Peter Schwartz

L’IA et les soins de santé: une affaire qui devient à présent personnelle

Peter Schwartz Futurologue technologique et Chief Future Officer chez Salesforce

Pendant des générations, les soins de santé sont restés une activité fragmentée : quelqu’un tombe malade ou se casse une jambe, se rend chez le médecin et, une fois guéri, n’y revient habituellement pas avant d’être à nouveau malade ou blessé. Au vu des nouvelles possibilités que des technologies plus récentes, telles que l’intelligence artificielle, mettent à la disposition du secteur de la santé dans le cadre de cette quatrième révolution industrielle, le temps semble venu pour les décideurs politiques et les prestataires de soins de santé d’oeuvrer en faveur de soins de santé continus pour de meilleurs résultats.

Selon Bernard J. Tyson, CEO de Kaiser Permanente, les consommateurs s’attendent déjà à ce que l’accès aux prestataires de soins de santé soit aussi simple et intelligent que les services bancaires en ligne, l’impression d’une carte d’embarquement ou la réservation d’un restaurant. Par exemple, près des trois quarts des Américains qui possèdent une assurance maladie (72 %) estiment qu’il est important que leur assureur utilise des outils de communication modernes comme la messagerie instantanée et la vidéo bidirectionnelle.

Les organisations innovantes du secteur de la santé, telles que Kaiser Permanente, l’ont bien compris. L’entreprise examine non seulement comment elle peut utiliser la technologie aujourd’hui pour améliorer les soins prodigués aux patients, mais également comment la technologie pourra contribuer à l’avenir au diagnostic précoce et au traitement des maladies chroniques, afin que les patients augmentent leur chance de vivre plus longtemps et en meilleure santé.

Un avenir où les assistants de santé numériques personnels surveilleront tous les aspects de notre santé et de notre bien-être, et où la détection et le traitement des maladies seront adaptés à notre ADN : voilà qui n’est plus de la science-fiction. Cet avenir se rapproche de jour en jour.

Réaliser ce rêve de soins de santé personnalisés pour tous représentera un réel défi. Les prestataires de soins de santé doivent développer et mettre au point de nouvelles technologies, mais ils doivent aussi recueillir, intégrer et partager de grandes quantités de données sur les patients, et les stocker de façon à pouvoir apprendre aux systèmes IA à poser des diagnostics, donner des conseils et prévoir les choses intelligemment. Ils doivent également répondre aux préoccupations légitimes en matière de protection de la vie privée, soulevées par des événements notables tels que la récente acquisition de DeepMind Health par Google, qui donne soudainement à ce géant technologique l’accès aux données de 1,6 million de patients du National Health Service au Royaume-Uni.

Des assistants numériques sont à votre service 24 h/24 et 7 j/7

Les assistants numériques comme Alexa d’Amazon et Siri d’Apple utilisent déjà l’IA pour effectuer des tâches quotidiennes, comme réserver une table dans un restaurant ou rappeler des appels manqués.

Les assistants numériques du futur deviendront des “compagnons de santé” à plein temps : ils pourront suivre l’état de santé du patient, envoyer les résultats aux prestataires de soins de santé et organiser des rendez-vous virtuels ou en face à face. Ils nous aideront à gérer la fréquence et la quantité de médicaments dont nous avons besoin et nous fourniront des conseils médicaux fiables en tout temps. Ils tiendront les médecins au courant des informations pertinentes concernant le patient, depuis les maladies antérieures jusqu’aux réactions aux médicaments passées. Et ils aideront les personnes âgées en leur fournissant l’assistance dont elles ont besoin, comme l’aide dans une maison de soins, et réduiront les sentiments d’anxiété et de solitude qui touchent de nombreuses personnes âgées.

Une médecine de précision pour un traitement personnel

L’IA est également le moteur de la médecine dite de précision, qui utilise toutes sortes d’informations sur les patients, comme leur environnement, leur mode de vie, leurs données physiques jusqu’au niveau de l’ADN, afin de diagnostiquer et traiter les maladies. Grâce à l’analyse de toutes les informations pertinentes, les médecins peuvent prescrire le traitement qui a le plus de chances de réussir, avec un minimum de risques de réactions allergiques ou d’effets secondaires indésirables. Genya Dana, responsable de la médecine de précision au Forum économique mondial, l’explique en ces termes : “C’est le traitement adéquat pour la personne adéquate au moment adéquat.”

La collecte des informations nécessaires à la médecine de précision est d’ores et déjà beaucoup plus simple et moins coûteuse qu’auparavant. Vous pouvez à présent réaliser un séquençage de génome pour moins de 1 000 $ (et le regarder via une application sur votre mobile). En 2007, le séquençage coûtait encore 350 000 $.

Outre l’amélioration de la santé du patient, l’identification rapide de traitements efficaces apporte un autre effet positif. En effet, le coût des soins de santé en général diminuera, car moins de traitements et de procédures seront nécessaires par maladie. Il s’agira d’un facteur important, compte tenu du vieillissement croissant de notre société.

Dans le monde entier, des entreprises aux États-Unis, la Chine et le Japon investissent déjà des milliards dans la recherche en médecine de précision.

Des coûts réduits

Le principal atout de l’innovation stimulée par l’IA est de ne pas se limiter à la classe supérieure la plus riche de la population. D’autres groupes bénéficieront également de ces progrès.

Le cancer est aujourd’hui la première cause de mortalité en Afrique. Le gouvernement rwandais collabore avec le Forum économique mondial pour améliorer les diagnostics qui doivent permettre la détection d’un cancer. L’IA peut contribuer à une évaluation précise des scans, à des recommandations de traitement fiables et à la réduction du nombre d’interventions inutiles dues à de faux positifs, comme le montrent certains exemples tels que la recherche sur le dépistage du cancer du sein menée au Massachusetts General Hospital et à la Harvard Medical School. Avec la mise en place de la politique et de l’infrastructure adéquates, les avantages potentiels de la médecine fondée sur l’IA pourraient se révéler considérables pour le Rwanda.

La possibilité d’éliminer les erreurs

L’IA contribue déjà à réduire le nombre de décès dus à des erreurs médicales. Après les maladies cardiaques et le cancer, les erreurs médicales représentent la troisième cause de décès la plus fréquente. Rien qu’aux États-Unis, 7 000 personnes meurent chaque année des suites d’une mauvaise prescription ou d’un mauvais dosage.

Pour aider à résoudre ce problème, Bainbridge Health a mis au point un système qui utilise l’IA pour filtrer le risque d’erreur humaine et s’assurer que les patients des hôpitaux prennent toujours le bon médicament à la bonne dose. Le système suit tout le processus, étape par étape, de la rédaction de l’ordonnance à l’administration du médicament au patient.

L’assureur maladie Humana utilise l’IA pour enrichir son service à la clientèle humain. Le système peut envoyer aux agents du service à la clientèle des messages en temps réel leur indiquant comment améliorer leur interaction avec l’appelant. Il peut également identifier les conversations susceptibles de dégénérer et alerter le superviseur afin qu’il soit prêt à traiter l’appel si nécessaire. Ainsi évite-t-on de mettre le client en attente, ce qui améliore l’expérience client et accélère le traitement de problèmes éventuels.

Ce sont là deux beaux exemples du type de problèmes qui peuvent être résolus avec l’IA. Et nous en verrons bien d’autres dans les mois et les années à venir.

Comment envisager l’avenir ?

L’IA a le potentiel d’améliorer radicalement les soins de santé. Cependant, si nous voulons nous assurer que cela mène à une meilleure santé pour tous, trois conditions doivent être remplies.

Premièrement, les gouvernements et les autres organismes doivent élaborer des protocoles pour la construction sûre et durable de l’économie des données à caractère personnel. Ce n’est qu’en permettant aux patients de gérer et d’échanger leurs propres données que nous pourrons résoudre les problèmes de sécurité et d’abus des données et assurer un flux de données de qualité dont les prestataires de soins de santé auront besoin pour construire des systèmes IA plus intelligents.

Deuxièmement, nous devons définir un cadre éthique solide pour évaluer les implications morales de l’utilisation de la technologie pour prendre des décisions concernant la santé et le bien-être des gens. Ce cadre implique également une transparence totale quant aux algorithmes utilisés et aux données qui les alimentent, afin que les patients comprennent pourquoi une décision a été prise.

Enfin, nous devons rêver en grand. Les maladies comme la polio et la variole ont été pratiquement éradiquées dans une grande partie du monde, alors pourquoi ne pouvons-nous pas faire de même avec d’autres maladies ? Imaginez un monde sans drépanocytose, sans cancer. Comme ce serait beau !

Lorsque nous pensons à l’avenir des soins de santé, nous y voyons un potentiel énorme. Mettons-nous au travail dès maintenant afin de transformer ce potentiel en réalité.

Peter Schwartz, Senior Vice President, Strategic Planning, chez Salesforce

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