Le marché des TIC, cet inconnu à 200 milliards

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Les entreprises TIC disposent d’avantages concurrentiels importants et sont très bien positionnées sur leur marché. Elles génèrent en outre des cash-flows disponibles en abondance. Les récentes baisses des cours ont créé des opportunités.

La complexité croissante de la société et de l’économie engendre un besoin de réglementation, de transparence et de contrôle toujours plus poussés. Un secteur, qui aide les entreprises et les consommateurs à faire face à ces mutations, a vu le jour. Il est baptisé TIC, pour testing, inspection and certification. Les sociétés TIC dissèquent et certifient donc les produits et services de ces innombrables entreprises soumises à des normes de qualité, de sécurité et autres. Tel est du reste leur principal atout: elles fournissent un service indispensable, mais inabordable en interne.

Le secteur s’est extraordinairement développé et diversifié au fil du temps. Certains de ses intervenants couvrent l’ensemble du champ de l’audit, du contrôle qualité et de la certification dans tous les secteurs d’activité, d’autres se concentrent sur certains services à des niches spécifiques. Au niveau mondial, les TIC génèrent 200 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an et emploient plus d’un million de personnes. L’activité était évaluée en 2021 à un peu moins de 210 milliards de dollars, un montant qui devrait passer à 330-350 milliards en 2030. Les experts misent sur une croissance de 5-6% l’an du secteur au cours de la prochaine décennie. Les principaux acteurs sont européens. Un certain nombre de tendances porteuses, comme le renforcement de la réglementation, la sensibilisation accrue des consommateurs et le fait que de plus en plus de gouvernements et d’entreprises externalisent les contrôles, lui sont profitables.

Tous les acteurs TIC cotés en Bourse sont des entreprises de qualité, aux marges opérationnelles et aux rendements du capital investi élevés. Ils disposent d’avantages concurrentiels importants et sont très bien positionnés sur leur marché. Ils génèrent en outre des cash-flows disponibles en abondance. La plupart d’entre eux étant très actifs sur le marché des fusions et acquisitions, leur goodwill (écart entre le prix d’acquisition d’une société et sa valeur économique) représente entre 25% et 45% de leur bilan.

La qualité se paie, bien sûr. La valorisation moyenne est élevée depuis plusieurs années. Mais les récentes baisses des cours changent aujourd’hui la donne et créent des opportunités.

SGS: valorisation élevée

La société suisse SGS (qui compte GBL parmi ses actionnaires) est la plus grande entreprise TIC cotée. Active dans le monde entier, elle dessert presque tous les secteurs imaginables. Elle a divisé ses opérations en cinq segments, dont l’industrie et l’environnement, la santé et l’alimentation, la consultance et les solutions numériques. Elle a beaucoup misé sur les acquisitions ces dernières années, ce qui a généré un goodwill élevé, sans pour autant soutenir sa croissance – la croissance du chiffre d’affaires et des bénéfices stagne, au contraire, depuis tout un temps.

SGS est, comme bien d’autres, une véritable machine à cash. Son pouvoir de marché se traduit par des valorisations structurellement plus élevées que celles de ses concurrentes. Le recul du marché boursier la rend plus abordable qu’auparavant mais en raison de sa stratégie d’acquisitions et de l’absence de croissance, nous recommandons tout au plus de conserver.

Bureau Veritas: bien diversifié

L’entreprise française Bureau Veritas est numéro 2 mondial du secteur. Comme SGS, elle est bien diversifiée. Elle opère dans l’agriculture, l’industrie, les matières premières, la construction, les infrastructures et les biens de consommation. Si son chiffre d’affaires n’a augmenté que de 3% l’an, son cash-flow disponible, lui, a progressé de plus de 6% par an, ces 10 dernières années.

Comme SGS aussi, Bureau Veritas est incontournable, mais d’une taille telle qu’il lui est difficile de continuer de croître. A 4-5%, le rendement de son cash-flow disponible (cash-flow disponible par action/cours) est – avec celui de SGS – le plus faible. En d’autres termes, par rapport au cours, l’investisseur dans SGS ou dans Veritas obtient moins que ce qu’offre la concurrence. Sa valorisation ayant fortement baissé, le titre peut être conservé. Mais Bureau Veritas ne mérite pas encore une recommandation d’achat.

Applus+: notre coup de coeur

Fondée en 1996 seulement, l’entreprise espagnole Applus+ est cotée en Bourse depuis 2014. La confiance des investisseurs n’est pas encore récompensée – l’action se négocie toujours 60% sous son cours d’introduction. Bien que petite encore, Applus+ opère dans le monde entier et fournit des services à divers secteurs, dont ceux de l’énergie et de la construction. Elle est en outre un spécialiste mondial des essais et des homologations automobiles et fournit des services d’inspection automobile dans une quinzaine de pays; la voiture représente un quart de son chiffre d’affaires et près de la moitié de son bénéfice opérationnel. Un peu plus de 50% de son chiffre d’affaires provient des inspections, des tests et des contrôles de qualité dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie. Elle effectue par ailleurs des tests de laboratoire pour toute une série d’activités. Elle devrait bénéficier d’un certain nombre de tendances porteuses dans ses secteurs de prédilection, comme l’électrification des transports et les énergies renouvelables et nucléaire, ces prochaines années. Elle a amorcé le virage du renouvelable il y a trois ans; son chiffre d’affaires dans le segment des combustibles fossiles est passé de 36% à 26% au profit des énergies vertes et des tests de laboratoire, qui devraient rester ses fers de lance. Son plan stratégique pour les trois prochaines années annonce un accroissement de 10% par an de son chiffre d’affaires et une marge opérationnelle de plus de 12% (pour 10% actuellement, soit le pourcentage le plus bas du secteur).

Son atout majeur est sa valorisation: Applus+ cote plusieurs dizaines de pour cent sous ses concurrentes, alors qu’elle bénéficie des mêmes opportunités de croissance. Le rendement de son cash-flow disponible atteint 20%, soit plus du double des autres. Elle est suivie, de très loin, par Intertek (7%). Elle est peu avide d’acquisitions, si bien que son goodwill ne représente que 16% de son bilan, contre le double pour la plupart de ses concurrentes. Compte tenu de sa valorisation, de son virage stratégique et du rendement élevé de son cash-flow disponible, nous recommandons d’acheter.

Eurofins: prometteur également

Le français Eurofins est spécialisé dans les secteurs de l’environnement, de l’alimentation, de la pharmacie, de l’agro-science, de la santé et des cosmétiques. Son réseau mondial de laboratoires assure des services de test et de certification. Eurofins fait des étincelles en Bourse depuis une douzaine d’années. De 10 euros il y a 10 ans, son cours a franchi la barre des 125 euros en septembre 2021; il tourne actuellement autour de 60 euros. Son chiffre d’affaires a été multiplié par plus de six. L’entreprise ayant basé sa croissance sur des acquisitions, c’est elle dont le goodwill est le plus lourd (43% du bilan). Mais c’est elle aussi dont la rentabilité et le rendement du capital investi sont les plus importants.

Inférieure à celle de SGS et de Veritas, sa valorisation n’a jamais été aussi basse depuis 10 ans. Son scénario de croissance est en revanche beaucoup plus solide. La croissance ne sera plus ce qu’elle a été mais aux niveaux actuels, un investissement peut sans problème être envisagé.

Intertek: le moins performant

Le britannique Intertek, qui dispose de laboratoires dans le monde entier, est actif dans trois segments. Sa division Produits teste et certifie des produits physiques, qui vont des vêtements aux denrées alimentaires en passant par l’électronique, les médicaments et les voitures; elle assure les deux tiers de son chiffre d’affaires. Son pôle Commerce fournit des services aux secteurs de la logistique et du commerce international (20% de son chiffre d’affaires). La division Matières premières, enfin, est spécialisée dans le pétrole, le gaz, le nucléaire et l’extraction minière.

Outre que sa valorisation recule, comme les autres, depuis quelques mois, Intertek est moins performante qu’il y a quelques années. Cela fait trois ans que sa croissance, sa rentabilité et ses cash-flows sont sous pression. Tant qu’il n’y aura pas d’amélioration dans ces domaines, nous ne conseillerons pas d’acheter.

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