Football en Bourse : condamné à l’échec ?

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Beaucoup de clubs européens se sont cassé les dents sur les marchés financiers. Pourtant, des modèles à succès existent. Décryptage avec Bastien Drut, auteur de l’ouvrage “Economie du football professionnel”, sorti en avril.

Le titre de champion de France s’éloigne pour l’Olympique Lyonnais, le projet de nouveau stade s’enlise et le cours de bourse se traîne. Introduite à 24 euros en bourse il y a 5 ans, une action de l’OL s’échange aujourd’hui à moins de 6 euros. Pour les actionnaires du meilleur club de foot français sur les 10 dernières années, le bilan boursier est donc clairement négatif. Mais l’OL n’est pas le seul club de foot dans ce cas là.

Dans toute l’Europe, en effet, des équipes ayant tenté leur chance en bourse ont vu leur valeur s’effondrer. Pour preuve, le nouveau champion d’Allemagne, le Borussia Dortmund. Son action a certes triplé au cours de la saison. Mais les investisseurs ont pris leurs bénéfices dès le lendemain du sacre. L’action a chuté de près de 8% en une séance. Il faut dire qu’elle ne vaut qu’aux alentours de 2,60 euros, soit quatre fois moins que lors de son introduction en bourse 11 euros, en 2000. Avoir une action “sous l’eau” – sous le cours d’introduction- semble être un grand classique pour les clubs entrés en bourse… tout du moins quand ils s’y trouvent encore. Le Dow Jones Stoxx Football, l’indice européen des clubs en bourse, ne compte plus que 23 pensionnaires aujourd’hui contre 32 à son apogée.

Les clubs de foot ne pourraient donc pas réussir en bourse ? Dans son ouvrage Economie du football professionnel, à l’intérieur duquel une large place est faite aux performances des clubs de foot sur les marchés financiers, Bastien Drut démontre que si. À condition d’user de la bonne tactique. “Il y a deux stratégies distinctes de la part des clubs de foot qui lèvent de l’argent en bourse. La première d’entre elles consiste à lever des fonds pour les dépenser presque immédiatement sur le marché des transferts. Ils tablent ensuite sur de bons résultats sportifs pour obtenir une hausse de leurs résultats financiers. Malheureusement il ne suffit pas de recruter de grands joueurs pour s’imposer dans le monde du football. De plus, les contrats des footballeurs sont des actifs immatériels inscrits au bilan des clubs, dont la valeur est très instable et très difficile à chiffrer précisément.”

Diversifier son activité

Second objectif possible pour les candidats à la bourse : lever des fonds pour financer un projet de diversification de l’activité économique. “C’est la meilleur stratégie”, note Bastien Drut. “Les clubs qui font construire leur propre stade peuvent s’appuyer sur un actif matériel sur la valeur duquel pèse moins d’incertitude. Ils vont aussi pouvoir diversifier leurs recettes par d’autres activités.” C’est ce qu’a tenté de faire l’OL, mais les imbroglios administratifs répétés ont sans cesse repoussé la construction du complexe OL Land (stade, boutiques…), ce qui a fini par lasser les investisseurs.

Pour réussir en bourse, un club doit diversifier au maximum son activité pour minimiser l’incertitude liée aux résultats sportifs inhérente au monde du football. “Et la réussite économique permettra souvent au club d’améliorer ses résultats sportifs par la suite, ce qui pourra éventuellement accroître les recettes…”, indique Bastien Drut.

La réussite des clubs turcs

En matière de diversification financière, le club danois du FC Copenhague est avancé comme un modèle en Europe dans le livre Economie du football professionnel de l’économiste. “Les deux clubs de la ville ont fusionné en 1992 pour remplir les gradins du Parken Stadium, une enceinte sportive ultra-moderne de 42 000 places. Ensuite, le FC Copenhague s’est complètement diversifié en acquérant des entreprises centrées sur les loisirs,des centres de fitness, une société de billetterie ligne d’évènements sportifs, etc”, raconte Bastien Drut. Résultat, entre 1997 et 2008 le chiffre d’affaires du club a été multiplié par 47 et son cours en bourse a explosé avec une hausse de 700%. Les recettes tirées directement des résultats sportifs du FC Copenhague sont devenus très minoritaires.

C’est la même stratégie de diversification qu’ont employé les grands clubs turcs d’Istanbul. Avec succès. Le cours de leur action a grimpé et des dividendes sont versés aux actionnaires. Chaque année, le puissant Fenerbahçe, club de la rive asiatique d’Istanbul et notamment propriétaire de Fenerium une chaîne vestimentaire qui compte 64 magasins dans le monde, dégage un bénéfice de 25 à 30 millions d’euros. Son rival, Galatasaray, un autre club de la grande métropole turc, détient lui un gigantesque patrimoine immoblier dont un îlot sur le Bosphore où sont installées des activités sociales et un club de natation. Le poids boursier des clubs turcs, qui pèsent 42% de l’indice Dow Jones Stoxx Football, est considérable. Ils n’ont pourtant pas encore remporté la Champions League, la plus prestigieuse des compétitions européennes.

Camille Belsoeur, L’Expansion.com

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