Nos finances publiques insoutenables? Non, c’est notre modèle économique!

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

C’est la réponse du berger à la bergère: cinquante professeurs et syndicalistes écrivent un texte alternatif, après l’appel des économistes. Message: il faut une approche radicalement différente.

Ils sont une cinquantaine à lancer un contre-appel aux politiques en plein conclave budétaire. Académiques, syndicalistes, membres d’associations… répondent à la cinquantaine d’économistes qui avaient pris la plume, mi-mars. “Nos finances publiques sont insoutenables”, alertaient les économistes. “Notre modèle économique est insoutenable”, réagissent ces auteurs, dans un texte publié par L’Echo.

Parmi eux, on trouve notamment les professeurs Ricardo Petrella (UCLouvain), Pierre Galand (ULB), Paul Jorion (Université catholique de Lille), le syndicaliste Jean-François Tamellini (FGTB) ou l’associatif Arnaud Sacharie (CNCD 11.11.11). Ils portent une sensibilité plutôt écologiste et ancrée à gauche de l’échiquier politique. Comme une démonstration: les débats qui écartelent aujourd’hui le gouvernement De Croo divisent aussi fortement la “société civile”.

La faillite de la finance

Ce texte répond également au gouverneur de la Banque nationale, Pierre Wunsch, ou au président du MR, Georges-Louis Bouchez: le premier affirmait que l’on allait “droit dans le mur”, le second mettant en garde contre un risque de “faillite.

S’il y a une faillite, bien réelle aujourd’hui, c’est celle du monde de la finance, qui met à nouveau nos sociétés au bord d’une crise de grande ampleur, avec des conséquences sociales et économiques désastreuses, écrivent ces auteurs. Cette faillite était prévisible et prévue. Elle est le résultat logique de politiques qui ont permis aux détenteurs de capitaux de continuer leurs pratiques spéculatives à grande échelle.”

Pour autant, ils ne rejettent pas la nécessité de finances publiques soutenables, mais il veulent une autre approche: “Viser à réduire le poids de la dette et les déficits publics sont des objectifs importants… ne fût-ce que pour en finir avec la prise d’otage des marchés financiers et le chantage à l’austérité avant chaque conclave budgétaire. Mais, en 2023, on ne peut plus accepter, ni même concevoir, que les solutions proposées pour s’attaquer à l’endettement public soient systématiquement ciblées sur la population et les services publics, impliquant une régression sociale, environnementale et démocratique. Comme si la majorité du corps social, et en particulier les femmes, ne subissait pas déjà l’austérité en permanence depuis des années.”

De manière “radicalement différente”

Ces cinquante personnalités qui ont pris la plume n’avalent toujours pas la pilule de la crise financière passée. “Fallait-il agir en 2008 et en 2020? Oui, bien sûr! Mais il fallait le faire de manière radicalement différente, c’est-à-dire en créant les conditions pour ne plus revivre pareille situation, notamment en reprenant le contrôle de la finance pour la mettre au service de l’intérêt général. Force est de constater que rien de sérieux n’a été mis en œuvre à ce niveau. La logique d’accumulation et la spéculation se sont poursuivies, et aujourd’hui, alors que de nouvelles bulles explosent, certains voudraient à nouveau faire payer l’addition à la collectivité.”

Ils ajoutent: “La logique est la même en ce qui concerne la situation inflationniste persistante. Il faut la traiter, mais en s’attaquant à ses causes sous-jacentes, comme la spéculation. Pas en tentant de saper l’indexation des salaires, qui n’en est qu’une résultante… Une résultante par ailleurs indispensable au maintien de la consommation intérieure, comme l’a encore récemment montré un rapport de la Banque nationale.”

Un autre calcul de la dette

Alors que le débat est mené simultanément au niveau européen sur les règles budgétaires, ces signataires rejoignent le PS et Ecolo dans leur volonté de changer les règles du jeu: “Si la volonté est d’améliorer la vie des gens en recréant des équilibres entre développement économique, bien-être social et respect de l’environnement, c’est à l’origine des problèmes qu’il faut s’attaquer. Commençons par la dette publique… Nous avons plus que jamais besoin d’un débat adulte sur la manière d’évaluer la soutenabilité des finances publiques, au-delà de slogans simplistes sur le niveau trop élevé de la dette ou du déficit.”

Concrètement, par exemple, “il convient d’obtenir de la Commission européenne une neutralisation des investissements durables dans la comptabilisation des déficits publics. Les investissements publics nécessaires, notamment en matière de santé et de climat, sont considérables et ne pourront être effectués sans rompre avec les règles actuelles”. Lutte contre les spéculateurs, allègement de la dette, création d’emplois – oui, mais de qualité… Voilà un regard alternatif.

Et voilà ce qui illustre ce bras de fer belge et européen qui risque de se durcir.

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