Au secours! Les taux d’intérêt augmentent…

Mario Draghi, président de la BCE © REUTERS

Le rallye des obligations semble toucher à sa fin au bout d’une trentaine d’années. Comment se prémunir si la plus grande bulle spéculative de l’histoire se dégonfle, voire explose ? “Quand l’économie redémarre, on retrouve le chemin de la Bourse.”

Oubliez le flanking, le mannequin challenge ou le bottle flip : la tendance actuelle est à la hausse des taux d’intérêt. L’intérêt sur 10 ans en Belgique, par exemple, a fait un bond spectaculaire ces dernières semaines. Qui dit hausse des taux, dit renchérissement des prêts pour les candidats-acheteurs d’un logement et pour les endettés chroniques obligés de demander l’aumône aux investisseurs, à l’instar de l’Etat belge.

Si la hausse des taux d’intérêt se poursuit en 2017, il s’agira non plus d’une simple tendance mais bien d’une véritable inversion de tendance. Depuis les années 1980, les taux n’ont fait que descendre – hormis l’un ou l’autre sursaut occasionnel. Inversement, les cours obligataires n’ont cessé de grimper. Nous assistons peut-être aujourd’hui au début de la fin de ce qu’il faut bien appeler le plus long rallye de l’histoire.

“Trumponomics”

Le rebond des taux d’intérêt après l’élection de Donald Trump n’est pas le fruit du hasard. Les projets du magnat de l’immobilier, à savoir des investissements massifs destinés à relancer la croissance, font craindre une inflation. Les investisseurs craignent de ce fait une dévalorisation plus rapide de leur argent, un mal qu’ils compensent en exigeant des taux plus élevés. Trump pourrait encore accélérer le mouvement, selon Patrick Moonen, stratège de NN Investment Partners. “Si, en plus des investissements annoncés, il réduit considérablement la charge fiscale, l’inquiétude que suscite le déficit budgétaire croissant pourrait s’intensifier.”

Ceci dit, la remontée des taux n’est pas due uniquement aux Trumponomics. Les taux avaient déjà repris le chemin de la hausse avant même l’élection du nouveau président américain, du fait essentiellement de la hausse des taux directeurs induite par la Fed depuis la reprise du marché de l’emploi et le retour de l’inflation. Après des années de politique monétaire extrêmement souple, c’est un réel revirement dont l’impact sur les taux continue à se faire sentir, selon Patrick Moonen. “Le marché n’a pas encore adapté ses attentes quant à l’amplitude de l’augmentation des taux. En Europe, les discussions relatives au changement de stratégie de la Banque centrale européenne vont se multiplier, un autre revirement susceptible de modifier les pronostics et de favoriser la tendance haussière des taux.”

Facteurs favorisants

La grande question que les investisseurs et les économistes devront se poser l’an prochain est de savoir si les taux vont continuer à monter. Et surtout, dans quelles proportions. Luc Aben, stratège en chef de Van Lanschot Bankiers, distingue d’ores et déjà plusieurs facteurs structurels favorisants. Les personnes âgées économisent moins. Autrement dit, le vieillissement de la population a pour effet de réduire l’excédent d’épargne. Dans le monde entrepreneurial, les bilans sont peu à peu épurés et la nécessité d’investir commence à se faire sentir, comme du côté des pouvoirs publics. D’où la demande accrue de capitaux issus de l’épargne, donc une hausse des taux.

“Théoriquement, les taux de longue durée dans un pays correspondent plus ou moins à la croissance nominale”, précise Luc Aben. La Banque nationale anticipe une croissance de 1,5 % en Belgique l’an prochain. Les taux devraient donc, en théorie, augmenter dans les mêmes proportions. Luc Aben ajoute toutefois une nuance importante qui rend le redoublement des taux belges actuels moins vraisemblable : “Le libre fonctionnement du marché, qui devrait permettre un tel rééquilibrage, a été mis à mal ces dernières années. Le marché a été littéralement étranglé par les banques centrales”.

JASPER VEKEMAN

PISTES D’INVESTISSEMENT

Du fait de la baisse persistante des taux, investir était un jeu d’enfant ces 10 dernières années. Il suffisait de doter son portefeuille d’un bon coussin d’obligations pour s’assurer d’un certain rendement. Les bonnes années boursières, les dividendes d’actions étaient encore complétés par la hausse des cours. Succès quasi garanti. Aujourd’hui, l’investisseur peut faire une croix sur cette stratégie simpliste. “La tendance baissière des taux sur les obligations d’Etat a cessé, déclare Patrick Moonen. Les attentes quant au rendement de cette catégorie d’actifs sont donc très limitées pour les prochains mois.” Y a-t-il encore de la place pour les titres d’Etat dans votre portefeuille ? “Un petit peu, peut-être, pour la sécurité mais la marge est très réduite. Une augmentation des taux belges, aussi faible soit-elle, entraîne automatiquement un rendement négatif sur les obligations de notre pays.”

RISQUE DE CRÉDIT

Les investisseurs courent moins de risques avec les obligations d’Etat de plus courte durée vu qu’elles sont moins sensibles aux taux. Une autre option consiste à investir dans les pays plus lointains. “Le taux est de 2 à 3 % pour les titres américains et australiens mais il faut tenir compte du risque lié aux devises”, prévient Patrick Moonen qui estime plus intéressants les titres avec un plus grand risque de crédit, à savoir des obligations présentant un plus grand risque de défaut de paiement. “Les obligations d’entreprise de faible qualité crédit ont tout pour plaire, surtout dans le contexte actuel de redressement économique.”

Les émissions d’obligations belges sont très rares et souvent exclusivement destinées aux investisseurs institutionnels car les entreprises rechignent à publier de coûteux prospectus. Le petit investisseur, quant à lui, évitera de mettre tous ses oeufs dans le même panier. Les fonds sont souvent la meilleure façon d’acquérir des obligations d’entreprise à haut rendement. HSBC GIF-Euro High Yield Bond et Fidelity Funds-European High Yield A sont deux exemples de fonds spécialisés affichant une belle performance au cours des 10 dernières années. Si vous ne voulez pas payer les frais d’un fonds à une banque ou un gestionnaire de patrimoine, pourquoi ne pas investir dans un fonds de placement passif comme Lyxor iBoxx EUR Liquid High Yield BB ?

Les obligations des pays émergents produisent elles aussi un intérêt supérieur habituellement. Dans le contexte actuel, Luc Aben n’est pas entièrement convaincu. “La valorisation du dollar pourrait provoquer la fuite des capitaux des pays émergents. L’investisseur ferait mieux de se concentrer sur l’euro et d’investir près de chez lui.” A ceux qui veulent malgré tout investir dans les pays émergents sans courir le risque lié aux devises, nous conseillons les fonds Pictet-Global Emerging Market Debt HI Eur ou Schroder ISF Emerging Markets Debt Absolute Return Eur Hedged.

SECTEUR FINANCIER

Si vous craignez d’être déçu par les obligations “sûres”, orientez-vous vers les actions à haut rendement de dividende. Là encore, ce n’est pas évident par les temps qui courent. Patrick Moonen constate un net glissement sur les places boursières. “Ces dernières années, les investisseurs étaient friands d’actions défensives assorties d’un dividende prévisible des secteurs pharmacie, alimentation et immobilier. Un glissement vers les secteurs plus cycliques s’est amorcé l’été dernier.” Avec un tracker du genre iShares STOXX Europe 600 Industrial Goods & Services UCITS ETF, vous pouvez par exemple acheter un panier d’actions industrielles sans devoir acquitter les frais de gestion d’un fonds de placement classique.

Outre le secteur des matières premières et l’industrie, le secteur financier est lui aussi souvent recommandé. Les taux supérieurs soulagent la pression sur le bénéfice des banques. Plusieurs analystes ne cachent pas leur engouement pour KBC et ING repris dans le Bel20. “Il importe de comprendre pourquoi les taux repartent à la hausse, ajoute cependant Luc Aben. Quand l’économie redémarre, on retrouve le chemin de la Bourse. Si l’inflation reprend de plus belle mais l’économie stagne, cela ne rime à rien de se lancer dans les actions.”

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