Le chef de la Fed peut faire trembler l’économie mondiale

Jerome Powell © Reuters

Le chef de la Banque centrale américaine (Fed), que Donald Trump va désigner jeudi, est considéré comme le personnage le plus puissant de l’économie mondiale, capable de faire trembler les marchés juste avec ses petites phrases. Portrait du plus que probable nouveau président de la FED.

Le président américain Donald Trump va mettre fin jeudi à un suspense qui tient les marchés financiers en haleine depuis plusieurs semaines en annonçant son choix pour diriger la banque centrale américaine (Fed).

Janet Yellen, nommée par Barack Obama en 2014 et première femme à diriger la Fed, s’est montrée plutôt discrète, même si son bilan reste flatteur avec une économie américaine proche du plein emploi et un taux de croissance de 3%. Son mandat arrive à échéance début février. Donald Trump pouvait choisir de la renommer pour un nouveau mandat de quatre ans mais il semble s’être décidé pour quelqu’un d’autre.

Selon le Wall Street Journal, Jerome Powell, un républicain modéré de 64 ans, déjà gouverneur de la Fed depuis 5 ans, dont le nom circule depuis des semaines, devrait l’emporter. La Maison Blanche l’aurait informé dès mercredi soir de sa nomination, a indiqué le journal. Il fait déjà partie du Conseil des gouverneurs de la Fed et qui a l’avantage sur Janet Yellen d’être un républicain, comme lui.

Ce choix est une des décisions économiques les plus importantes du mandat de Donald Trump, la Fed étant la banque centrale la plus puissante du monde.

Dans une démarche inhabituelle, l’hôte de la Maison Blanche a théâtralisé sa sélection au cours des dernières semaines, confirmant aux journalistes les cinq noms –parmi lesquels Janet Yellen– qu’il examinait pour le poste et laissant échapper régulièrement des commentaires sur les qualités respectives des concurrents.

Alors que pendant la campagne électorale il avait accusé “cette” Janet Yellen de jouer le jeu des démocrates en gardant des taux bas, Donald Trump n’a ensuite plus tari d’éloges vis-à-vis de cette femme “excellente” et “impressionnante”, reconnaissant que lui aussi aimait les taux d’intérêt quand ils sont bas.

“J’ai quelqu’un de très précis en tête et je pense que tout le monde sera très impressionné”, avait-il lancé récemment.

Il s’agirait donc de Jerome Powell, un républicain centriste de 64 ans, déjà gouverneur à la Feddepuis cinq ans.

Cet avocat et ancien banquier d’affaires multi-millionnaire a toujours suivi Janet Yellen dans ses décisions monétaires et représenterait donc une certaine continuité, tout en permettant à Donald Trump, en choisissant un républicain, de marquer de son sceau la direction de la banque centrale.

Facteur favorable pour l’administration qui a fait de la déréglementation un de ses chevaux de bataille pour débrider la croissance, M. Powell s’est récemment montré plus flexible que Janet Yellen sur l’évolution de la régulation financière.

– Contre la tradition –

Le fait de ne pas reconduire la dirigeante en place va constituer une nouvelle particularité de la présidence de Trump puisque, depuis 40 ans, tous les présidents ont reconduit le maître des lieux, même quand il était du parti opposé.

Ce fut le cas du président républicain Ronald Reagan dans les années 1980 qui avait confirmé Paul Volcker, pourtant choisi pour diriger la Fed par son prédécesseur démocrate Jimmy Carter, ou du démocrate Barack Obama qui avait reconduit Ben Bernanke, pourtant nommé par le républicain George W. Bush.

Ce manquement à la tradition pourrait toutefois ne pas avoir vraiment d’incidence alors que l’économie américaine se porte bien.

Quand Ronald Reagan avait prolongé Paul Volcker, les Etats-Unis sortaient juste d’une inflation dramatique, jugulée grâce à une série de hausses des taux de la Fed. Et quand Barack Obama avait choisi de reconduire Ben Bernanke en 2009, la crise financière provoquée par les “prêts à risque” (subprime) avait mis le monde financier à genoux.

Aujourd’hui, l’horizon semble plus rose avec une économie dans sa huitième année de reprise, un marché du travail proche du plein emploi et des taux d’intérêt américains très bas, que Janet Yellen a commencé à remonter pour prévenir une éventuelle surchauffe.

Les trois autres candidats que Donald Trump avait retenus restent éventuellement en lice pour les postes vacants de gouverneur, dont celui du vice-président. Il s’agit de John Taylor, un professeur d’économie réputé, Kevin Warsh, un ancien gouverneur de la Fed proche du cercle de M. Trump, et Gary Cohn, l’économiste en chef à la Maison Blanche.

Des phrases qui font mouche

Certains des présidents de la FED se sont illustrés par des petites phrases qui ont fait trembler l’économie mondiale.

Le plus célèbre exemple reste celui de “l’exubérance irrationnelle” des marchés, une phrase prononcée par Alan Greenspan en décembre 1996. Elle avait immédiatement provoqué une forte baisse des marchés mondiaux et reste perçue aujourd’hui comme annonçant l’explosion de la bulle des valeurs de l’internet en 2000. Alan Greenspan, qui a dirigé la Fed pendant près de 20 ans, a confié plus tard que l’idée lui en était venue en écrivant son discours… dans son bain.

Ben Bernanke, qui lui a succédé en 2006, est passé à la postérité non seulement pour avoir géré les conséquences de la crise financière de 2008/2009 mais aussi pour avoir prévenu, peut-être un peu cavalièrement, de la fin de la politique de soutien de la Fed à l’économie américaine quelques années plus tard.

Appelée en anglais “taper tantrum” en raison des vagues de choc provoquées sur les marchés émergents, sa phrase apparemment innocente annonçant en mai 2013 que la Fed allait réduire (“taper”) ses achats d’obligations pour soutenir l’économie américaine avait provoqué une panique (“tantrum”) sur les marchés mondiaux.

Les décisions de politique monétaire de la Fed, qui se répercutent directement sur le dollar, première monnaie de réserve mondiale, peuvent aussi aller à l’encontre de la politique économique souhaitée par le président américain, quand bien même ce dernier nomme celui ou celle qui la dirige.

L’un des exemples les plus fameux reste celui de Paul Volcker qui, après avoir pris la tête de le banque centrale en 1979, avait immédiatement entamé un mouvement de hausse des taux pour juguler l’inflation. Il s’en était suivi une récession aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Mais le président républicain de l’époque, Ronald Reagan, avait néanmoins décidé de renommer ce démocrate à son poste en 1983, car M. Volcker jouissait du soutien des marchés financiers.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content