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‘Le bitcoin flambe, mais que font les banques centrales ?’

On n’arrête pas le progrès. La crise de 2007 avait été déclenchée par l’explosion de produits financiers liés à des crédits immobiliers pourris. La prochaine pourrait être générée par des produits ne reposant plus que sur du vent…

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Le 18 décembre, le Chicago Mercantile Exchange, la Bourse américaine des matières premières, lancera en effet un produit dérivé lié à la valeur du bitcoin, cette monnaie virtuelle qui s’échangeait contre 0,001 dollar en novembre 2009 et qui, huit ans plus tard, se traite à plus de 15.000 dollars. On pourra donc spéculer, avec un effet de levier, sur cette pseudo-monnaie, ce qui alimentera encore un peu plus la bulle qui va un jour ou l’autre nous éclater au visage.

En soi, pourtant, un bitcoin ne vaut rien. Pas plus, en tout cas, qu’un billet de Monopoly dématérialisé. Ce n’est en effet qu’une unité de compte qui “rémunère” les experts informatiques qui assurent le bon fonctionnement d’un réseau privé basé sur la technologie du blockchain. Une technologie qui permet de créer des bases de données de transactions impossibles à falsifier. Le réseau grandit, c’est vrai. Le bitcoin est accepté ici ou là comme moyen de paiement par des commerces et quelques grandes sociétés telles qu’Expedia ou Microsoft, voire des institutions comme l’université de Nicosie. Et il existe des plateformes plus ou moins sécurisées où l’on peut échanger le bitcoin contre des monnaies véritables (euro, dollar).

Car le bitcoin n’est pas une monnaie ! Essayez donc de payer en bitcoins vos courses du samedi ou vos impôts. Essayez de contracter un emprunt (et si cela était possible, nous ne le conseillerions pas). Le bitcoin est sans lien avec l’économie réelle: il n’est émis ni par le système bancaire, ni par une banque centrale et sa valeur ne repose, au contraire des véritables monnaies, ni sur un stock d’or ou de devises, ni sur la création de richesses d’une économie, ni sur la confiance en la capacité financière d’un Etat.

En soi, un bitcoin ne vaut rien. Pas plus, en tout cas, qu’un billet de Monopoly dématérialisé.

A la base de la “bitcoinmania”, une énorme erreur. En 2013, le patron de la Fed américaine, Ben Bernanke, qualifie le bitcoin de “monnaie virtuelle” et admet qu’elle repose sur une technique prometteuse, rapide et efficace. C’est vu alors comme un blanc-seing apposé par une banque centrale. En trois ans, les crypto- monnaies vont atteindre la stratosphère… Certes, Ben Bernanke n’avait pas tort sur le fond. En imaginant une crypto-monnaie universelle, tout banquier central atteint le nirvana: une monnaie dématérialisée que l’on puisse suivre à la trace et qui soit impossible à contrefaire. Plus de fraudes, plus de faux monnayeurs, plus de problèmes liés à la manipulation physique…

Cependant, la véritable valeur des crypto-devises, aujourd’hui, réside au contraire dans le fait qu’il s’agit de moyens de troc qui échappent au système financier légal. Quand il qualifie le bitcoin de “gigantesque escroquerie”, Jamie Dimon, le patron de JPMorgan Chase a également raison. Parce qu’ils se traitent dans des réseaux privés, le bitcoin et ses cousins permettent en effet de réaliser des transactions secrètes, de vendre de la drogue, voire pire, sur le dark web, d’échapper au contrôle des changes de son pays, de blanchir des capitaux. Le crime organisé a tout intérêt à enfiévrer le bitcoin.

Aujourd’hui, la machine à bulle est donc en marche. Poussés par une fièvre irrationnelle, des centaines de milliers de particuliers se mettent à acheter ces crypto-devises tout simplement “parce qu’elles montent”. Tout comme la bourgeoisie anglaise de 1720 achetaient des actions de la Compagnie des Mers du Sud. On sait tous comment ces histoires se terminent.

Plutôt que de permettre de voir surgir des produits dérivés sur ces instruments déjà dangereux par eux-mêmes, les autorités monétaires, banques centrales en tête, seraient donc bien avisées d’agir maintenant. La bulle des cryptos dépasse déjà 300 milliards de dollars et continue de gonfler. Elle n’a pas encore atteint la taille de celle des subprimes, qui avait causé voici 10 ans une crise dont on a encore du mal à se remettre et qui pesait 1.200 milliards. Mais elle s’en approche. Et les subprimes ne reposaient pas uniquement sur du vent…

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