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Réduire les inégalités salariales, une réponse à la crise du coronavirus?

Selon le Comité européen des droits sociaux (CEDS) dans sa communication du 29 juin dernier, la Belgique compte parmi les pays qui n’ont pas respecté leur engagement de réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Il pointe “l’insuffisance de progrès en vue de réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, le manque de transparence sur le marché du travail, l’absence de voies de recours effectives ou le manque de pouvoirs et de ressources des organismes nationaux de promotion de l’égalité hommes-femmes”.

Alors que la question d’une plus juste rémunération d’un certain nombre de fonctions a refait surface avec la crise du Covid-19, ne serait-il pas aussi temps de remettre au centre de la réflexion le principe d’un salaire égal pour un emploi de valeur comparable ?

Le principe de base

Pour aller au-delà des arguments avancés jusqu’à présent pour “justifier” cet écart salarial, le principe d’un salaire égal pour un travail de valeur comparable propose de dépasser la question de la ségrégation professionnelle, les salaires des hommes et des femmes devant être égaux à la fois pour un emploi identique mais également pour un emploi différent ayant une valeur comparable.

Car il ressort clairement qu’un taux élevé de féminisation d’un secteur ou d’une catégorie d’emploi va de pair avec des salaires plus faibles et qu’il faut donc casser ce mécanisme qui entraine une sous-valorisation de certaines fonctions (comme les infirmières, les puéricultrices, …). Ce qui permettrait non seulement d’éviter que la féminisation de certains métiers n’entraine une dévalorisation de ceux-ci et aussi de contribuer à une égalité de rémunération de salaires dans toutes les fonctions.

Ce qui est interpellant c’est que la Belgique, mais les autres pays aussi, s’est dotée d’une législation reconnaissant le droit à un salaire égal pour un travail égal, ou un travail de valeur égale.

Comment mettre cette égalité en place ?

Il y a fort à parier que la méthode n’a pas été adéquate ou qu’il n’y a pas eu de réelles volontés de faire l’exercice de comparaison. Ou comme le soulignait déjà en 2008 le Bureau International du Travail (BIT) “les difficultés d’application de la convention dans la législation comme dans la pratique résultent surtout du fait que la portée et les incidences du concept de “travail de valeur égale” sont mal comprises. Pourtant, ce concept est la pierre angulaire de la convention. Il est au coeur même du droit fondamental des hommes et des femmes à l’équité salariale pour un travail de valeur égale, au coeur même de la promotion de l’égalité”.

Car il faut mener un véritable travail en profondeur pour déterminer une valeur intrinsèque du travail, reposant sur les exigences en compétences, efforts et responsabilités. Le BIT a d’ailleurs défini une méthode analytique par points et par critères et qui a été appliquée par certains pays comme la Suède ou la Finlande.

Dans ces pays, un modèle proactif rend obligatoire la mise en oeuvre de l’équité salariale dans les entreprises publiques et privées. Généralement les caractéristiques de ce modèle sont les suivantes : “il s’applique à tous les employeurs répondant à certains critères ; il impose des obligations de résultats, dans un délai précis; il indique les principaux critères méthodologiques à observer pour atteindre ces résultats et il est réalisé conjointement entre l’employeur et les représentants des salariés” (Promouvoir l’équité salariale au moyen de l’évaluation non sexiste des emplois : guide de mise en oeuvre. BIT. 2008).

Il y a eu d’énormes débats sur la méthode précise à adopter ainsi que sur les risques liés à l’application de cette méthode. Mais à force de tergiverser le vrai travail de refonte n’a pas été fait.

Oser mener la réflexion

La question des métiers indispensables qui a été mise en avant durant la crise du Covid-19 ne devrait-elle pas inciter la Belgique et les autres nations, à suivre l’exemple du Québec ou de la Suède et à mener un vrai travail pour arriver enfin à une réduction des écarts de rémunérations ? Même si cet outil n’est pas parfait, il pourrait en l’occurrence poser le débat de fond sur l’impact sur les salaires d’une féminisation de certaines fonctions qui sont pourtant apparues comme fondamentales durant la crise que nous venons de traverser.

Cela demandera un effort collectif et aussi une refonte du budget pour une meilleure allocation des ressources. Il faudra accepter d’augmenter sensiblement la rémunération de certaines fonctions, ce qui pourrait entrainer des sacrifices pour d’autres (comme par exemple le gel des salaires de la fonction publique appliqué par le Québec). Cependant, cette crise a davantage mis en évidence la nécessité d’une plus grande égalité et celle de la rémunération hommes-femmes ne devrait plus se poser en 2020.

Bernard Keppenne, Chief Economist CBC Banque

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