L’Afrique subsaharienne, eldorado et laboratoire du paiement mobile

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Introduire le paiement mobile en Afrique subsaharienne, où 90% de la population effectuerait ses transactions en cash selon le site Africa Rising, le pari était audacieux. Pourtant, la région est aujourd’hui l’endroit au monde où ce système est le plus utilisé.

Le marché de la téléphonie mobile connaît aujourd’hui un essor sans précédent en Afrique subsaharienne. Selon un rapport établi par le Boston Consulting Group, en 2012, il y avait 98 millions de comptes mobiles financiers dans la région. C’était aussi la partie du monde où la proportion de ces comptes étant actifs était la plus élevée, de l’ordre de 43%. Des chiffres qui depuis n’ont cessé d’augmenter. Pourtant, le pari était loin d’être gagné d’avance…

Le succès des systèmes bancaires informels

En Afrique subsaharienne, le taux de bancarisation ne dépasserait pas les 30%, selon Othman Omary, du Boston Consulting Group. Interrogé par La Tribune, ce dernier donne parmi les explications “la densité des réseaux d’agences bancaires (…) très faible“. On peut aussi évoquer les salaires bas, en moyenne inférieurs à 3$ par jour.

Ces raisons font que le marché bancaire se développe lentement dans la région. La population y a aussi moins de liens avec le système bancaire traditionnel, lui préférant des systèmes informels. Parmi eux, les clubs d’épargne, comme les “tontines”, réputées au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Dans 40% des cas selon le Boston Consulting Group, ces prêts entre amis, familles ou connaissances seraient légions. Cette proportion augmente lorsqu’il s’agit d’opérations transfrontalières. Certains n’hésitent plus à embaucher des agents privés pour que leur argent passe d’un pays à un autre : une méthode coûteuse, et surtout très risquée. Sur le milliard de dollars qui transiterait de l’Afrique du Sud vers le reste du continent, 650 millions passeraient en dépit des risques par ces circuits informels.

Moins cher, plus rapide, plus sécurisé

Les obstacles et réticences n’ont étonnamment pas empêché le développement du paiement mobile. Ce dernier a su séduire l’Afrique subsaharienne. D’abord, parce que contrairement aux banques largement dispersées et souvent cantonnées aux grandes villes, le mobile s’est démocratisé dans la région. 60% des villages seraient ainsi couverts par un réseau télécom selon Africa Rising. Le paiement mobile permet aussi d’effectuer des transactions plus rapides, avec des frais moindres, et surtout, plus de sécurité. A terme, ce système pourrait par exemple s’avérer très bénéfique pour les vendeurs au détail. Ne recevant quasiment que de l’argent liquide, ils s’exposent malgré eux aux vols.

Le paiement mobile s’est envolé en Afrique subsaharienne, à tel point que certaines grandes entreprises en ont fait le terrain de leurs études de marché. Profitant d’une législation plus souple, elles testeraient leurs produits dans la région, avant de les lancer dans le reste du monde.

De nouveaux défis à relever

Mais derrière cette carte postale idyllique, se cachent quelques difficultés persistantes que le paiement mobile peine à surmonter. D’abord, le marché est toujours très fragmenté. À l’exception peut-être du Kenya, où l’utilisation de la plate-forme M-Pesa s’est généralisée, dans les autres pays, ils sont beaucoup d’acteurs à se partager la vedette. Trop nombreux, selon le Boston Consulting Group, qui estime que la part de gâteau est trop “petite” pour supporter une telle concurrence. Cette rivalité est d’autant plus pénalisante que souvent, on ne peut envoyer de l’argent à une personne qui n’utilise pas la même plate-forme.

Autre difficulté, les utilisations du paiement mobile sont encore limitées du fait de traditions bien ancrées. Les populations subsahariennes s’en servent pour les paiements, comme le règlement de leurs factures d’eau et d’électricité, mais très rarement pour contracter un prêt ou épargner. La méthode de la liasse de billets sous le matelas aurait encore bon dos. Une tendance qui pourrait s’inverser grâce à la hausse des salaires, qui pousserait à aller vers de nouveaux produits financiers, comme les assurances ou les prêts hypothécaires… auxquels on pourrait souscrire via son smartphone, bien entendu.

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