Observations cinglantes de la Cour des Comptes sur la comptabilité wallonne

© BELPRESS - Philippe Turpin

On sait depuis un article paru voici quatre semaines dans La Libre Belgique que la Cour des Comptes n’est pas tendre à l’égard de la Région wallonne. Dans son 25ème cahier d’observation, qui n’est pas encore rendu public (il le sera le 14 janvier), elle estime l’endettement wallon à 11,238 milliards, et non à 6,25 milliards comme le soutien le ministre wallon du Budget André Antoine.

Au début de cette semaine, le débat a rebondi en commission du parlement wallon. Le ministre Antoine a condamné un “coup politique”. Nous avons toutefois pu jeter un coup d’oeil sur ce document qui a été déposé au Parlement wallon fin décembre. Il est cinglant. “La Cour, peut-on lire dans le rapport, a relevé que, par manque d’exhaustivité et d’exactitude, les bilan et compte de patrimoine repris dans les comptes généraux établis par la Région ne répondent actuellement pas aux principes comptables de régularité, de sincérité et d’image fidèle.” Que reproche la Cour ? Essentiellement deux éléments.

D’abord, de n’avoir pas pris en compte certaines dettes d’organismes para régionaux et certaines garanties.

Certes, par le passé, la Cour n’avait pas toujours tenu compte de ce point. Mais ces dernières années, les perspectives ont changé à cause de … la Grèce. La découverte que le déficit budgétaire grec avait été très nettement sous-estimé en 2007-2009 a incité l’Europe à obliger les instituts de statistiques de tous les pays européens à être plus rigoureux. Y compris chez nous.

Le montant de 6,25 milliards annoncé par le ministre Antoine correspond à la dette directe de la région (5,46 milliards) et la dette indirecte (0,8 milliard), cette dernière étant essentiellement composée de l’endettement relatif aux bâtiments scolaires qui avait été transféré à la Région afin d’aider la Communauté française financièrement exsangue.

Mais la Cour des Comptes estime qu’il faut aussi ajouter :
– 790 millions de la dette du Fadels (le fonds d’amortissement des emprunts du logement social)
– 1,3 milliard de dette contractée par les institutions qui, selon les règles comptables européennes, font partie du périmètre de la Région wallonne (il s’agit essentiellement de la Fiwapac, des TEC et de la Sofico).
– 2,808 milliards de garanties. La Région s’est en effet engagée à rembourser, quoiqu’il arrive, 2,2 milliards de dette du CRAC, le centre régional d’aide aux communes et 0,6 milliard de dette de la Sowafinal, cette filiale de la SRIW spécialisée dans l’assainissement de sites industriels désaffectés.
Si on ajoute à cela 81 millions d’euros de leasing immobiliers contractés par la Région, la dette wallonne s’élève donc à 11,238 milliard d’euros.

En outre, la Cour condamne aussi un manque de méthode dans la tenue des livres comptables de la Wallonie. “En ce qui concerne les dettes garanties par la Région, la Cour observe qu’à défaut d’un suivi centralisé et d’un rapportage régulier, l’administration wallonne ne peut assurer l’exhaustivité et l’exactitude des informations relatives à ses engagements”, peut-on lire dans le 25ème cahier d’observation. La Région ne dispose pas, en effet, d’un inventaire exhaustif de ses participations et “en raison de l’absence d’inventaire centralisé et de valorisation conforme aux règles comptables, la Cour ne peut évaluer la valeur réelle du portefeuille des participations financières de la Région”, ajoute la Cour des Comptes.

Un exemple de valorisation douteuse: dans les livres comptables de la Fiwapac, cet organisme financier créé pour intervenir d’urgence dans les sociétés particulièrement touchées par la crise, on observe une participation dans Dexia. Elle présente une valeur comptable de 350 millions, soit le montant que la Fiwapac avait injecté en 2008 pour recapitaliser une première fois le groupe en difficulté. L’opération avait été réalisée alors à 9 euros l’action. Mais aujourd’hui, l’action Dexia ne vaut plus que 4 cents…

Pierre-Henri Thomas

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