Sociétés immobilières réglementées: la foire aux bonnes affaires

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Longtemps adulées, les SIR ont vu leurs cours plonger depuis le début de l’année, surtout du fait de la hausse des taux d’intérêt. Les primes élevées par rapport à la valeur de l’actif net ont souvent déjà laissé place à des décotes.

Les sociétés immobilières réglementées (SIR, ex-SICAFI) ont connu une véritable descente aux enfers. Les dividendes élevés, et généralement en hausse, qu’elles versent, ont fait des SIR un investissement de plus en plus prisé au fil des ans, cet immobilier “papier” remplaçant avantageusement les obligations. Pour bénéficier d’un régime fiscal favorable, les sociétés immobilières réglementées doivent en effet distribuer chaque année au moins 80% de leurs bénéfices (courants) aux actionnaires, ce qui a séduit plus d’un investisseur. Pendant de nombreuses années, les rendements moyens (hausse du cours + dividendes) des SIR ont nettement dépassé ceux d’un investissement dans l’indice Bel 20. Certaines années, toutes les SIR cotées, sans exception, ont affiché un rendement positif.

Mais 2022 est un cru très différent: sur les trois premiers trimestres de l’année, les cours de ces sociétés immobilières ont véritablement dévissé. Le versement de dividendes a certes atténué les pertes, mais les 16 SIR toujours cotées sur Euronext Bruxelles affichent un rendement moyen de -14,6% (nous ne tenons pas compte de Befimmo, qui fait actuellement l’objet d’une offre publique d’acquisition). Le grand coupable: le relèvement des taux d’intérêt, que l’inflation galopante a rendu nécessaire.

Plongeon non catastrophique

Les rendements des 12 derniers mois montrent que l’année 2022 est, jusqu’à présent, une annus horribilis: les 16 SIR cotées (dont la dernière, Inclusio, une SIR à vocation sociale, est entrée en Bourse à la mi-décembre 2020) ont généré un rendement moyen de -14,6% sur les 12 derniers mois, avec des dévissages inédits, de près de 40% parfois. Heureusement, VGP n’a pas le statut de SIR; sinon les pertes auraient été encore plus importantes. A titre de comparaison toutefois, l’indice Bel 20 affiche un rendement de -15,8% sur un an. En termes relatifs, le plongeon des SIR n’est donc pas catastrophique, même si les reculs des cours sont en moyenne plus importants, car des dividendes plus élevés ont généralement été versés aux actionnaires sur les 12 derniers mois.

Aucune SIR n’a émis d’avertissement sur les résultats de l’exercice en cours, ni menacé de réduire le dividende, ce qui montre bien que seule la hausse des taux d’intérêt a réellement affecté le marché. Par conséquent, et vu la faible performance de leurs actions, le rendement brut moyen du dividende, sur la base du dernier dividende payé ou celui (plus élevé) annoncé il y a six mois, est passé de 4,66% à 6,12% en moyenne. Huit des 16 SIR, soit exactement la moitié, affichent des rendements bruts de dividende supérieurs à 7%, avec même un pic à 8,5% pour Wereldhave Belgium.

D’autre part, la faible performance boursière des SIR fait plonger de manière spectaculaire leur valorisation moyenne. Seules deux des 16 SIR s’échangent encore au-dessus de la valeur de leur actif net (VAN); dans notre analyse précédente, il y a environ six mois, c’était le cas pour 10 d’entre elles! En moyenne, le ratio cours/valeur de l’actif net a fortement diminué, passant de 1,12 à 0,82. En d’autres termes, les SIR affichent une décote moyenne de 18% par rapport à la valeur de leur actif net. Toutes les primes ont disparu, ce qui est une bonne nouvelle pour l’investisseur. En revanche, cela indique que le marché table sur une baisse de l’actif net en 2023, car la hausse des taux d’intérêt pourrait faire augmenter le taux de vacance.

La logistique pas épargnée

L’immobilier logistique est sorti renforcé de la crise sanitaire. Les belles perspectives du commerce électronique ont aiguisé l’appétit des investisseurs pour les grands acteurs du segment. Par conséquent, les primes de Warehouses De Pauw (WDP) et de Montea avaient dépassé les 100% au début de l’année: en d’autres termes, le cours de l’action était deux fois plus élevé que la valeur de l’actif net. Moins d’un an plus tard, la situation est radicalement différente: Montea s’échange à un cours proche de la valeur de son actif net et pour pour WDP, la prime est tombée à quelque 10%, contre encore 110% il y a six mois. Intervest Offices & Warehouses, actif en partie dans le même secteur, tire mieux son épingle du jeu, même si la prime n’a jamais été aussi élevée que celle de WDP et Montea.

Bien sûr, ces cours sont susceptibles de fluctuer encore, et les SIR sont, de fait, des véhicules de placement à long terme. Sur la décennie écoulée, et malgré les déboires de 2022, un investissement dans WDP a tout de même généré un rendement annuel moyen de 20,1%, qui reste spectaculaire. Montea fait également très belle figure, avec une moyenne de 16,1%, contre 6,9% pour l’indice Bel 20.

La santé mal en point

Outre la logistique, l’immobilier de santé a également été un moteur de croissance classique sur le segment de l’immobilier réglementé ces dernières années. Du fait du vieillissement de la population, la demande de chambres en maison de repos, résidences services et établissements de soins est en hausse. Les bâtiments étant souvent loués pour une durée longue (plus de 20 ans), les perspectives à long terme restent incontestablement favorables. En outre, le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans dans l’Union européenne va augmenter de plus de 120% d’ici à 2050, pour atteindre 57,5 millions. Cette tendance démographique soutiendra davantage la demande d’immobilier de santé, sans influence du cycle conjoncturel. Pourtant, les actions des acteurs spécialisés que sont Aedifica et Care Property Invest n’ont pas échappé à la tendance. Cofinimmo (qui investit aussi une partie de son actif dans l’immobilier de santé) est également à la peine: son rendement s’inscrit nettement dans le rouge cette année. Soulignons toutefois que sur les 10 dernières années, Aedifica, pour ne citer qu’elle, a encore produit un rendement annuel moyen de 11,3%, nettement supérieur à celui de l’indice phare de la Bourse belge.

Stabilité de l’immobilier résidentiel

Si l’on ne tenait compte que des SIR spécialisées dans l’immobilier de santé et la logistique, le rendement moyen aurait été proche de -30% sur l’année écoulée. Heureusement, l’immobilier résidentiel, notamment, s’est distingué par sa stabilité. Home Invest Belgium, par exemple, a fait un sans faute; c’est l’une des seules SIR à afficher un rendement positif au cours de l’année écoulée, et la seule dont le ratio cours/bénéfice a (légèrement) augmenté depuis la dernière analyse, il y a six mois.

Toutefois, si l’on inclut Xior dans le segment résidentiel, la situation est totalement différente. Cette SIR spécialisée dans les logements étudiants affiche de bons résultats, mais son action est fortement sous pression depuis l’acquisition de Basecamp, en début d’année, et le placement privé réalisé la semaine dernière. Sur le plan opérationnel, toutefois, elle se porte bien: les étudiants sont toujours plus nombreux à chercher un kot.

Les commerces rebondissent

L’immobilier commercial a été le plus touché par la crise sanitaire. Déjà de plus en plus concurrencés par le commerce électronique, les magasins de détail ont connu une crise sans précédent avec les confinements successifs, pendant lesquels ils ont souvent dû garder les portes fermées. Mais si l’on tient compte simplement de l’année écoulée, les acteurs de l’immobilier commercial s’en sortent beaucoup mieux que les autres. La quasi-totalité s’échangent sous la valeur de leur actif net, mais les dividendes n’ont pas été fortement réduits. Wereldhave Belgium a enregistré la meilleure performance, sur le plan du rendement, au cours de l’année écoulée. Toutefois, malgré son redressement, le cours reste inférieur de 15% à celui d’il y a 10 ans.

Enfin dignes d’achat!

Pour la première fois depuis des années, nous sommes enthousiasmés par le potentiel d’appréciation des cours de la plupart des SIR. Les primes élevées par rapport à la valeur de l’actif net ont souvent déjà laissé place à des décotes. Aujourd’hui, jusqu’à 10% d’un portefeuille d’actions diversifié peut être investi dans l’immobilier papier. Il convient cependant de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier: diversifiez vos investissements entre la logistique, les soins de santé, le segment résidentiel et le commerce de détail – le quatuor Aedifica, WDP, Wereldhave Belgium et Xior nous semble prometteur.

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