Tricher sur les chiffres du déficit, un sport européen

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La réputation financière de la Grèce a encore pris un coup dimanche. Le New York Times a révélé que Goldman Sachs lui avait fourni un produit dérivé lui permettant de masquer sa dette. Mais Athènes n’est pas la seule à ruser pour réduire son déficit public.

Comment Goldman Sachs a-t-elle aidé la Grèce à masquer l’ampleur de sa dette en 2001?

Les critères de Maastricht empêchant la Grèce de trop augmenter la dette, Goldman Sachs lui aproposé une autre formule pour emprunter: du cash contre des versements futurs. Sur le papier, ce n’est pas une dette mais un swap sur devises (un échange de flux financiers). Les Etats ont souvent recours à ce type de produits dérivés pour se couvrir contre les risques de change. Sauf que Goldman a monté la transaction de manière à camoufler dans le swap de 10 milliards de dollars un prêt d’un milliard à la Grèce. Prêt que l’Etat rembourse jusqu’en 2019 en cédant à la banque ses taxes d’aéroport et les revenus de sa loterie nationale. L’opération est tout à fait légale. D’ailleurs, Eurostat, l’agence chargée de vérifier les comptes publics dans l’UE, était au courant selon Bloomberg.

La Grèce, habituée des statistiques frauduleuses ?

La péninsule hellénique n’en est pas à sa première “tricherie” statistique. Son déficit excessif l’ayant empêché de rentrer une première fois dans la zone euro en 1999, le pays a procédé à une vaste opération de “maquillage” de ses comptes : le gouvernement a “inscrit les commandes de matériel militaire dans son bilan non pas au moment de la commande, mais au moment de la livraison”, explique Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE. De même, des milliards d’euros de dépenses publiques dans le secteur hospitalier ont échappé au bilan de l’Etat. Ainsi, le déficit officiel de la Grèce en 2001 était de 1,4% du PIB et l’Etat a pu rejoindre la zone euro, alors que son déficit était en réalité de 3,7%. Résultat, il est difficile aujourd’hui de connaître les “vrais chiffres” de ses finances. En 2009, alors que le gouvernement sortant prétendait que le déficit était inférieur à 6%, le nouveau premier ministre Georges Papandreou annonçait qu’il était plutôt de l’ordre de 13%. Désormais, il semblerait que 16% soit plus proche de la réalité…

La Grèce est-elle le seul pays à “tricher” sur ses chiffres ?

Loin de là… “Dans tous les pays, les chiffres de la dette et du déficit ont toujours un petit halo de comptabilité créative”, résume Henri Sterdyniak. En 1996, l’Italie a eu recours à des swaps avec la banque américaine JP Morgan pour réduire artificiellement son déficit, selon le New York Times. De manière plus “classique”, Berlusconi a “cédé pour 10 milliards d’euros les droits d’entrée dans les musées nationaux à une société financière, qui reçoit en échange 1,5 millard d’euros par an pendant 10 ans”, explique l’économiste de l’OFCE.

Mais l’Italie et la Grèce ne sont pas les seuls à recourir à des emprunts masqués pour satisfaire les critères de Maastricht. En 2004, Goldman Sachs et Deutsch Bank ont réalisé un montage financier pour l’Allemagne appelé “Aries Vermoegensverwaltungs”. Selon l’économiste Felix Salmon, l’Allemagne aurait ainsi emprunté à des taux largement supérieurs à ceux du marché, uniquement pour éviter que la dette n’émerge dans les comptes publics. La France n’est pas en reste. Selon Henri Sterdyniak, “au début des années 2000, elle a émis des emprunts et a inscrit le remboursement des intérêts à la fin d’une période de 14 ans.”

Trends.be, L’Expansion.com

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