Un père, un fils et Berlin

Karolien Berkvens, " Fils de Berlin ", éditions Globe, 250 pages, 22 euros.

Fondées en 2013, les éditions Globe ont parmi leurs objectifs de publier des livres, de fiction ou pas, qui ” parlent de notre temps ” pour ” éclairer notre époque “. L’auteure néerlandaise Karolien Berkvens, publiée pour la première fois en français par Globe avec son deuxième roman Fils de Berlin, se reconnaît assez bien dans cette description : ” Mon livre parle de Berlin, mais ça pourrait être d’autres villes européennes concernées par la gentrification. ” Ce phénomène concerne en effet de nombreuses métropoles, Bruxelles comprise. L’auteure est amstellodamoise et sait de quoi elle parle : Amsterdam est devenue une ville musée pour touristes et j’ai peur que Berlin ne suive le même chemin. ” L’écrivaine a découvert la ville allemande il y a quelques années, en vacances. Après plusieurs séjours, elle a fini par s’y installer : ” Berlin est un apprentissage. Après un an, j’avais toujours l’impression de ne pas la saisir “.

Tout avait toujours été bien, si on ne tenait pas compte des faits.

La fin du progrès

Dans Fils de Berlin, on suit Jakob, le père, et Fabian, le fils. Le premier est engagé en politique chez les sociaux- démocrates du SPD. Il travaille comme conseiller en urbanisme, rencontre d’un côté les promoteurs immobiliers ambitieux et, de l’autre, les habitants qui leur résistent. Lui, au milieu, voit sa ville changer, tout en étant convaincu du bien-fondé de sa mission. Le fils, quant à lui, appartient à une autre génération. Il se cherche, zone beaucoup et finit par devenir éboueur. Un choix assez symbolique et parlant, en cette période où de plus en plus d’activités sont taxées de bullshit jobs, qui illustre son besoin de revenir à des activités ” utiles ” . Au milieu, pas mal de personnages féminins : une mère malade, dans une sorte de coma éveillé, absente et pourtant bien là ; son aide-soignante qui semble avoir pris en charge bien plus que les soins à la personne ; une soeur lointaine vivant aux Etats-Unis ; et la petite amie activiste de Fabian – la part de révolte qui sommeille sans doute en lui.

” Père et fils ne peuvent pas se comprendre. Ils sont une famille mais ils sont loin. Ce sont les événements de la vie qui différencient les géné- rations ” , nous explique Karolien Berkvens. Le père a grandi dans une Allemagne d’après-guerre bientôt réunifiée, prospère, où les choses ne font que s’améliorer. Fabian, lui, appartient à la génération de l’écrivaine : ” Nous, les trentenaires d’aujourd’hui, avons grandi avec les attentats du 11 Septembre 2001, la sensation que le monde nous dépassait. C’était, quelque part, la fin du progrès avec les crises financière, climatique, migratoire qui nous font désormais ressentir le monde différemment. ” La question du sens est très prégnante chez Fabian : ” De quoi avons-nous réellement besoin ? “, se demande Karolien Berkvens à travers ce personnage.

Projet ambitieux

Tout est là, la ville et la famille où se brassent les conflits et les questions générationnelles. Pourtant, la magie de l’ouvrage a du mal à opérer. Les dialogues sont parfois futiles, et on ne comprend pas trop où toutes ces intentions nous mènent. Mais la question soulevée reste importante : comment deux hommes font-ils pour continuer à se parler dans une ville qu’ils ne perçoivent pas de la même façon ? Comment des générations peuvent-elles cohabiter sur une planète qui leur paraît si différente ?

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