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Un sommet européen édulcoré pour faire bonne impression

Moody’s n’a pas hésité à abaisser le rating de la Grèce de trois crans, à B1. Cela signifie quoi, en pratique ? Comme pour retourner le couteau dans la plaie, l’agence a signalé que, statistiquement, un cinquième des obligations arborant ce rating faisait défaut endéans les cinq ans. Sympa…

L’Europe reste une cible de choix pour les marchés financiers. En début de semaine, l’agence de notation Moody’s n’a pas hésité à abaisser le rating de la Grèce de trois crans, à B1. Cela signifie quoi, en pratique ? Comme pour retourner le couteau dans la plaie, l’agence a signalé que, statistiquement, un cinquième des obligations arborant ce rating faisait défaut endéans les cinq ans. Sympa…

En réalité, cette dégradation ne change pas grand-chose : depuis que Fitch s’est alignée sur le leader Standard & Poor’s à la mi-janvier, en abaissant la notation de la Grèce à BB, la dette hellène a totalement perdu sa « qualité d’investissement » et ne peut plus être achetée par la plupart des investisseurs institutionnels. Trop dur ? Soyons juste : nombre d’économistes européens ont déjà déclaré, y compris dans nos colonnes, que la Grèce ne pourrait pas s’en sortir. Affirmer que les obligations grecques sont spéculatives ne semble donc pas vraiment excessif…

Ce dernier développement n’en a pas moins propulsé à un nouveau sommet les CDS sur la Grèce, ces produits dérivés qui expriment surtout le sentiment du marché, tandis que le taux d’intérêt exigé des obligations grecques repassait au-dessus de 12 %. Ce dernier niveau n’est pas un record, contrairement aux quelque 7,4 % qui sont aujourd’hui de mise pour le Portugal. C’est pourquoi la nouvelle tension qui frappe Lisbonne, bien que moins médiatisée, est peut-être plus préoccupante. Contrairement à la Grèce, le Portugal n’est pas encore classé parmi les cancres absolus et il serait dommageable pour la zone euro que le marché lui inflige cette dégradation. Et sans doute plus dangereux encore pour l’Espagne, qui craint toujours un effet de contagion.

Dans ce contexte, il serait de bon ton que l’Europe puisse rassurer, au moins formellement, en renforçant la capacité et la portée du Fonds européen de stabilité financière. Or, ce FESF s’appuie largement sur la contribution financière et (surtout) sur l’excellent rating de l’Allemagne. Laquelle a conditionné sa bonne volonté à l’adoption du « pacte de compétitivité » présenté début février, en tandem avec la France. La démarche est assez logique et presque personne ne conteste le principe : pour progresser davantage et pour avoir plus de chance d’éviter les crises, l’Europe a besoin d’un peu plus de convergence économique. La proposition a pourtant provoqué un tollé, car elle touchait à nombre de vaches sacrées nationales : indexation des salaires, âge de la retraite, taux d’imposition des sociétés, etc.

Le pacte n’a donc aucune chance de « passer » au sommet européen qui se tient ce vendredi à Bruxelles ? La version originale, non. Mais la version assouplie – et même franchement édulcorée – concoctée par le Conseil et la Commission, qui sait ? Après tout, quand on évacue les sujets qui divisent, il est plus facile de se mettre d’accord, aurait dit Monsieur de La Palice. Et en politique, pour faire bonne impression, le sourire des signataires l’emporte sur le contenu du document signé. Reste une question : l’Allemagne estimera-t-elle pouvoir faire passer ce texte émasculé comme une victoire auprès de son opinion publique ? On sera fixé dans les heures à venir.

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