Pierre Hazette

Plaidoyer pour Sc.en.ia, la Scolarité enrichie par l’Intelligence Artificielle

Pierre Hazette Sénateur honoraire, ancien ministre MR

De la naissance de l’imprimerie de Gutenberg et ses conséquences, à l’arrivée de l’Intelligence Artificielle à l’école.

La naissance de l’imprimerie et ses conséquences

1450, après maintes tentatives, Gutenberg, qui a agencé des lettres métalliques sur des tableaux, réussit à reproduire des textes sans recourir à la main de l’homme.

L’imprimerie est née.

Quelques années plus tard, les copistes employés dans les abbayes se groupent et font le siège des bureaux du Père Abbé : “Qu’allons-nous devenir ? Qui va réaliser les enluminures des textes sacrés ? Quel sort est réservé à la calligraphie ?”

L’intelligence artificielle à l’école

Ceci est une fiction, bien entendu. Elle illustre pourtant les réactions timides ou timorées devant l’invasion de l’Intelligence Artificielle (I.A.) dans le monde de la robotique.

Oui, des robots , dans lesquels sont emmagasinés des documents innombrables, sont mis à contribution pour répondre aux questions d’un public étonné par les performances de l’outil informatique.

Des appréhensions traversent le monde de l’enseignement. Le plagiat menace. S’il suffit d’un clic pour répondre aux questions qui vérifient l’assimilation d’une matière, la loi du moindre effort va s’imposer sur les bancs des écoles jusqu’à l’université !

Et si, ainsi utilisée, l’intelligence artificielle avait désormais l’importance qui fut celle de l’invention de Gutenberg!

Une réponse à la pénurie d’enseignants

En dehors du débat sur l’I.A., nous entrons dans un contexte préoccupant, angoissant même : la pénurie d’enseignants à tous les niveaux de l’enseignement. Il est urgent de réfléchir aux solutions à apporter à cette impasse nouvelle dans nos sociétés et de donner à celles et ceux qui tiennent bon, dans la fonction, les moyens de remplir leurs missions.

Au premier rang de celles-ci, la formation, l’éducation à l’esprit critique, apparaît comme une urgence prioritaire.

La prolifération des messages fallacieux sur les réseaux sociaux nous impose d’armer intellectuellement les enfants, les adolescents, pour que, une fois adultes, ils puissent distinguer les informations authentiques, parce que vérifiées, des chimères à finalités commerciales, morales ou politiques.

Dans le dialogue scolaire entre la machine et l’élève ou étudiant, l’enseignant, instituteur ou professeur, occupe une fonction indispensable, certes, mais différente de ce qu’il ou elle a appris dans ses études pédagogiques.

Les conditions de l’exercice de la fonction enseignante doivent être remises sur le métier.

*

Entrons dans le monde de l’intelligence artificielle : chaque école, à quelque niveau que ce soit, dispose d’un accès à un système capable d’emmagasiner un stock infini de données, soit pour chaque discipline à chaque niveau d’études, l’équivalent d’un manuel scolaire ou d’un cours magistral du plus haut niveau, dans les universités, par exemple.

Le schéma de l’apprentissage n’a pas changé : l’apprenant doit pouvoir restituer la matière enseignée, exercer la compétence qui y est liée et, enfin, exploiter la connaissance acquise dans la séquence suivante de ses études ou dans la vie professionnelle.

Illustrons le propos.

Le cours commence. Les élèves s’installent. Le tableau numérisé s’éclaire. Apparaît le plan de la leçon. Une voix off ou le professeur développe le sujet. L’élève suit sur sa tablette soit l’exposé offert par le système, soit il s’en remet à la leçon dans la forme traditionnelle.

Après cette première phase vient la séquence des exercices prévus par le système. L’élève les exécute sur sa tablette connectée au système. Celui-ci intègre pour chaque élève les réponses apportées, les évalue, dans l’instant, indique les corrections à apporter et fournit les explications nécessaires à l’amélioration de la compréhension.

Le cours se termine par le dialogue entre l’élève et l’enseignant, en dehors de toute intervention du système, déconnecté à cet effet. Ce troisième temps de l’apprentissage est indispensable pour rendre son autonomie à l’apprenant, sous la guidance de l’enseignant, pour rendre à l’oralité sa place irremplaçable dans l’apprentissage scolaire, pour offrir de l’espace au dialogue et à l’échange et surtout pour donner des bases rationnelles à l’esprit critique.. Pas de plagiat ou de tricherie possibles à ce niveau. L’avantage réside dans la connaissance que le professeur acquiert, sur son propre ordinateur, des réponses données par chaque élève et traitées dans le système

Il n’y a que du profit à tirer de cette pédagogie attentive à prévenir la durée de vie d’une erreur et à gommer définitivement le caractère parfois traumatisant de la “faute” soulignée en rouge !

Le dialogue machine-élève

Le dialogue machine-élève est évidemment possible en dehors de la classe. L’évaluation des progrès accomplis est accessible au professeur, mais aussi aux parents sous la protection d’un code de confidentialité.

L’enseignement d’une ou de plusieurs matières par immersion dans une langue étrangère est parfaitement conciliable avec cette forme d’éducation.

La scolarité enrichie par l’Intelligence Artificielle évitera les salles d’études envahies par les élèves inoccupés en raison de l’absence d’un enseignant non remplacé.

Quoi qu’il arrive, le cours prévu à l’horaire commence à l’heure dite. L’enseignant absent est remplacé par un collègue ou un assistant d’éducation, garant de l’ordre et de la discipline. A la phase trois, l’échange ou le dialogue se déroule sous le contrôle du remplaçant.

Cette mesure nécessaire pour éliminer les effets nocifs de la pénurie d’enseignants suppose des réformes indispensables :

La nécessité de réformes de l’organisation scolaire

1/ les enseignants sont présents à l’établissement pendant les heures d’ouverture de celui-ci ; ils sont, en contrepartie, débarrassés des corrections et des préparations de cours.

2/ la rémunération des enseignants est, dans ce contexte, augmentée de 50%.

Facile !, mais qui va payer ?

Nous n’échapperons pas, dans le cadre d’un endettement généralisé et destructeur d’avenir, à une réforme de notre structure institutionnelle. Il y a des moyens à retrouver dans la suppression des provinces et dans l’allocation des ressources récupérées au refinancement de l’école.

On ne peut éviter de remettre en question l’organisation de notre système scolaire, hérité des guerres scolaires des deux siècles passés. La société d’aujourd’hui est pluraliste. Est-il impossible d’imaginer que chaque école, quelle que soit son orientation philosophique, s’intègre dans un contrat aux termes duquel elle offrira, sur la base de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’instruction réclamée par la Fédération Wallonie-Bruxelles à chaque stade de la scolarisation et l’éducation souhaitée par la famille dans les espaces réservés aux religions?

Dans ce domaine aussi, la scolarité enrichie par l’Intelligence Artificielle offre des possibilités nouvelles et économes des deniers publics.

Conclusion

Il faut rendre hommage aux Universités francophones qui se sont associées pur ouvrir les voies de l’Intelligence Artificielle et aux études du CNRS français qui ont largement déblayé le terrain de l’instrumentalisation scolaire de l’I.A.

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