“Profitons de la négociation communautaire pour réduire le coût de l’Etat !”

© Belga

La Fédération des entreprises de Belgique présente son traditionnel mémorandum au gouvernement qui sortira des urnes après le 13 juin. Rudi Thomaes, son administrateur délégué, y invite l’Etat à se serrer la ceinture, à assainir les finances publiques, sans oublier de renforcer la compétitivité de l’économie belge et de la zone euro.

Retrouvez également l’interview vidéo de Thomas Leysen, président de la FEB, par nos collègues de Canal Z en cliquant ici.

Selon le Bureau du plan, la Belgique devra fournir un effort de 22 milliards d’euros sur cinq ans, afin de juguler son déficit budgétaire. Le prochain gouvernement semble contraint d’annoncer rapidement un plan d’austérité. Qu’en pense l’administrateur délégué de la FEB ? Morceaux choisis de l’interview accordée par Rudi Thomaes à Trends-Tendances.

Peut-on tabler sur un plan “soft” ou doit-on redouter des mesures “à la grecque” ?

En Grèce, la situation a tellement déraillé que des mesures draconiennes se sont avérées nécessaires. Heureusement, en Belgique, on n’en est pas là. Mais une leçon peut déjà être tirée de la crise grecque : plus on reporte les décisions difficiles, plus elles deviennent pénibles à mettre en oeuvre, et plus elles suscitent de réactions virulentes de la part du public. C’est la raison pour laquelle la FEB suggère au prochain gouvernement de couler les grandes décisions socio-économiques dans l’accord gouvernemental, et de mettre sur pied un plan pluriannuel, qui permettra d’introduire graduellement les mesures difficiles. C’est une recette qui peut fonctionner pour éviter des situations extrêmes comme en Grèce. Il faut fixer dès le départ des balises chiffrées, non discutables.

Vous reprochez aux gouvernements précédents d’avoir été trop flou sur les mesures qu’ils comptaient prendre au cours de la législature ?

Je reproche surtout à ces gouvernements d’avoir investi trop peu de temps dans le travail sur les réformes nécessaires. Trois grands facteurs expliquent cette situation malheureuse : les difficultés communautaires, la crise bancaire et des élections qui arrivent un an trop tôt. On aurait pu aboutir sur certains dossiers, comme celui des pensions, qui venait à peine d’être ouvert. Et des décisions comme la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, n’ont même pas pu être prises.

Une nouvelle joute communautaire s’annonce pour les futurs partenaires gouvernementaux. Le débat sur les mesures d’austérité ne risque-t-il pas de passer au second plan ?

Les deux débats devront forcément coïncider. Pour la FEB, la négociation communautaire doit aussi être l’occasion de discuter sans tabou de la réduction du coût de l’Etat. Nous avons reçu de nouveaux chiffres d’Eurostat concernant les effectifs dans la fonction publique de nos voisins européens. Ils sont édifiants. Entre 2007 et 2008, les mesures allemandes ont abouti à une diminution de 14.000 fonctionnaires. En France aussi, l’administration compte 14.000 fonctionnaires en moins. Aux Pays-Bas, les effectifs ont été réduits de 1.900 personnes. Sur la même période, la Belgique affiche 4.000 fonctionnaires supplémentaires, malgré la perte de 1.000 postes dans l’armée. Et ce alors que notre pays compte déjà 70.000 fonctionnaires de trop, par rapport à la moyenne européenne pondérée de l’emploi dans la fonction publique. Nous évaluons le potentiel d’économies à 5 milliards d’euros.

Dans votre mémorandum, vous indiquez aussi qu’il faut réduire les pensions des fonctionnaires, pour les aligner sur celles des salariés…

Il reste des systèmes hérités du passé qui devraient être abandonnés. C’est le cas de la péréquation, qui permet aux pensions du secteur public d’évoluer – en plus des sauts d’index – en fonction des augmentations salariales accordées aux fonctionnaires qui sont encore sur le marché du travail. Je tiens à dire aussi que la réduction du nombre de fonctionnaires ne donnera pas lieu à un bain de sang social, vu le nombre de départs à la pension prévus dans le secteur public.

Vous avez d’autres propositions pour diminuer le train de vie de l’Etat.

Il faut avoir le courage d’éliminer certaines couches, plutôt que d’en ajouter continuellement de nouvelles. Les provinces, qui continuent d’engager à tour de bras, doivent être rationnalisées. Les communes aussi, devraient être surveillées plus attentivement. En Flandre, comme peut-être en Wallonie, on construit des centres culturels dans des petits villages. Des perles d’architecture qui coûtent des fortunes, sans parler des coûts d’exploitation… On pourrait également réfléchir au coût du Sénat, dans le cadre du nouveau rôle que l’on souhaite confier à cette institution. Autre sujet primordial : il faut modifier la loi de financement. C’est un élément dont on parle peu au sujet des discussions communautaires, mais c’est un élément essentiel. Aujourd’hui, la loi de financement génère des effets pervers, qui font que les régions performantes ne sont pas récompensées.

Propos recueillis par Gilles Quoistiaux

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le n° 21 du magazine Trends-Tendances, daté du 27 mai 2010.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content