L’obsession des marchés financiers pour 2016

Trader de Wall Street, le 1er septembre 2015 © Reuters

Les banques centrales et leurs divergences, Fed et BCE en tête, resteront en 2016 l’obsession de marchés financiers toujours volatils, accrocs à l’argent pas cher, et encore circonspects face à la reprise économique mondiale.

La Banque centrale européenne avait inauguré 2015 en ouvrant grand les vannes monétaires, la Réserve fédérale américaine clôt l’année en donnant son premier tour de vis en presqu’une décennie. Entre ces deux bornes, les places financières ont connu pratiquement un an de montagnes russes.

La divergence monétaire entre les deux puissances économiques est donc désormais consommée, même si de fait la remontée des taux directeurs américains reste à ce stade symbolique.

Concrètement, cette décision change-t-elle la donne ?

“Non”, répond sans hésiter, Patrick Jacq, un spécialiste du marché obligataire de BNP Paribas, “parce que la Fed fait exactement ce que les marchés attendaient, qu’ils l’ont déjà intégré et que l’ajustement va se faire de manière très progressive”.

“Cette désynchronisation est liée à celle des cycles économiques. Celui de l’Europe a quatre ans de décalage par rapport aux États-Unis”, explique Christophe Donay, responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche économique chez Pictet Wealth Management qui prévoit une année 2016 de croissance au niveau mondial “mais sans éclat”.

Les émergents

Les principaux facteurs de déstabilisation sont à chercher du côté des pays émergents, avec “une crise financière dans certains pays comme le Brésil notamment et dans un degré moindre en Russie”, explique M. Donay.

La Chine, qui a fait trembler les places financières au mois d’août avec son krach boursier, reste surveillée comme le lait sur le feu.

Mais “c’est plutôt une source d’incertitude que de risque”, note Alain Bokobza, responsable de l’allocation d’actifs chez Société Générale-CIB.

D’autant que la transition de la Chine aujourd’hui “usine du monde”, dont la croissance est tirée par l’industrie, vers une économie plus mature reposant sur sa consommation intérieure est, de l’avis général, une évolution nécessaire.

L’érosion continue des prix du pétrole constitue aussi une arme à double tranchant. Jusqu’ici leur baisse offre une aubaine de croissance pour nombre de pays. “Mais si elle se poursuit, elle fera peser une pression supplémentaire sur les entreprises du secteur et augmentera la vulnérabilité des économies émergentes”, argumente M. Donay.

A l’ombre des banques centrales se joue aussi une bataille pour une monnaie pas trop forte, à même de dynamiser les exportations. A ce jeu, pour le moment, c’est l’euro qui gagne avec une dépréciation de plus de 10% depuis le début de l’année.

Le potentiel de progression de croissance avantage aussi l’Europe, qui “devrait rester, sur de nombreux points, extrêmement attractive en 2016”, juge Tim Stevenson, directeur Gestion Actions Europe de Henderson Global Investors.

Election américaine en vue

L’année s’annonce en outre calme sur le plan politique en l’absence d’élections majeures en Europe, à l’inverse des États-Unis.

“C’est aux États-Unis qu’a lieu la grande élection qui peut influer sur les marchés l’an prochain. Si la candidate démocrate, Hillary Clinton, devait arriver au pouvoir, comme le prédisent les sondages, elle aurait contre elle le Parlement, ce qui est compliqué à gérer”, souligne M. Bokobza.

Tous ces éléments, politiques monétaires en tête, sont déjà ceux qui ont fait vibrer les marchés en 2015 mais tout le monde espère que 2016 sera moins riche en sensations fortes.

Car ce qui a surtout marqué les esprits pour l’année écoulée c’est “une intense volatilité et des investisseurs qui se demandaient parfois quoi faire”, résume Zeina Bignier, responsable adjointe marchés de capitaux de dette de Société Générale CIB

Après un premier trimestre quasi euphorique, grâce aux largesses de la Banque centrale européenne, les marchés ont été rattrapés par le dossier grec.

Un accord de refinancement plus tard, les marchés sont repartis du bon pied… pour décrocher encore plus profondément à cause de la Chine et d’un premier rendez-vous manqué avec la Fed sur ses taux.

La dernière douche froide est venue de la BCE, qui a allongé son programme de soutien monétaire mais sans l’augmenter, ce qui a grandement déçu les marchés.

Mais la Fed a, semble-t-il, sauvé l’année, en se décidant enfin à remonter ses taux.

“Le principal enseignement que l’on peut tirer de l’année 2015, estime Nick Sheridan, gérant de Henderson, est l’importance de ne pas se laisser submerger par l’impact émotionnel des nouvelles à court terme”.

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