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Ce lanceur d’alerte refuse 8 millions de dollars et flingue le gendarme financier américain

Je ne connais personne autour de moi qui aurait refusé une récompense de 8 millions de dollars. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous chers lecteurs, mais j’imagine que c’est assez rare, pour ne pas dire impossible.

Et pourtant, Eric Ben-Artzi, un mathématicien, ancien employé de la Deutsche Bank aux États-Unis, vient d’accomplir ce geste incroyable de refuser les 8 millions de dollars qui lui étaient proposés par la SEC. La SEC, je le rappelle, est le gendarme des marchés financiers américains. Après avoir infligé une amende de 55 millions à la Deutsche Bank pour des irrégularités, ce gendarme financier a voulu donner 15% de cette somme à Eric Ben-Artzi pour avoir joué le rôle de “lanceur d’alerte”. En d’autres mots, c’est ce mathématicien, employé dans le département risque de la banque, qui a alerté la SEC sur le fait que la Deutsche Bank USA avait sous-estimé délibérément le risque de ses positions sur des produits dérivés. Il était donc normal que ce “lanceur d’alerte” reçoive une récompense, ce qui fait partie du programme mis en place par la justice américaine pour inciter les employés à dénoncer leurs employeurs indélicats.

Pourquoi Eric Ben-Artzi a-t-il refusé une récompense de 8 millions de dollars ?

Mais pourquoi a-t-il refusé une telle somme, me direz-vous, surtout si c’est une récompense pour son comportement ? Il a expliqué sa, ou plutôt ses raisons dans une tribune publiée par le Financial Times, la bible des hommes d’affaires. D’abord, selon lui, ces 8 millions de dollars doivent être attribués aux vraies victimes de la fraude comptable, c’est-à-dire les employés, qui sont nombreux à avoir perdu leur job. Ensuite, aux actionnaires, qui sont les seuls à avoir en réalité payé l’amende infligée à la Deutsche Bank États-Unis. Donc, si Eric Ben-Artzi a refusé cette récompense de 8 millions de dollars, c’est surtout parce qu’il estime que les vrais coupables, les anciens dirigeants de la Deutsche Bank aux États-Unis, sont partis à la retraite avec des millions de dollars de bonus et n’ont pas été sanctionnés pour avoir sciemment déformé le bilan de la banque ! Ben-Artzi lui-même avait d’ailleurs été licencié pour avoir signalé des irrégularités au sein de sa banque.

Pire encore, Eric Ben-Artzi profite de cette tribune pour expliquer qu’aux États-Unis, il y une mauvaise pratique qui consiste à passer du privé au public et vice versa. En d’autres mots, il reproche au gendarme financier américain d’employer des gens qui travaillaient pour les banques contrôlées ou à des gendarmes de passer dans le camp des banques contrôlées. Bref, il considère cette pratique des “portes battantes” entre le privé et le public comme très malsaine. Il pense même qu’elle est à l’origine du fait qu’aucun dirigeant de la banque n’ait été poursuivi individuellement.

C’est sans doute un message compris 5 sur 5 par le nouveau patron mondial de la Deutsche Bank qui travaille d’arrache-pied pour redorer le blason de sa banque et tourner définitivement cette mauvaise page !

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