Eddy Caekelberghs

Pourquoi Etats-Unis et Chine sont prêts à négocier

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

L’air est connu: pendant les guerres, les affaires continuent! L’Europe commerce avec la Russie et la Biélorussie. Moins certes, mais quand même. Les entreprises essaient de contourner les boycotts qui handicapent les marchés. Et alors que Joe Biden et Xi Jinping se voient en marge du sommet des pays les plus industrialisés (donc puissants et riches, apparemment), d’autres Etats cherchent et réussissent à tirer les marrons du feu.

Quand, il y a quatre ans, Donald Trump se lance dans une guerre commerciale avec la Chine, il n’apparaît pas évident que cette décision entraînera des conséquences spectaculaires sur les flux d’échange tant les économies chinoise et américaine semblent alors imbriquées dans la chaîne de valeur mondiale. Aujourd’hui, pourtant, les effets de ces droits de douane imposés par Trump semblent significatifs. Et le retrait – réel! – de la Chine profite sans conteste à tous les autres Etats et singulièrement aux pays asiatiques émergents ou en développement qui ont donc vu s’accroître leur excédent commercial avec… les Etats-Unis.

Cela dit, la politique chinoise zéro covid explique tout autant cette reconfiguration des échanges Etats-Unis-Chine, notamment en raison des difficultés de cette dernière d’approvisionner le marché mondial, et donc américain, qui a conduit le pays à fermer ou ralentir ses chaînes de production.

Ces dernières années, les classes moyennes chinoises ont souhaité profiter de ces acquis et les salaires ont beaucoup augmenté, ce qui a fait perdre à la Chine son avantage comparatif dans l’industrie d’assemblage qui fut à l’origine de sa réussite. Le pays a commencé à délocaliser certaines de ses productions, tout particulièrement vers les autres pays asiatiques, les grandes multinationales emboîtant le pas. Conséquence: ce qu’exportait hier la Chine va l’être de plus en plus par le Vietnam, l’Inde, la Thaïlande ou la Malaisie. Il y a, en Asie, une production susceptible de se substituer aux biens chinois devenus plus chers du fait de la hausse des droits de douane. Au-delà des secteurs traditionnels comme le textile, on retrouvera les équipements électriques et le matériel électronique, l’industrie mécanique, l’habillement.

Mais il y a un tropisme que nos statistiques ne relaient pas. En fait, la Chine s’est spécialisée dans le stade final de production (assemblage, couture), quitte à importer ses matières premières, ses biens intermédiaires et ses composants du Japon, de Corée, de Taiwan ou… des Etats-Unis. Ce qui entraîne, selon toutes les études, une valeur ajoutée chinoise bien moindre que celle que nous enregistrons classiquement. Clairement, si on avait imputé le prix de ces biens intermédiaires à leur pays d’origine, le déficit bilatéral des Etats-Unis avec la Chine se serait considérablement réduit et celui avec le Japon ou la Corée considérablement accru.

On l’a déjà dit et rappelé ici, la situation économique chinoise semble se complexifier. Comme le souligne par exemple l’économiste Robin Brooks, les sorties de capitaux sont maintenant aussi importantes que lors de la peur de la dévaluation du renminbi en 2015-2016. Et la Chine pourrait certes encore connaître quelques taux de croissance enviables, mais sans remise en cause plus profonde, ces derniers deviendront de plus en plus rares.

Tout ceci est finalement une bonne nouvelle: Etats-Unis et Chine, affaiblis ou en perte de puissance, sont donc prêts à négocier. La paix mondiale et le règlement des marchés, et donc des conflits, s’en sortiront renforcés. Mektoub!

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