La BCE prête à étendre son action jeudi pour relancer l’inflation

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La Banque centrale européenne (BCE), qui soutient déjà l’économie du continent à coups de milliards d’euros, s’apprête à passer jeudi à la vitesse supérieure, passant outre les réserves de certains gouverneurs et d’une partie des observateurs.

“Si nous décidons que la trajectoire actuelle de notre politique n’est pas suffisante pour atteindre notre objectif, nous ferons ce que nous devons faire pour relancer l’inflation aussi vite que possible”, a promis la semaine dernière le président de la BCE Mario Draghi.

Ces propos ont mis en ébullition les marchés, les aidant à faire fi d’un climat de forte incertitude géopolitique après les attentats de Paris, et font dire à Johannes Gareis, économiste de Natixis, qu'”une nouvelle intervention de la BCE semble une affaire déjà largement entendue”.

Pour la plupart des observateurs, la BCE devrait au moins gonfler le volume et/ou étendre la durée du “QE”, son programme de rachats de dette lancé en mars dernier, qui prévoyait juqu’à présent 60 milliards d’euros d’achats par mois jusqu’en septembre 2016.

Alertée par la reprise poussive et une inflation toujours au point mort en zone euro, l’institution monétaire a promis fin octobre de “réévaluer l’efficacité de sa politique monétaire” à l’occasion de la prochaine réunion de son conseil des gouverneurs, les 2 et 3 décembre.

“Une nouvelle intervention est pleinement justifiée par les perspectives d’inflation”, juge Marco Annunziata, économiste en chef de General Electric.

Attentes fortes

“La question n’est pas de savoir si le conseil des gouverneurs va assouplir sa politique monétaire lors de sa réunion, mais plutôt s’il va le faire de manière suffisamment décisive pour satisfaire les attentes très fortes nées des messages conciliants qu’il a lui-même envoyés”, prévient Jonathan Loynes, économiste chez Capital Economics.

Outre doper le “QE”, l’institution pourrait également abaisser le taux de dépôt, qui s’applique aux banques stockant des liquidités à court terme dans ses caisses. Porté en territoire négatif en juin 2014, ce taux pointe désormais à -0,2%, ce qui signifie que parquer de l’argent à la BCE coûte de l’argent au lieu d’en rapporter. Augmenter cette pénalité pourrait inciter les banques à prêter davantage aux ménages et aux particuliers.

En dépit des nombreuses mesures déjà déployées (taux au plus bas, prêts géants très bon marché pour les banques, rachats massifs de dettes), l’institution monétaire européenne n’est pas parvenue jusqu’à présent à relancer les prix au sein du bloc monétaire.

Lestée par la faiblesse des prix du pétrole, l’inflation a quasiment fait du surplace en octobre, avec une progression de 0,1%, très loin de l’objectif d’un peu moins de 2% que s’est fixé la BCE. Les gardiens de l’euro s’inquiètent par ailleurs des conséquences du ralentissement des grandes économies émergentes.

Dissenssions

Le bien-fondé d’une nouvelle intervention est toutefois loin de faire l’unanimité parmi les analystes, tout comme au sein du conseil des gouverneurs, surtout côté allemand.

“Plus la politique monétaire ultra-expansive dure dans le temps, moins celle-ci est efficace et plus des risques (…) vont entrer en jeu”, a notamment fait valoir la semaine passée le président de la Banque centrale allemande Jens Weidmann, membre de ce conseil.

Il appelle également à “ne pas dessiner un tableau trop noir” de la situation économique, jugeant que la chute des prix du pétrole est au contraire synonyme de coup de pouce à l’économie.

Pas sûr que de nouvelles mesures soient nécessaires, juge également Holger Schmieding, chef économiste chez Berenberg, selon qui “le stimulus monétaire que la BCE a déjà fourni est en train de fonctionner”.

Entre autres, l’économie de la zone euro a continué à croître au troisième trimestre, bien qu’à un rythme ralenti, et le crédit bancaire au secteur privé, dont la faiblesse a longtemps été considérée comme un frein à la reprise, a poursuivi son redressement en octobre.

De surcroît, “plus de stimulus pose un risque d’instabilité financière”, met en garde Andrew Bosomworth, du fonds américain Pimco. D’ores et déjà, les taux bas donnent du fil à retordre aux banques et aux assureurs, et la recherche de rendements peut conduire les investisseurs à prendre des risques inconsidérés dans leurs placements.

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