Secteur du tourisme: des éclaircies, mais pas encore de ciel bleu

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Si le secteur du tourisme se porte mieux, il ne voit pas encore le bout du tunnel. Dominantes, les agences de voyage en ligne rognent les marges bénéficiaires des hôtels. En outre, bien que la plupart des gens aient l’intention de profiter enfin de “vraies” vacances, l’inflation refroidit quelque peu l’optimisme ambiant.

Le secteur du tourisme a, on le sait, été une des principales victimes des confinements. Or la pandémie était à peine maîtrisée, du moins dans la plupart des pays occidentaux, que la guerre en Ukraine éclatait, contribuant à alimenter une inflation galopante, la remontée des taux d’intérêt et la menace de récession. La levée des restrictions sur les voyages est évidemment très appréciée et la plupart des gens ont l’intention de profiter enfin de “vraies” vacances, mais l’envolée des prix douche quelque peu l’optimisme.

Les grandes chaînes hôtelières craignent en particulier une baisse de la consommation sur place. De surcroît, même si elles font de leur mieux pour inciter les clients à passer par leurs sites web, de manière à éviter d’avoir à s’acquitter de commissions élevées, elles ont un retard abyssal sur les agences de voyage en ligne, comme Booking.com, Expedia et autres Trivago. En contrôlant l’intégralité du marché des réservations en ligne, ces intermédiaires grignotent les marges bénéficiaires des hôtels.

Les agences de voyage en ligne ont pourtant vécu, elles aussi, des moments difficiles pendant la crise sanitaire. Même Booking Holdings, propriétaire de Booking.com et leader sur son marché, a souffert. L’entreprise a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de près de 11 milliards de dollars et un bénéfice opérationnel (Ebit) de 2,5 milliards. Ce n’est pas mal, mais c’est nettement moins bien qu’en 2019, dernier exercice “normal”, que le groupe avait achevé sur un chiffre d’affaires de 15 milliards de dollars et un Ebit de 5,3 milliards. L’action a cédé 5% au cours des 12 derniers mois; il subsiste aujourd’hui 270% de la formidable hausse réalisée en 10 ans. Il faudra du temps pour que le titre retrouve son niveau d’avant-crise. Bien que Booking Holdings se porte relativement mieux qu’Expedia, TripAdvisor et Trivago – lequel est particulièrement chahuté en Bourse (1,6 dollar l’action, contre 22 dollars il y a cinq ans) -, il ne s’agit donc pas d’un candidat à l’achat.

Les hôtels, en meilleure forme

Les actions des exploitants hôteliers enregistrent depuis quelques mois des performances nettement supérieures à celles des opérateurs en ligne. Durement touchées par la pandémie, les chaînes se sont attelées à compresser leurs dépenses, une stratégie qui s’avère aujourd’hui payante.

Hilton (Conrad, Hilton, Waldorf Astoria, Curio Collection) a sabré dans toutes ses charges “non essentielles”, dont le package salarial de son comité de direction – un geste apprécié par les marchés. Le groupe partage ses 410 millions de dollars de bénéfice avec ses actionnaires, qui percevront, le 24 juin, un dividende trimestriel de 0,15 dollar par action. Il a par ailleurs repris son programme de rachats. Pas d’enthousiasme démesuré, toutefois: le bénéfice annuel accusera un recul, car les dépenses de personnel ont considérablement augmenté et l’inflation frappe de plein fouet.

Hyatt (Andaz, Alila Hotels & Resorts, Thompson Hotels) a achevé l’exercice 2021 sur une perte de 222 millions de dollars. Consolation: la perte de 2020 culminait à 700 millions de dollars. Ceci dit, aucun bénéfice n’est attendu pour cette année non plus, de sorte que seul un dividende symbolique sera versé. N’achetez pas maintenant.

Marriott International (Westin, Renaissance, Le Méridien, Delta, Gaylord), la plus grande chaîne hôtelière au monde, versera dès la fin juin un dividende trimestriel de 0,3 dollar, ce qui porte à 0,75% son rendement en dividende. Ce n’est pas grand-chose, et nul d’ailleurs n’achèterait l’action pour ce seul motif. Les investisseurs s’intéressent plutôt à la rentabilité et, surtout, aux prévisions. Entre janvier et mars de cette année, Marriott a engrangé un bénéfice de 377 millions de dollars, contre une perte de 11 millions un an plus tôt. L’action se portait bien, avant de subir une sévère correction il y a quelques semaines; mais à 26 fois le bénéfice escompté, elle n’est toujours pas une bonne affaire.

Accor, le premier exploitant d’hôtels européen, est l’objet depuis deux ans déjà d’une certaine méfiance de la part des agences de notation. Ses perspectives négatives avaient incité S&P Global Ratings à abaisser dès août 2020 sa note de BBB- à BB+. Fitch a fait exactement la même chose. Cette rétrogradation au statut d’action de pacotille coûtera à la société des dizaines de millions d’euros d’intérêts supplémentaires. Sa position de leader, sa présence internationale, sa flexibilité sur le plan financier et l’abondance de sa trésorerie sont pourtant d’indéniables atouts. Accor peut être envisagé par l’investisseur conscient des risques; le bon père de famille attendra, lui, des signaux plus francs.

La chaîne hôtelière britannique Whitbread annonce que ses résultats renoueront avec leurs niveaux d’avant-crise (2 milliards de livres environ de chiffre d’affaires, 180 millions de bénéfice) dès la fin de l’an prochain. On entend d’ores et déjà, ici et là, des recommandations d’achat, car l’action a considérablement reculé à la Bourse de Londres. Nous lui préférons néanmoins Accor.

Scandic Hotels Group ne parle pas encore de profit – ce sera peut-être pour 2023, mais sans certitude. Les pertes diminuent toutefois d’année en année. Elles devraient être de 420 millions de couronnes en 2022. Pas de bénéfice signifie évidemment pas de dividende et, pour nous, pas de recommandation d’achat.

Parcs de loisirs

Disney, c’est bien plus que des hôtels et des parcs à thème: c’est un immense groupe consacré au divertissement, qui a bien résisté à la crise sanitaire. Mais son action a perdu 40% de sa valeur ces 12 derniers mois. Si ses bénéfices devraient être multipliés par deux cette année, pour atteindre 4,4 milliards de dollars, ils représenteront moins de la moitié des 10,4 milliards que Disney avait réalisés en 2019. Le service de vidéo à la demande Disney+ a recruté entre janvier et mars 7,9 millions de nouveaux clients. Bob Chapek, son CEO, est convaincu de la capacité de Disney à continuer à transformer le paysage du divertissement, en combinant histoires extraordinaires et technologies innovantes. A suivre.

Le français Compagnie des Alpes est à notre avis le meilleur investissement à conseiller au bon père de famille. Il possède plusieurs parcs à thème (Astérix, Walibi, Bellewaerde), mais exploite également des stations de ski (La Plagne, Les Arcs, Val d’Isère), ce qui évite à son flux de revenus de s’interrompre en hiver, comme c’est le cas pour tant d’opérateurs de parcs de loisirs en Europe. Pour les six premiers mois de l’exercice 2021/22, la Compagnie des Alpes annonce une croissance de 16% de son chiffre d’affaires par rapport à la même époque en 2018/19 (dernier semestre “normal” avant la pandémie). A la surprise générale (y compris des analystes), son Ebit a dès lors bondi de 72,5%, à 164,8 millions d’euros. L’action reprend donc de la vigueur. Le groupe investit par ailleurs généreusement dans le verdissement de ses parcs. Il a acheté ses premiers chasse-neige électriques, et testera cette saison des navettes électriques à Val d’Isère et à Tignes.

Pierre et Vacances s’engage lui aussi pleinement dans la voie de l’écologie. Il a décroché la Clé verte, premier label international indépendant qui couronne les hébergements touristiques durables. La crise sanitaire a incité énormément de gens à passer leurs vacances près de chez eux, ce dont le leader européen des vacances de proximité a eu tout lieu de se réjouir. De fait: son chiffre d’affaires n’a cédé l’an dernier “que” 20%, à 937 millions d’euros. La performance, qui mérite d’être saluée, est malheureusement plombée par le déficit historique. Même pour cette année, qui devrait s’achever sur un chiffre d’affaires d’un milliard et demi d’euros, aucun bénéfice n’est escompté. L’action s’échangeait à 113 euros à la mi-2007, contre 6 euros à peine aujourd’hui. Un candidat à l’achat, pour l’investisseur conscient des risques.

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