Quid des 17,5 milliards de Liliane Bettencourt ?

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Investir, gérer son patrimoine, acheter une baguette de pain… La 3e fortune de France, “mise sous tutelle” depuis lundi, ne pourra plus se servir de son argent elle-même. Voici les clés pour comprendre la mesure et ses conséquences sur le quotidien de l’héritière de L’Oréal.

Que vont devenir les 17,5 milliards d’euros de Liliane Bettencourt? La troisième fortune de France a été placée ce lundi sous tutelle, par une juge de Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine. À la demande de sa fille, l’héritière de l’Oréal se voit placée sous le plus haut niveau de protection judiciaire réservé aux personnes altérées mentalement ou physiquement. Liliane Bettencourt sera “représentée par un tuteur dans tous les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine.” Que signifie vraiment cette mesure et quelles en seront les conséquences pour Liliane Bettencourt et l’Oréal, l’empire crée par son père? Eléments de réponse.

La mise sous tutelle, c’est quoi ?

La tutelle est destinée à protéger une personne majeure et/ou son patrimoine s’il n’est plus en état de veiller sur ses propres intérêts. La personne ne peut alors plus engager aucune dépense de son propre chef, rédiger un testament ou mettre en vente ses biens. Elle est également représentée en justice par son tuteur. Pour le reste, le juge énumère au cas par cas ce que l’intéressé peut ou ne peut pas faire, seule ou avec son tuteur.

Quelles sont les conditions de la mise sous tutelle ?

La personne placée sous tutelle doit souffrir d’une altération des facultés mentales ou physiques, qui l’empêche de se gérer seule sans se mettre en danger, physique, financier, ou moral. Dans l’affaire Bettencourt, l’héritière de L’Oréal a été jugée atteinte de démence par la juge de Courbevoie, qui s’est appuyée sur un rapport d’expertise médical.

Selon les informations du journal Le Monde, Liliane Bettencourt souffre d’une maladie d’Alzheimer à un stade modérément sévère, et serait la proie d’un “processus dégénératif cérébral lent et progressif”, doublé d’une anosognosie: elle ne sait pas qu’elle est malade.

“L’avis des médecins est roi dans ce genre de situation. Dans la majorité des cas, le juge suit donc les conclusions du rapport “, explique à L’Expansion.com Joachim Fain, avocat spécialisé en droit de la famille.

Qui sont les tuteurs ?

Le juge peut nommer plusieurs tuteurs, en distinguant “la protection de la personne et la gestion patrimoniale”. Il n’y a pas de limite dans le nombre de personnes. Le choix se fait si possible en tenant compte des souhaits de l’incapable juridique mais au final, “c’est le juge qui tranche quoi qu’il arrive “, précise Joachim Fain.

Pour la sphère personnelle, Liliane Bettencourt va être placée sous la tutelle de son petit-fils aîné, de 25 ans, Jean-Victor Meyers. Ses biens et son patrimoine, y compris ses 30% de part dans l’Oréal, seront placés sous la tutelle de sa fille Françoise et de ses deux-petits fils Jean-Victor et Nicolas.

Qu’est-ce que ce dispositif change au quotidien ?

Sauf si le juge en décide autrement, Liliane Bettencourt pourra théoriquement voter, changer d’emploi, choisir son lieu de résidence, et se déplacer librement, y compris à l’étranger. Toutefois si elle veut quitter la France, comme elle en a exprimé le désir ce dimanche, elle en a la possibilité, à la réserve près qu’elle aura besoin de l’autorisation de son tuteur pour dégager les fonds nécessaires au voyage, en l’occurrence son petit-fils. De même, une tutelle n’oblige pas la personne protégée à quitter un poste d’administrateur de société. Mais comme elle n’est plus en mesure de prendre des décisions patrimoniales, elle sera représentée là encore par ses tuteurs.

Le tuteur peut-il annuler des actes réalisés dans le passé ?

“Non, il doit nécessairement demander l’accord du juge”, indique Joachim Fain. Ainsi, si l’un des tuteurs de Liliane Bettencourt juge qu’un placement a été fait par l’héritière de L’Oréal sous l’influence d’un profiteur, il devra s’adresser au juge pour l’annuler. Et celui-ci devra déterminer si l’investissement a été entrepris à un moment où Liliane Bettencourt possédait toutes ses facultés mentales.

Quelles seront les conséquences de cette mise sous tutelle pour L’Oréal ?

Liliane Bettencourt est la première actionnaire de L’Oréal. Régulièrement des rumeurs font état des velléités de Nestlé de s’emparer de l’Oréal dont il est le deuxième actionnaire, avec 29,7% du capital. L’an dernier, Liliane Bettencourt affirmait qu’en cas de mise sous tutelle, sa fille s’empresserait d’aller vendre ses parts au géant suisse de l’alimentaire. Aujourd’hui, cette dernière s’en défend catégoriquement, et rappelle dans un communiqué “l’attachement profond de toute la famille à L’Oréal, et (son) souhait intact de continuer à en accompagner le développement dans le futur”.

De toutes façons, jusqu’en 2014, les deux actionnaires sont liés par un pacte qui les empêche d’augmenter leur participation au capital jusqu’à 6 mois après la mort de Liliane Bettencourt, et les oblige demander l’autorisation de l’autre pour vendre ses actions. Selon Françoise Meyers, la mise sous tutelle de sa mère ne modifierait pas ces accords. Jusqu’en 2014 au moins, le groupe ne devrait donc pas subir de profond changement.

Gaétan Supertino, L’Expansion.com

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