Les banques, enfin dignes d’attention

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Le malaise du secteur bancaire européen a selon nous trois grandes causes, qui engendrent un sentiment négatif vis-à-vis d’un secteur dont le modèle économique est sous pression. Mais l’actuelle valorisation de toute une série d’actions justifie que nous procédions à un relèvement de nos ratings.

Nous nous sommes détournés des actions bancaires (européennes) depuis 2007. Les chiffres nous donnent raison: jamais dans l’histoire (récente), ces titres ne se sont montrés si peu performants par rapport au marché. Et jamais, depuis 10 ans, ils n’ont été si faiblement valorisés. Mais nous recommençons désormais à les considérer avec attention, car la baisse des cours nous semble prendre des proportions extrêmes cette année. L’évolution des bénéfices est certes peu réjouissante, mais les investisseurs intègrent une chute excessive qui, selon nous, ne se concrétisera pas. Or se porter acheteur dans un contexte de pessimisme exagéré est souvent porteur.

A la traîne

Depuis l’éclatement de la crise financière, il y a 10 ans, les actionnaires des banques européennes n’ont guère eu de raisons de se réjouir. Malgré des dividendes souvent généreux, investir dans l’indice Stoxx 600 Banks (qui englobe toutes les grandes banques européennes cotées) a généré un return (évolution des cours + dividendes) de -19% (-2,1% par an en moyenne), principalement parce que les titres s’échangent toujours 45% sous leur niveau de l’époque. L’indice Stoxx 600 affiche, lui, un return de 130% depuis septembre 2009 (8,7% par an), soit un différentiel qui flirte avec les 150%!

Sur les cinq dernières années, le return moyen des banques européennes reste négatif (-20%, en raison du recul de 35% affiché par le Stoxx 600 Banks, contre +34% pour le Stoxx 600, soit une différence de 55%). Même constat cette année: les valeurs bancaires ont cédé 17,5% (-14% et +6% respectivement). Le secteur reste donc le canard boiteux de l’Europe. Il est même en retrait de 5% par rapport au secteur automobile.

Valorisations historiquement faibles

Le malaise du secteur bancaire européen a selon nous trois grandes causes. Tout d’abord, les autorités ont appréhendé trop mollement la question de l’assainissement des bilans après la crise. Trop d’institutions s’apparentent aujourd’hui encore à des banques “zombies”, dont les fonds propres sont nettement insuffisants. Le secteur, en Italie, est particulièrement sous-capitalisé et plus d’une décennie après l’éclatement de la crise, plusieurs mastodontes allemands restent très peu performants.

Ensuite, dans sa volonté d’éviter une inflation trop faible (objectif: 2%) ou une déflation et une possible récession (croissance négative pendant au moins deux trimestres successifs), la Banque centrale européenne (BCE) a non seulement adopté une politique d’assouplissement quantitatif (rachats massifs d’obligations), mais aussi imposé aux banques qui déposent leurs excédents de liquidités chez elle un taux pénalisant. Lequel vient de surcroît de passer de -0,4% à -0,5% avant de diminuer, peut-être, à -0,6% ces prochains mois. En tout état de cause, ces mesures affectent une rentabilité que les réglementations et les taxes adoptées depuis une dizaine d’années avaient déjà mise à mal. Il ne subsiste rien des marges bénéficiaires d’avant-crise.

Enfin, la disruption numérique frappe de plein fouet, puisque l’informatique rend inutiles les grands réseaux d’agences. Si cette évolution permet aux banques de réduire leurs coûts, elle ouvre également la porte à de nouveaux acteurs. Des fintechs et, surtout, des géants du secteur technologique comme Apple, Google ou Facebook, développent des plateformes de paiements, une évolution à laquelle les jeunes pourraient se montrer particulièrement sensibles.

Tout cela engendre un sentiment négatif vis-à-vis d’un secteur dont le modèle économique est sous pression et dont les valorisations sont dès lors dérisoires. Les 47 titres qui composent l’indice Stoxx 600 Banks s’échangent à 0,7 fois la valeur comptable en moyenne (1,8 fois pour ceux du Stoxx 600) et 8,3 fois le bénéfice escompté pour 2019 (14, pour le Stoxx 600), pour un rendement du dividende de 6% brut (3,7%). Dans une perspective historique, il s’agit de la valorisation la plus faible par rapport à la moyenne du marché, mais aussi par rapport à la moyenne du secteur sur ces cinq dernières années (8,3%, contre 10,5%). En termes de valeur boursière par rapport à l’actif, les banques n’ont que rarement, voire jamais, été aussi bon marché (moins de 17%, contre près de 27% encore en 2007).

L’ombre de Deutsche Bank

Autre grand échec au sein du secteur bancaire européen: Deutsche Bank, dont le cours a dégringolé de 82% en 10 ans. Durant cette période, la banque allemande a usé une série de CEO et multiplié les nouveaux modèles d’affaires, sans pour autant recouvrer sa rentabilité structurelle. Deutsche Bank est dès lors un investissement très risqué parce que son bilan demeure fragile, alors que son portefeuille de dérivés est gigantesque. Une tentative de fusion avec Commerzbank (-78% en dix ans), autre banque allemande en difficulté, a rapidement avorté. Christian Sewing, l’actuel CEO de Deutsche Bank, a adopté un énième plan de restructuration, qui prévoit une sortie progressive des activités de banque d’investissement, dans lesquelles le géant n’a jamais réussi à s’imposer sur le marché mondial. Mais ce plan peine lui aussi à convaincre (trop timide, trop tard, estime le marché).

Pessimisme excessif

Non, le secteur bancaire européen n’est pas, tant s’en faut, sur le point de renouer structurellement avec la croissance. Mais la vision qu’en a le marché nous paraît exagérément négative. Les résultats, surtout dans nos régions, ne confirment pas la chute libre que semble vouloir annoncer l’évolution des cours. Plus important encore: pour les actions “de chez nous”, comme BNP Paribas, ING et KBC, nous n’avons guère trouvé d’analystes qui prédiraient un tel repli pour les années qui viennent – ils tablent plutôt sur une stagnation ou une légère baisse (nous laissons toutefois ABN Amro de côté en raison des incertitudes liées à l’enquête sur d’éventuelles pratiques de blanchiment).

Le modèle bancaire classique ne s’effondrera pas du jour au lendemain. De plus, le secteur se restructure (on vient encore de le voir chez KBC) et le démantèlement du réseau d’agences se poursuit à un rythme soutenu. La BCE a certes diminué son taux de rémunération des dépôts, mais elle a aussi pris des mesures d’atténuation: elle n’a aucun intérêt, en effet, à compliquer à l’extrême la vie des banques. Les établissements des pays voisins tendent aujourd’hui à combiner stabilité et rendements de dividendes élevés. Ces derniers ne sont certes pas garantis, mais les directions mettent tout en oeuvre pour ne pas décevoir davantage l’actionnaire. L’actuelle valorisation de toute une série d’actions justifie que nous procédions à un relèvement de nos ratings. KBC, notre favori dans le secteur, est disponible moyennant décote par le biais de KBC Ancora; il est également possible de miser sur le secteur dans son ensemble par le biais du tracker iShares Stoxx 600 Banks.

iShares Stoxx600 Banks

Pour investir d’une manière diversifiée dans le secteur bancaire européen en attendant qu’il se redresse, songez au tracker iShares Stoxx 600 Banks (13,02 euros; coté en Bourse de Francfort; plus haut et plus bas des 12 derniers mois: 16,07 et 11,53 euros; code ISIN: DE000A0F5UJ7), qui réplique l’évolution de l’indice Stoxx600 Banks.

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