Pieter Timmermans

Report ou abandon? The choice is yours, Prime Minister

Pieter Timmermans Administrateur délégué de la FEB

L’ancien ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson, chef de file de la campagne en faveur du Brexit, a parcouru le pays en 2016 dans un bus rouge en promettant de verser intégralement les 350 millions de livres affectées chaque semaine au budget européen au ‘National Health Service’, à savoir la sécurité sociale britannique. Il a promis un avenir meilleur à la population. Celle-ci rêvait d’un Brexit qui rendrait au Royaume-Uni le contrôle de ses frontières et de ses lois, tout en conservant exactement les mêmes avantages qu’en étant membre de l’Union européenne.

Le rêve vire au cauchemar

Deux ans et demi après le référendum, il est clair que le vote en faveur du Brexit a fortement affecté l’économie britannique. L’ironie veut que cela coûte au Trésor environ 440 millions de livres par semaine, soit nettement plus que ce que le Royaume-Uni a jamais versé au budget de l’UE, déclare le Centre for European Reform. Sans oublier le bain de sang social. La University of Sussex a calculé que 400.000 à 750.000 emplois sont en péril. Cette incertitude vaut également pour les investissements britanniques. La semaine dernière, Greg Clark, ministre britannique des Entreprises, a tiré la sonnette d’alarme parce que des centaines de millions de livres ne sont plus affectées par les entreprises à des investissements productifs, mais utilisées pour se protéger contre le Brexit.

Le fait que les députés britanniques rejettent l’accord proposé par Theresa May était écrit dans les astres. Dès le début des négociations, le pays était totalement divisé et il n’y avait pas de vision sur la relation future avec l’UE. Il était incompréhensible dans ces conditions de lancer la procédure de sortie sans avoir au préalable atteint un accord au sein du gouvernement. La conséquence est connue : les ministres ont tour à tour jeté l’éponge et les parlementaires se sont rebellés contre le gouvernement. Lors d’une dernière tentative de sauvetage pour trouver suffisamment de soutien pour son accord, Theresa May a demandé et reçu un certain nombre de précisions supplémentaires de la part de l’UE. De nouvelles négociations n’étaient plus à l’ordre du jour.L’UE s’en tient, avec raison, à ses principes.

A politician thinks of the next election. A statesman, of the next generation.

Ce vote négatif est une humiliation pour la Première ministre et ébranle davantage son autorité déjà vacillante. Elle peut désormais opter pour un ‘no deal’-Brexit et en accepter les dommages inéluctables. Cela se révélerait désastreux d’un point de vue tant économique que politique et n’est donc pas une option logique.

Une alternative valable s’offre toutefois à Theresa May pour mettre un terme au chaos occasionné par le Brexit et limiter les dégâts. Elle devra poser un acte politique audacieux, à savoir raisonner la population, qui a effectué un vote instinctif, et lui expliquer que les promesses du référendum ne pourront être intégralement tenues. Ensuite, deux voies s’ouvrent à elle :

Primo, elle peut acquérir un délai supplémentaire en demandant une prolongation des négociations, ce qui revient à geler le Brexit. C’est parfaitement possible en vertu du Traité européen.Cela requiert toutefois l’unanimité des États membres de l’UE. Mais il ne fait aucun doute qu’elle l’obtiendra.En effet, quel Etat membre préférerait un ‘cliff-edge Brexit’ ou se voir attribuer la responsabilité d’un ‘no deal’ ? Elle pourrait alors utiliser ce délai pour mettre d’accord le monde politique britannique et faire approuver son accord par le Parlement d’une manière ou d’une autre. Cela permettrait d’obtenir un Brexit acceptable, mais qui ne répond pas à l’instinct ou au rêve de la population. Ou elle peut mettre ce temps à profit pour organiser un second référendum ou opter pour un nouveau modèle où le R.-U. deviendrait par exemple membre de l’Espace économique européen, comme la Norvège.

Secundo, elle peut chercher de l’aide auprès de la Cour de justice européenne. Les juges à Luxembourg ont en effet estimé que le R.-U. peut unilatéralement annuler la procédure de sortie. Theresa May peut ainsi faire marche arrière et le R.-U. resterait au sein de l’UE, où il a sa place. Soyons honnêtes : quelle que soit sa forme, le Brexit affectera sérieusement l’économie britannique, avec des pertes allant de 3,9% avec l’accord actuel à 9,3% en cas de ‘no-deal’. Ces chiffres officiels du gouvernement britannique sont très éloquents et confirment que le “no Brexit” est de loin la meilleure option.

Ces deux options permettent d’éviter que la crise du Brexit ne débouche sur un scénario ‘no-deal’ désastreux et irraisonnable où les Britanniques quittent l’UE sans accord de séparation, sans phase transitoire ni perspective quant à une relation future durable avec l’UE, ce qui serait particulièrement néfaste pour les entreprises belges. Notre priorité est donc claire. Et éviter ce scénario est à peu près le seul point faisant l’objet d’une majorité démocratique au sein de la Chambre des communes britannique.

L’affirmation “A stateman thinks of the next generation” est donc essentielle. Le véritable homme ou plutôt la véritable femme d’État est-elle prête à se révéler ?

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