La banque coopérative Crelan se tourne vers les PME

PHILIPPE VOISIN " Nous continuons à chercher à faire des économies à tous les niveaux. " © H. KAGHAT

Crelan va transformer 200 de ses 620 agences en “business centers” axés sur les PME, les indépendants et les entrepreneurs. Parallèlement, elle cherche à créer davantage de synergies avec sa filiale Europabank. Philippe Voisin, son CEO, se fixe 8 % de part de marché comme objectif.

Cela fait neuf mois que le Français Philippe Voisin est aux commandes de la banque coopérative belge Crelan. Après avoir refaçonné le comité de direction et l’organisation, il vient de finaliser le plan stratégique qui se résume assez simplement : Crelan mise sur une croissance durable et une amélioration de sa rentabilité. Le rapport coûts/recettes est de 76,7 %. Il doit être ramené à 65 %.

L’an dernier, l’accent était davantage mis sur les coûts. En 2016, Crelan a annoncé une restructuration, entraînant la disparition de 160 des 810 emplois d’ici 2020. Philippe Voisin estime être en avance sur le calendrier. La banque compte encore à ce jour 690 collaborateurs et il est probable qu’elle atteindra plus rapidement que prévu l’objectif des 650 équivalents temps plein. ” Cela nous laisse de la marge pour engager de nouvelles personnes, note le CEO. Nous cherchons une cinquantaine de collaborateurs supplémentaires qui maîtrisent les nouvelles technologies, le marketing, la gestion des risques et la compliance. ”

La gestion des coûts reste une donnée constante, souligne Philippe Voisin. La banque externalise certaines tâches, ce qui fait que les coûts fixes deviennent variables. ” Pour l’informatique, nous avons un accord avec Cegeka. Nous continuons à chercher à faire des économies à tous les niveaux. Ainsi, nous avons resserré notre politique en matière de voitures de société. ”

Viser les indépendants

Mais si le bénéfice doit augmenter, c’est du côté des revenus que les efforts à fournir sont les plus importants. ” Nous devons augmenter notre chiffre d’affaires, concède Philippe Voisin. Avec 620 agences, nous représentons 8 % du marché. Or, notre part de marché commerciale globale ne dépasse pas 3 %. Il n’y a que pour les crédits logement et les comptes à vue que nous atteignons entre 4 et 5 %. ”

L’ambition de Philippe Voisin est d’atteindre 8 % de part de marché. Il a élaboré à cet effet un plan de croissance ambitieux. Ainsi, Crelan entend se développer sur le marché des PME. Sur les 620 agences que compte la banque, 200 seront transformées en business centers axés sur l’offre de services aux PME, entrepreneurs et indépendants. ” Nous avons une clientèle historique d’agriculteurs (Crelan est le successeur du Crédit Agricole, Ndlr). Nous voulons conserver ce lien particulier avec le monde agricole et horticole dans certaines de nos agences et l’élargir à d’autres catégories de clients professionnels. ”

Le reste du réseau continuera de servir les clients particuliers, avec une nouvelle dynamique commerciale. ” Nous allons investir massivement dans la formation pour professionnaliser notre réseau commercial. Les agents jouiront d’une plus grande autonomie, ce qui nous permettra de réagir plus rapidement. Leur rôle est d’être aux côtés du client aux moments clés de sa vie. ”

De nouveaux revenus commerciaux devraient venir de la vente d’assurances et de produits d’investissement. A cet effet, Crelan collabore avec Fidea (assurances), Amundi et Econopolis (gestion de patrimoine). La banque entend aussi vendre davantage de crédits. Pour Philippe Voisin, cela passe par la stimulation de synergies avec sa filiale Europabank et par l’offre de crédits à la consommation en ligne.

En Belgique, Europabank est l’un des principaux acteurs du crédit à la consommation. Contrairement à Crelan, qui travaille avec des agents indépendants, Europabank dispose d’un réseau de 46 agences. ” Le but est que nous utilisions le savoir-faire d’Europabank pour lancer une offre complémentaire chez Crelan. Nous transposerons aussi les produits de leasing d’Europabank à l’attention des indépendants, des professions libérales et des sociétés dans le réseau Crelan. Avant l’été, nous proposerons en ligne des prêts à tempérament et des prêts personnels via le nouveau site web et via les agences “, explique Philippe Voisin.

Ethique et engagement social

D’une manière générale, Philippe Voisin considère que le cross selling recèle un potentiel important. ” Il appartient à nos agents d’approcher les clients au bon moment. Le but est d’augmenter le nombre de produits par client. ” Mais il faut aussi pouvoir attirer de nouveaux clients, estime-t-il. A cet effet, il souhaite communiquer plus clairement sur l’identité coopérative de la banque et la renforcer.

” Crelan est une banque coopérative à 100 %. 280.000 coopérants en sont copropriétaires, explique-t-il. Pour nous, les notions de respect, de solidarité et d’éthique ne sont pas des mots en l’air. De plus en plus de personnes accordent une importance à l’éthique et à l’engagement social des entreprises. Cela influence leur choix pour telle banque ou telle autre. Nous pouvons tirer parti de cela. ” La création de la Crelan Foundation, qui a pour mission de soutenir financièrement des projets sociaux, s’inscrit dans cette philosophie. Les coopérateurs de Crelan peuvent introduire des dossiers et des demandes d’aide auprès de la fondation.

Enfin, Philippe Voisin entend redynamiser la communauté coopérative de Crelan. Les coopérateurs bénéficient d’avantages financiers, comme des conditions plus intéressantes dans les dossiers de crédit et un dividende attrayant. Les avantages non financiers sont également élargis. ” Nous sommes en pourparlers avec un fournisseur de carburant et un fournisseur d’électricité qui sont prêts à offrir des tarifs préférentiels aux coopérateurs. Mais nous pouvons aussi fonctionner comme plate-forme pour des achats collectifs ou pour le test de produits. Les possibilités sont légion. “

“En cas de crise, tout le blabla sur la numérisation paraît bien futile.”

L’arrivée massive de nouvelles directives et règlements (PSD2, GDPR, MiFID2, etc.), et la numérisation aidant, les institutions financières sont confrontées à des coûts de plus en plus importants. À l’heure où les revenus d’intérêts baissent, ce phénomène risque de coûter particulièrement cher aux établissements bancaires de petite et moyenne importance. Pas mal d’analystes s’attendent à une consolidation dans le secteur bancaire. ” Ce n’est pas à exclure, reconnaît Philippe Voisin. En tout cas, Crelan a les moyens de répondre aux évolutions technologiques et régulatoires. Et puis, l’actif le plus important d’une banque reste encore et toujours la confiance du client. On aura encore l’occasion de le constater lors de la crise financière qui ne manquera pas d’arriver. Si un client se tracasse pour son argent, il n’a qu’une question essentielle à se poser : ma banque est-elle prudente ? Ne prend-elle pas trop de risques ? Quelle est la valeur de ses actifs ? Dans de tels moments, tout le blabla sur la numérisation paraît bien futile. “

En chiffres

800.000 clients,

dont 280.000 coopérateurs ou copropriétaires.

55 millions d’euros

Fin 2016, son bénéfice net s’élevait à 55 millions d’euros, soit une rentabilité sur fonds propres de 6,2 %.

620 agences

font partie du réseau Crelan, qui emploie 3.000 collaborateurs. Les services centraux emploient 690 personnes.

1,2 milliard d’euros

Fin 2016, la banque disposait de 1,2 milliard d’euros de fonds propres, pour un bilan total de 20 milliards d’euros.

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