Plan de relance : un projet sur cinq accuse déjà du retard

Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

La stratégie “Next Gen Belgium” prévoit plus de six milliards d’euros d’investissements publics d’ici 2026. Elle recouvre 159 projets qui n’avancent pas tous au même rythme.

Le verre est rempli aux trois quarts. Quelque 78% des projets d’investissement retenus dans le plan de relance de l’économie belge suivent en effet le calendrier de mise en oeuvre, présenté au printemps 2021 par le gouvernement fédéral, annonce le secrétaire d’Etat à la Relance, Thomas Dermine (PS), en remettant son rapport semestriel à la Commission européenne. Il cite pêle-mêle, l’amélioration de l’accessibilité des gares, l’équipement ICT des écoles, le déploiement de bonnes de recharges en Flandre, le lancement des marchés pour cristalliser la chaîne de valeur hydrogène en Wallonie ou l’attribution des travaux d’aménagement du site A6KE6K. “Nous nous étions fixés des jalons précis et nous les respectons, se réjouit Thomas Dermine. En tant que responsable politique, je suis heureux d’y arriver. En tant que citoyen et en tant que papa, je reste toutefois conscient que ce n’est pas suffisant pour réussir la transition de notre économie.”

Il ne faut en effet pas être grand mathématicien pour comprendre que 22% des 159 projets (119 investissements et 40 réformes) connaissent des retards au démarrage. Cela ne semble pas inquiéter outre mesure le secrétaire d’Etat qui doit parfois naviguer dans la complexité institutionnelle belge (la réglementation sur l’hydrogène relève du Fédéral et celle sur le CO² des Régions) ou acter des retards de livraison de certains équipements par les partenaires industriels (c’est le cas pour le démonstrateur de panneaux solaires flottants). Il assure que les discussions avec les Régions sont “fluides” et que ses équipes mènent un intense travail de “de-bugging” pour dépasser les différents obstacles. Tous les projets ont le même canevas de reporting, avec des jalons et des indicateurs de performance, explique Thomas Dermine. C’est intéressant dans la culture politique belge d’avancer ainsi dans la transparence et de faire vivre les plans dans la durée.” L’état d’avancement des projets peut être consulté via le site nextgenbelgium.be, avec une mise à jour trimestrielle.

L’impact des pénuries de main d’oeuvre

Les vrais défis de concrétisation vont seulement arriver. Jusqu’à présent, les jalons étaient en effet essentiellement politiques ou administratifs (cahiers de charges, permis etc). Progressivement, les chantiers s’ouvriront avec de vrais risques de pénurie de matériaux ou de main d’oeuvre. Le prix des matériaux risque en effet de nous conduire à restreindre l’ampleur de certains projets, concède Thomas Dermine. Le manque de main d’oeuvre, je le considère plutôt comme une opportunité. Elle doit nous permettre de remettre à l’emploi des personnes qui étaient relativement loin du marché du travail. Celles et ceux qui mèneront les chantiers de rénovation énergétique des écoles par exemple, ce seront des super-héros du climat. Ce sera très motivant pour eux.”

Le plan NextGen Belgium se décline autour de cinq axes : durabilité, digital, mobilité, inclusion et innovation. Il représentait initialement plus de sept milliards d’investissements mais les montants octroyés par l’Europe à la Belgique ont finalement été ramenés de 5,9 à 4,5 milliards (le solde provient de l’Etat fédéral et des Régions), en raison de la relativement bonne résistance de l’économie belge à la crise du Covid. La Flandre et l’Etat fédéral compensent cette réduction de subsides avec leurs propres moyens, ce que Bruxelles et la Wallonie ne peuvent pas faire intégralement. Précisons aussi que les Régions ont également leurs propres plans de relance, en dehors de cette stratégie fédérale, appuyée par les fonds européens.

Les aides européennes sont débloquées par tranches. La Belgique devrait ainsi recevoir un milliard d’euros en fin d’année, si toutefois la Commission estime que notre pays respecte le calendrier de mise en oeuvre des projets et des réformes qui les accompagnent. Pourrait-elle être pénalisée pour un retard de la réforme fiscale (reportée à la prochaine législature) ou une réforme des pensions moins ambitieuse que prévu ? Pour la première fois, la Commission européenne dispose de moyens propres et se retrouve donc théoriquement en mesure de sanctionner les Etats qui ne respecteraient pas tout à fait leurs engagements. “Nous sommes en territoire un peu inconnu : l’Europe va-t-elle évoluer vers un rôle plus prescriptif ?“, interroge Thomas Dermine. Il semble toutefois confiant pour le sort de la Belgique, en se basant tant sur les fréquentes réunions entre son cabinet et le staff de la Commission pour analyser l’évolution des dossiers, que sur la faiblesse des écarts ou retards constatés dans les projets belges.

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