoudite qui estime que tous les pays producteurs doivent participer à cet accord”, a jugé le ministre, estimant que la “balle est dans le camp de l’Opep”, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole dont la Russie ne fait pas partie.

Le Nikkei chute de 3,40 % en clôture, plombé par le yen, le pétrole et les séismes

Au japon, l’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a chuté de 3,40% lundi à la clôture, malmené par une remontée du yen, l’échec de discussions sur le pétrole et la série de séismes au Japon qui rejaillit sur l’industrie.

Le Nikkei des 225 valeurs vedettes a abandonné 572,08 points à 16.275,95 points.

L’indice élargi Topix a lâché 3,03% (-41,25 points) à 1.320,15 points.

La séance a été moyennement active, avec un peu moins de 2,2 milliards de titres échangés sur le premier marché.

Sur le volet des changes, le dollar est tombé à 107,95 yens à la clôture, contre 109,58 yens vendredi à la même heure (06H00 GMT), et l’euro est descendu à 121,84 yens contre 123,38 yens.

Toyota, Honda, Sony, Renesas Electronics et d’autres ont été contraints de stopper des lignes de production du fait des dégâts causés par les séismes dans des usines du sud-ouest ou parce que leurs fournisseurs ont été affectés.

Enfin, la Bourse de Hong Kong a également ouvert dans le rouge (-1,21%) ce matin.

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