Eddy Caekelberghs

Sous l’aile de l’Oncle Sam

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

La détermination militaire et politique du président ukrainien a démontré (si besoin en était) l’extrême faiblesse et fragilité d’une Union européenne toujours incapable d’une défense commune et stratégique.

Visite éclair à Washington et succès politique pour l’Homme de l’Année! Alors qu’il était en souffrance politique et médiatique avant l’invasion russe, Volodymyr Zelensky a réalisé le sans-faute depuis les premières heures du 24 février 2022.

Interventions télévisées pour contrer le discours du Kremlin, soutenir le moral des troupes et de ses populations ; interventions régulières par visioconférences devant à peu près toutes les assemblées parlementaires européennes et au-delà ; accueil de quelques délégations politiques de haut niveau à Kyiv pour montrer la solidité des liens qui unissent l’Ukraine à l’Europe et au monde démocratique ; jusqu’à une candidature record à l’adhésion à l’Union européenne: c’est un vrai parcours d’obstacles surmonté avec panache et sens du propos.

L’homme a aussi réussi à modifier très sensiblement la politique des capitales européennes et américaine. Des capitales qui, aux premières heures du conflit, étaient plutôt acquises (surtout en Europe) à un certain fatalisme déguisé en pseudo- “réalisme” géostratégique: ne froissons pas le géant russe, notre fournisseur attitré. Les faits d’abord, la détermination militaire et politique de Zelensky ensuite ont bouleversé les agendas énergétiques et modifié les routes commerciales. Ces mêmes éléments ont également démontré (si besoin en était) l’extrême faiblesse et fragilité d’une Union européenne toujours incapable d’une défense commune et stratégique.

L’histoire européenne ne décolle pas. Nous restons l’acteur de série B. A quand un ressaisissement?

Le quotidien “Tageszeitung”, en Allemagne, se dit impressionné par la capacité du président ukrainien à toucher la corde sensible dans chacun de ses discours devant les Parlements étrangers: “Contrairement à une Allemagne qui reste sceptique vis-à-vis des affaires militaires malgré l’évolution du monde, Zelensky a pu déployer aux Etats-Unis tout le pathos du courageux soldat défendant son pays. Ne pas l’applaudir aurait été inacceptable pour les politiques américains de quasiment tous les bords. (…) De ce point de vue, la visite a donc été – cela va de soi – une mise en scène de la première à la dernière minute, mais une mise en scène avec des objectifs politiques. Ceux-ci ont été atteints, à court terme du moins.”

Mais tout ceci a encore démontré la sujétion des Européens à l’Oncle Sam! Le président américain a pu ainsi souligner son rôle de leader de l’Occident, jugeait, en décembre, le quotidien Jyllands-Posten au Danemark: “La visite a également été un succès pour Joe Biden. Elle lui a donné l’occasion de réaffirmer le rôle de première puissance du monde libre des Etats-Unis. (…) Les Etats-Unis ont aussi repris leurs engagements en Europe, ce qui n’est pas passé inaperçu. Pour la France du président Macron, force est de constater qu’il sera impossible de court-circuiter Kyiv et de tenter de négocier la fin de la guerre directement avec Moscou.”

Et, pour ma part, je partage entièrement l’analyse du quotidien polonais Wprost qui estimait que “les rapports de pouvoir évoluent en Europe. La défaite de Moscou, que Zelensky et Biden ont posée comme un objectif stratégique à Washington, signifiera aussi la création d’un puissant centre de pouvoir politico-militaire en Europe centrale et orientale, qui sera tributaire d’une étroite alliance avec les Etats-Unis. Outre l’Ukraine, la Pologne et d’autres Etats membres de l’Otan et de l’UE dans la région en feront partie. Il s’agira d’une entité naturelle, voire d’un contrepoids à l’Allemagne, qui contrôle la politique orientale de l’Europe depuis trop longtemps.” L’histoire européenne ne décolle pas. Nous restons l’acteur de série B. A quand un ressaisissement?

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