ICBC à Bruxelles : la première banque du monde se dévoile

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Logée dans un magnifique hôtel de maître, la puissante banque chinoise ICBC accompagne, en plein coeur de Bruxelles, les entreprises de l’empire du Milieu parties à la conquête du Vieux Continent. Petit tour du propriétaire.

Avenue Louise, à Bruxelles. C’est là, au rez-de-chaussée et au premier étage du numéro 81, un immeuble cossu situé à deux pas du prestigieux hôtel Conrad, que l’Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) a élu domicile voici quelques semaines.

Le décor et l’ambiance ne sont pas traités à la légère : hauts plafonds et murs couleur crème (fraîchement repeints) se mêlent aux parquets grinçants et aux écrans plats. L’ensemble se veut aussi confortable que fonctionnel. Tout en jouant sur la belgian touch, comme tient à le souligner l’hôte des lieux. “Notre arrivée dans un bâtiment au style typiquement belge et sur l’une des plus prestigieuses avenues de Bruxelles témoigne de la volonté du groupe de s’intégrer dans le monde des affaires du pays”, avance fièrement Fei Chen, directeur de l’agence de Bruxelles, dont les portes se sont très officiellement ouvertes le 19 janvier dernier. Et le banquier d’ajouter : “Nous ne voulions pas d’un immeuble moderne, fût-il situé sur la rue Royale.”

Deux ans de préparation

Il faut dire aussi que, hormis cette atmosphère de prestige belgo-belge, il se dégage de l’endroit un sentiment de puissance. Un sentiment qui colle bien à l’image de la banque. Première du monde par ses bénéfices et sa capitalisation boursière, ICBC dispose en effet d’une force de frappe considérable. Sur les neuf premiers mois de l’année, le groupe a dégagé un bénéfice proche de 20 milliards de dollars (14 milliards d’euros). En Chine, il est de loin leader du marché, avec 16.000 agences et plus de 200 millions de clients. Comptant environ 4.800 employés hors de Chine, elle revendique une présence aux quatre coins du globe avec 203 implantations dans 28 pays.

Très puissante, ICBC n’est pourtant pas la première banque chinoise à avoir inauguré des bureaux à Bruxelles. Avant elle, l’an dernier, Bank of China avait franchi le pas, prenant pied chez nous mais aussi au Luxembourg et en Suisse. A l’instar de sa grande rivale, avoir pignon sur rue dans la capitale de l’Europe lui permettra de se rapprocher des entreprises et des expatriés de l’empire du Milieu partis à la conquête de l’Ouest.

A cet effet, outre le lancement de ses activités commerciales en Belgique, ICBC a étendu sa présence à quatre pays européens supplémentaires : l’Espagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas. “Ce fut un long processus, précise Fei Chen. La décision formelle de s’implanter dans cinq autres pays en Europe a été prise voici plus de deux ans.” Résultat : fin janvier, ICBC aura inauguré en rafale cinq nouvelles implantations. A Paris, Bruxelles, Amsterdam, Milan et Madrid. De nouvelles implantations européennes qui s’ajoutent aux quatre déjà existantes en Allemagne, en Grande-Bretagne, au Luxembourg et en Russie.

Six mois dans des locaux gratuits à Tour & Taxis

Sa domination assurée dans l’empire du Milieu, le géant chinois cherche donc à poursuivre son développement à l’international. Son ambition n’est pas de concurrencer “nos” grandes banques. Non, ce déploiement préfigure surtout, comme nous l’explique Fei Chen, l’arrivée d’autres poids lourd de l’économie chinoise chez nous. “De plus en plus nombreuses sont les entreprises chinoises à être gorgées de liquidités et à vouloir procéder à des investissements en Europe, justifie le banquier.

La meilleure preuve en est la quinzaine de grosses entreprises chinoises déjà présentes en Belgique. Huawei, Zoomlion, Sany ou ZTE ne s’y sont pas implantées voici 20 ans mais beaucoup plus récemment. La tendance est donc bien là. D’autres groupes chinois devraient à l’avenir les suivre et prendre pied au c£ur de l’Europe, notamment à travers des acquisitions. D’où l’intérêt pour une banque comme ICBC d’être présente dans plusieurs pays européens pour pouvoir le cas échéant les servir.” Traduction : la conquête de l’Ouest ne fait que commencer pour ICBC et les groupes chinois, dont le tableau de chasse est amené à s’étoffer.

Pour répondre aux besoins des clients existants et futurs, le groupe a opté pour le statut de succursale, filiale détenue à 100 % par ICBC au Luxembourg, récemment rebaptisé ICBC Europe. A Bruxelles, elle a constitué une équipe de 11 personnes. Un effectif qui devrait être amené à grossir. “Nous sommes à la recherche de deux ou trois nouveaux collaborateurs”, indique Fei Chen.

Côté services, ICBC met en avant sa large palette allant de la gestion de trésorerie en passant par le transfert d’argent et le financement. Sans oublier le quotidien des expatriés chinois puisque “nous prévoyons d’installer deux guichets automatiques à la réception”, lâche Fei Chen.

Plus globalement, ICBC entend aussi agir en tant que pont et comme lien dans le commerce et la coopération économique sino-belges ainsi que dans les investissements mutuels. Pas étonnant dès lors qu’elle ait pu compter sur l’aide de l’Agence bruxelloise pour l’entreprise. Avant son emménagement avenue Louise, l’organisme public a gratuitement mis à la disposition d’ICBC des locaux pour démarrer ses activités. C’est ainsi qu’avant l’ouverture officielle de l’agence, “nous avons travaillé pendant six mois dans un petit bureau à Tour & Taxis avec quelques ordinateurs, un fax et un téléphone”, raconte le banquier.

Des conseils et des invités de marque

Pour s’ancrer en Belgique, ICBC s’est bien sûr aussi adjoint les services d’un cabinet d’avocats et d’une société de conseils locaux. Leur mission : s’occuper des aspects pratiques de la mise en route de l’agence bruxelloise après sa création par les quartiers généraux pékinois d’ICBC. C’est ainsi que Laga s’est occupé du volet réglementaire.

Deloitte, de son côté, l’épaule sur le terrain des problématiques fiscales, par exemple. Quant à l’agence de communication Interel, elle s’est vu confier l’organisation de la soirée officielle de lancement. Celle-ci s’est tenue dans le cadre de l’hôtel Conrad, à deux pas du siège bruxellois de la banque. Au total, pas moins de 300 personnalités avaient été conviées par Jianqing Jiang, président de la banque.

Une belle opération de relations publiques rehaussée par la présence du Premier ministre Yves Leterme ainsi que des ambassadeurs de Chine en Belgique et auprès de l’Union européenne. Sans oublier le ministre bruxellois de l’Économie Benoît Cerexhe, son alter ego au fédéral, Vincent Van Quickenborne, ainsi que divers représentants officiels du secteur financier belge, Guy Quaden (BNB), Jean-Paul Servais (CBFA) et Stefaan Decraene (président de Febelfin et de Dexia Banque Belgique). Le tout couronné en fin de soirée par un petit concert d’un certain Toots Thielemans. Et le lendemain, ICBC remettait le couvert à Amsterdam.

Sébastien Buron

ICBC en 5 chiffres-clés

Total des actifs : 1.500 milliards d’euros.

Bénéfice net : 14 milliards d’euros.

Nombre d’agences en Chine : 16.000.

Capitalisation boursière : 174 milliards d’euros.

Présence : 28 pays.

(Au 30 septembre 2010)

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