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Uber : le bazooka du Ministre face aux cow-boys modernes
Faire fermer le site d’Uber en Belgique. Et contraindre Apple et Google de supprimer son appli de leur ” store “. Le ministre Pascal Smet sort l’artillerie lourde pour contraindre Uber à respecter ses règles. Une attitude totalement inédite. Mais est-ce forcément la bonne ?
Du côté des taxis, on est content. Le ministre Pascal Smet a “enfin” agi. Cela fait des semaines que le lobby des taxis réclame une action face à la “concurrence déloyale” d’Uber, ce service de location de voitures avec chauffeurs qui s’est installé dans la capitale au printemps. La grogne n’a cessé de grimper. Et, après une longue période d’observation, Pascal Smet a pris position en faveur de la profession. Il a même sorti l’artillerie lourde : il vient d’annoncer qu’il allait déposer une plainte au pénal pour que le Procureur du Roi puisse mener une enquête approfondie sur la société Uber. Il espère faire respecter une décision du Tribunal de Commerce qui avait condamné les pratiques de Uber, sans que ce dernier n’arrête ou adapte son service sur notre marché. Le Ministre passe clairement à l’attaque. Et comme si cela ne suffisait pas, il a chargé le Computer Crime Unit de la Police fédérale de faire le nécessaire pour mettre le site Uber hors ligne en Belgique. Il espère aussi obtenir de Google et d’Apple qu’ils ne proposent plus l’application pour smartphones dans notre pays. Bref, le ministre sort le bazooka.
De la sorte, il criminaliste les chauffeurs et la “start-up” (un géant américain soutenu financièrement par Goldman Sachs et …. Google…) valorisée mondialement à plus de 30 milliards de dollars. Espérer interdire le site, bloquer l’application : voilà le genre de mesures qui se prennent le plus souvent à l’encontre de services qui violent les droits d’auteurs ou les règles morales, les Pirates Bay ou les PopCorn Time (qui soulignons-le, reste accessible en Belgique). Rarement un service commercial, même litigieux, n’a eu à subir de telles mesures. Violent ! En même temps, ces derniers mois Uber a montré qu’il faisait des interdictions une arme marketing, voire qu’il instaurait le non-respect des règles (dépassées ou pas) en business model.
Mais la position extrême du Ministre ne risque-t-elle pas de victimiser un service qui surfe depuis longtemps sur le marketing de l’interdit ? Et cristalliser encore un peu plus les passions des férus de technologies qui voient dans Uber une vraie bonne nouvelle manière de se déplacer. Car aujourd’hui le dossier s’examine souvent sous l’angle d’un clivage basique : “protectionnisme économique d’une vieille industrie contre innovation”.
Pascal Smet a sorti l’artillerie lourde : il vient d’annoncer qu’il allait déposer une plainte au pénal pour que le Procureur du Roi puisse mener une enquête approfondie sur la société Uber.
Or, l’enjeu est plus complexe. Les chauffeurs de taxis doivent disposer d’une licence pour effectuer du transport de personnes. Les centrales de taxis doivent, elles, répondre à certaines obligations : transport de personnes handicapées, de personnes âgées, support aux transports publics, formation des chauffeurs,… Une infrastructure qui a un prix.
De son côté, Uber est arrivée sur notre marché avec… sa seule application qu’elle qualifie (à tort) de co-voiturage. Grâce à elle, tout particulier peut jouer le rôle de chauffeur (sans payer de licence). Mais également tout chômeur qui veut compléter son allocation (ce qui est interdit) ou tout chauffeur exclu de la profession. Et bien sûr, sans forcément dévoiler ces revenus au fisc. C’est d’ailleurs en partie ce qui permet à Uber de proposer des tarifs nettement plus bas que ceux des taxis. Et quand ils ont été freinés (par des jugements et des interdictions) ici comme ailleurs, les “cow boys” de Uber n’ont pas fait le moindre pas sur le côté. Pire, ils ont encore baissé leurs prix et multiplié les actions marketing et les vouchers promotionnels. Une attitude probablement jugée provocante par un ministre qui veut assoir son autorité.
Reste que la vraie avancée serait de véritablement se pencher sur l’encadrement de la profession. D’oser briser certains tabous (comme la licence des chauffeurs que certains voient, ni plus ni moins, que comme une taxe déguisée) et de fixer des règles identiques pour tous les acteurs du secteur. Que l’on oblige Uber à inciter ses chauffeurs à se conformer aux règles et à déclarer leurs revenus. Et, pourquoi pas, à partager ses listings de chauffeurs. Car, au final, l’application de Uber où tous les trajets sont enregistrés et par laquelle tous les paiements sont effectués offre justement la technologie nécessaire pour empêcher le travail en noir… Au lieu de cela, elle sert avant tout de boîte noire.
Et quand toutes les règles seront bien établies, pour Uber comme pour les taxis, la concurrence se jouera bel et bien sur la qualité du service, sur la technologie, sur le prix des courses et sur l’innovation, si chère à tous les défenseurs de l’économie collaborative.
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